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mains un dépôt ordinaire. M. Maxime Lecomte disait qu'ils constituent le patrimoine de la France. C'est plus que cela. Ils sont en réalité notre trésor national. (Applaudissements prolongés.)

D'autres peuples ont un trésor de guerre. Nous avons, nous, dans ces principes, un véritable trésor de paix. (Très bien! et bravos.)

Et nous leur avons dû cette fortune jusque dans nos plus grands désastres, que la fidélité de notre pays à ces idées tutélaires lui a conservé jusqu'ici la clientèle des opprimés du monde entier. (Sensation.)

C'est à ce point que, durant tout ce siècle, il ne s'est pas trouvé dans l'univers un homme persécuté ni une nation asservie qui n'ait tourné ses regards vers la France ou invoqué son concours. (Nouveaux applaudissements.)

Eh bien cet apanage moral de notre patrie, voulez-vous l'aliéner? Voulez-vous que demain le monde se demande avec stupéfaction: «Comment! en pleine paix, sans même l'excuse d'une révolution, voilà la France qui renie les principes qui nous faisaient croire en elle! Qu'est-elle donc devenue? »

Messieurs, il n'y a qu'un moyen de conjurer ce malheur : il faut rentrer dans la tradition nationale et repousser la loi. (Vifs applaudissements.)

Et maintenant, messieurs, j'ai fait mon devoir. Je supplie le Sénat de faire le sien. (Applaudissements et acclamations à gauche, au centre et sur une partie des bancs à droite.)

L'orateur, en descendant de la tribune, est salué de nouveaux applaudissements. Il reçoit, au moment où il regagne son banc, les félicitations d'un grand nombre de ses collègues.

M. LE PRÉSIDENT. La parole est à M. le Ministre de la Guerre. (A demain! Non! non! Agitation.)

18.

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Protestation de Freycinet, ministre de la guerre, contre l'éloge de Bérenger. Réplique de Bérenger. « Il n'y a pas de motif sérieux au dépôt du projet de loi. »

Je n'ai que

M. DE FREYCINET, ministre de la Guerre. deux mots à dire : Si j'ai demandé la parole, ce n'est pas pour discuter la loi; je laisse ce soin à de plus compétents. C'est uniquement parce que je ne veux pas laisser ni le

Sénat, ni le pays sous l'impression de certaines paroles de M. Bérenger. (Approbations à droite.)

Après avoir protesté de son respect et de son attachement pour l'armée, en termes que nous avons tous approuvés, notre honorable collègue a laissé échapper quelques mots, que je trouve imprudents et qui ont à coup sûr dépassé sa pensée. (Nouvelle approbation à droite et sur divers autres bancs.)

M. BÉRENGER. — Lesquels?

M. LE MINISTRE.

Il a parlé d'excitations adressées à l'armée. Il a dit que ces excitations étaient parvenues jusqu'à certains chefs, qui ne les avaient pas repoussées avec assez d'indignation.

Et, complétant sa pensée, il a ajouté qu'il s'était réjouí de mon arrivée au Ministère, persuadé que je saurais maintenir les troupes dans leur devoir d'obéissance aux lois.

Eh bien, je proteste contre cet éloge. Je n'ai jamais eu à ramener l'armée au sentiment de son devoir.

J'ai trouvé l'armée, je le proclame hautement, absolument imbue du sentiment de ses devoirs, l'armée tout entière, depuis ses chefs jusqu'à ses membres les plus humbles.

Jamais, et à aucun moment, elle n'a cessé de mériter votre plus entière confiance; elle continue, par son dévouement et son esprit de discipline, à en rester digne. (Vifs applaudissements sur un très grand nombre de bancs.)

M. BERENGER. Je regrette que M. le Ministre de la Guerre ait pu trouver dans mes paroles rien qui ait pu offenser ses sentiments à l'égard de l'armée. Quand il les relira au Journal officiel, et je prends l'engagement de n'y rien changer, il sera étonné de l'interprétation qu'il leur a donnée.

J'ai dit que, derrière les sentiments qui avaient été manifestés, on avait cru voir les sentiments éprouvés par l'armée elle-même.

Voilà tout ce que j'ai dit. Je cherchais les motifs de la détermination du Gouvernement pour déposer le projet de loi. Je me préoccupais des sentiments qu'on attribuait à l'armée, et je concluais en disant qu'il n'y avait pas de motif sérieux au dépôt de ce projet. (Très bien! très bien! - Applaudissements à gauche.)

Voix nombreuses: A demain! à demain !

Le Sénat, consulté, renvoie à demain la suite de la discussion.

