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Lui aussi, le fils des Vallombrosa avait un peu une âme de condottiere!

Il existe à ce propos, entre les mains de tiers à qui elle était adressée, une bien curieuse correspondance.

Mais qu'en contraste aux haineuses paroles que j'ai rapportées, elles sont « reposantes », comme disait Alphonse Daudet, les larmes sincères, les tristesses inconsolables, les élégies glorificatrices de M. Edouard Drumont!

La lettre du prophète qui suscite, le 15 avril 1899, ces réflexions de Séverine, a son principal intérêt dans les deux versets reproduits par l'amie du prophète et de Morès. L'antisémite de marque dont Séverine fixe «<le flot d'injures, » c'est le prophète lui-même : la France Juive ne contient pas de page plus suggestive que « Contrastes. >>

LIVRE DEUXIÈME

LE SÉNAT VOTE LA LOI D'ADJONCTION

CHAPITRE PREMIER

Séance du 27 février 1899.

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Sa joie de la nomination de Freycinet au ministère de
Protestation de Freycinet contre le motif de

la guerre. cette joie.

Le 27 février 1899, le Sénat délibère sur le projet de loi qui adjoint de nouveaux juges à la revision du procès de Dreyfus (1).

- (

1.Exorde de Lecomte. «Opinion émise par Bisseuil, le 8 décembre 1898. - Elle contredit sa thèse actuelle. Déclaration du Président du Conseil sur la proposition Gerville-Réache. - Elle contredit sa thèse actuelle. La conscience du législateur lui impose des règles. L'indépendance de la justice est

une de ces règles. »>

M. MAXIME LECOMTE.

Il y a quelque temps, M. Bisseuil

(1) Voir Histoire documentaire, tome X, pages 187 à 264, la délibération de la Chambre sur ce projet de loi.

s'est élevé, à cette tribune, avec une énergie qu'il serait difficile de dépasser, contre les auteurs des lois de circonstances.

Il vous a dit alors: « Ceux qui proposent de telles lois commettent le dernier des attentats; ce sont des criminels et des factieux. »

Et cependant, quelque temps après, il déposait lui-même une proposition qui ressemblait fâcheusement à une loi de circonstance, puisqu'elle se proposait de substituer aux juges désignés par la loi, en dehors des contingences des faits, pour connaître de toutes les affaires et non pas d'une affaire particulière, une juridiction nouvelle.

Le Sénat était sur le point de faire un accueil peu favorable à cette proposition, d'accord en cela, sur le principe et sur le fait, avec le Gouvernement.

Il y a, en effet, actuellement deux questions en jeu : l'une juridique, l'autre politique.

Le Gouvernement s'était nettement prononcé sur ces deux questions.

M. le Président du Conseil, à la séance du 4 novembre dernier, au sujet de la proposition de loi déposée par M. Gerville-Réache, disait devant la Chambre des Députés : << Autant une proposition de ce genre peut être étudiée pour l'avenir, autant il paraît impossible de dessaisir, à un moment donné, une juridiction déjà saisie. »

Cela était net quant au point de droit.

D'ailleurs on ne peut être en désaccord sur ce principe, et M. Bisseuil lui-même, le 8 décembre dernier, au sujet d'une proposition de loi déposée par l'un de nos collègues, proposition qui cependant ne parlait pas de dessaisissement, mais simplement de sursis, vous disait: « C'est une loi de circonstance; elle tient ce caractère de l'époque même où elle est née et qui est, en quelque sorte, attachée à ses flancs. Son origine est ainsi viciée et le calme n'est pas assez refait dans les esprits pour que vous puissiez considérer que ce vice originel a disparu. »

Nous trouvons à l'appui du principe énoncé par M. le Président du Conseil, devant la Chambre, un exemple même contenu dans une disposition de la loi constitutionnelle du 16 juillet 1875.

Dans la matière la plus grave, en ce qui concerne la juridiction la plus haute, pour les crimes contre la sûreté de

l'État, lorsque l'instruction a été faite par la juridiction ordinaire, le Sénat ne peut être convoqué en Haute-Cour.

La loi ne permet donc, en aucun cas, de dessaisir une juridiction saisie.

D'ailleurs, M. Bisseuil se trompe lorsqu'il appelle la Chambre criminelle une juridiction d'instruction. C'est une juridiction de jugement.

Elle est saisie de deux questions.

La première était celle de savoir si la demande en revision était recevable. Elle a répondu affirmativement;

La seconde est celle de savoir si cette demande est fondée.

Cette question, la chambre criminelle peut la résoudre.

Elle peut aussi chercher à s'éclairer et faire une enquête. La loi dit: elle cherche les moyens propres à mettre la vérité en évidence.

Voilà pour la question juridique, et nous étions fixés à ce sujet sur le sentiment du Gouvernement.

Mais il y a une question politique. Répondant à une question de M. Monis, le 29 novembre, M. le Président du Conseil disait : «La meilleure manière d'obtenir le retour du calme et de la tranquillité, c'est de laisser les juridictions dans leur domaine, celui de la justice.» (Très bien ! à gauche et sur divers bancs au centre ) Nous applaudissions le Gouvernement, et, sachant sa pensée complète, nous n'étions pas gênés pour repousser toute loi de circonstance et de suspicion.

Mais nous le faisions aussi, parce que nous sommes attachés au droit et parce que nous sommes patriotes.

Nous repoussons toute violation du droit. Je sais que M. Bisseuil dira: « C'est une question de légalité; pourquoi préférez-vous votre légalité à la mienne, la légalité d'aujourd'hui à celle de demain, si la loi que nous proposons est votée ? >>

Mais la conscience du législateur, sa dignité, son honneur lui imposent des règies qu'il ne peut pas transgresser. (Applaudissements à gauche et sur certains bancs au centre.) Il ne peut pas faire tout ce qu'il veut; il y a des principes qui sont les conditions et les garanties de la liberté et de la justice; je veux dire l'indépendance de la justice et la séparation des pouvoirs. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)

Ces principes essentiels ont toujours été respectés dans les pays et les temps de liberté. Le Gouvernement a proclamé le

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