M. LE PRÉSIDENT. Je viens de recevoir de M. Joseph Fabre une lettre par laquelle il demande à transformer en interpellation sa question sur l'embauchage d'officiers dans des associations politiques telles que la Ligue de la Patrie française, et sur les conséquences de cette Ligue et autres Ligues constituant les cadres de la guerre civile.

M. LE PRÉSIDENT DU CONSEIL Je demande au Sénat de réserver pour une prochaine séance la fixation de la date de la discussion de cette interpellation. (Assentiment.)

M. LE PRÉSIDENT.-M. Le Provost de Launay a la parole pour un fait personnel.

M. LE PROVOST DE LAUNAY.

Je tiens à m'expliquer d'un mot sur un incident qui s'est produit pendant le discours de M. Bérenger.

M. Bérenger, à diverses reprises, et avec une insistance qui m'a étonné, s'est occupé en termes peu bienveillants de M. Bisseuil.

M. JOSEPH FABRE. Vous voulez l'accabler, en le prenant sous votre patronage!

M. LE PROVOST DE LAUNAY. La dernière fois que M. Bérenger a fait allusion au rapport de M Bisseuil, des applaudissements ironiques sont partis du côté gauche de cette assemblée. Je me suis levé et j'ai déclaré que ces applaudissements étaient indécents.

Je persiste à considérer ces applaudissements comme indécents, et je le répète pour ceux qui ont applaudi. (Protestations à l'extrême gauche.) Ceux qui ne sont pas contents peuvent venir me le dire.

CHAPITRE DEUXIÈME

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Séance du Sénat du 28 février 1899. Le Président du Conseil, Dupuy, invoque un précédent de Waldeck-Rousseau. A l'appui de l'adjonction de juges. Réplique de Waldeck: « C'est un acte de faiblesse, en face des clameurs de quelques professionnels. Il est un seul moyen de ne pas se tromper; écouter sa conscience; ensuite, lui obéir. »

Le 28 février, Drumont publie « Déroulède et Reinach. » Il y récite le verset: « Le complot international est patent, évident, indiscuté. L'or coule à flots ». Prophète, tu erres! L'or coule à flots, mais dans la caisse de la Libre Parole, chez les apologistes du faussaire. L'or du complot international? Montres en une once! A la vérité, la crédulité de tes lecteurs est sans bornes; tu es dans ton rôle en l'exploitant. Sans doute, ils croient Bérenger payé par l'or du complot international, Scheurer-Kestner et Zola aussi, Grimaud et Duclaux également, de même Hervé de Kerohant et le docteur Lépine, ainsi que les milliers de Français qui de tous les horizons politiques s'unissent dans une commune indignation contre les imbéciles qui gobent tes mensonges.

Tu oses écrire : « A la première occasion, les Fran

çais exaspérés se précipiteront dans une impulsion de folle colère... » Eh! Eh! Exaspération et folle colère ! Prends garde, prophète, à ce que ce soit contre tes prosélytes! Ce jour-là, tu verras se réaliser ta prophétie.

La délibération du Sénat sur la loi de désaisissement continue le 28 février.

1.- Exorde de Tillaye. - Le projet de loi est en harmonie avec les principes de notre droit criminel. La loi du 8 décembre 1897 sur l'instruction criminelle procède de principes identiques >>.

M. TILLAYE. C'est un périlleux honneur que celui de répondre aux orateurs éminents qui dans la séance d'hier, ont combattu le projet actuel.

Je le fais cependant et je vous demande de vous attacher uniquement à l'objet même de ce grave débat, c'est-à-dire à la discussion du projet de loi et non pas à autre chose. (Très bien! sur divers bancs. - Mouvements sur d'autres bancs.)

Ce projet de loi a été attaqué, hier, avec la plus grande véhémence, comme un véritable attentat contre la loi.

Je viens le défendre, sans passion (Mouvement), et, si j'y mets quelque ardeur (Rires approbatifs), je prie tous mes collègues de ne voir là que le vif désir que j'ai de les convaincre et de les convier tous à une œuvre d'apaisement et de concorde. (Très bien! très bien! sur un grand nombre de banes.)

Il ne s'agit pas, en effet, de faire une loi d'un jour (Mouvements divers); car ce serait bien là une loi de circonstance. (Sourires.)

Il ne s'agit pas non plus de sauver le Ministère, puisque M. Maxime Lecomte a eu l'amabilité de dire hier à M. le Président du Conseil qu'il était « gêné par le vif désir de le conserver ». (Sourires.)

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M. MAXIME LECOMTE. C'est très exact.
M. TILLAYE.

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Mais, en dehors de cette enceinte, il y a tout un parti qui serait fort aise de le mettre en mauvaise posture. (Très bien! très bien !)

Eh bien, il ne s'agit pas de tout cela, il s'agit de quelque chose de plus grand: sauver le pays (Applaudissements sur

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