Page images
PDF
EPUB

DESCRIPTION DU DICHROÏTE, NOUVELLE ESPÈCE MINÉRALE.

Par M. L. CORDIER, Ingénieur en chef des Mines.

LE

E minéral que je vais décrire appartient à la classe des substances terreuses. Il paraît devoir être placé à côté de l'émeraude. Son rôle dans la méthode ne serait guère plus remarquable que celui de la plupart des espèces de la même classe, s'il n'était doué d'une propriété toute particulière, dont la connaissance intéressera peut-être un moment les physiciens qui se sont occupés des routes de la lumière dans les milieux cristallisés.

Ce minéral a été trouvé au cap de Gattes en Espagne. Il y était déjà connu des habitans du pays, et des lapidaires de Carthagène, lors-* que M. Launoi, marchand de minéraux, fut sur les lieux il y a une vingtaine d'années, et en rapporta quelques échantillons qui ont été successivement vendus, soit en France, soit en Allemagne la plupart de ces échantillons étant mal caractérisés, les collections s'augmentèrent d'une rareté dont la science në tint provisoirement aucun compte.

Passant moi-même au cap de Gattes il y a quelques années, je fus assez heureux pour rencontrer quelques morceaux du minéral en question, dont tous les caractères essentiels Volume 25.

I

étaient nettement prononcés et m'indiquaien une espèce nouvelle. Je me proposai d'e donner la description aussitôt que j'aurais p en faire l'analyse; mais n'ayant pu jusqu'ic m'occuper de ce soin, je me contente d publier mes observations minéralogiques; j m'y décide avec d'antant plus de raison, qu j'ai été prévenu par quelques minéralogiste étrangers. M. Reuss, dans le dernier volum de son Traité publié en 1806, annonce qu M. Werner vient de faire une espèce nouvelle de la substance du cap de Gattes, sous le nom d'yolithe, qu'il la place à côté de l'œil-de-chat et la divise en trois variétés, savoir: la vi treuse, la porphyrique et la commune. M. Kars ten ayant adopté le sentiment de M. Werner a, dans ses Tables minéralogiques, pour 1808 placé l'yolithe entre le lazulithe et l'andalou site de M. Delamétherie: il en donne la des cription suivante :

« Ce minéral se trouve d'un bleu de lavende » foncé, en masse ou disséminé, d'un écla » faible, allant du brillant à l'éclatant, à cas » sure inégale, dont les fragmens sont indé » terminés à bords très-aigus; les pièces sé » parées qu'il présente sont indistinctes et à » gros grains. Il est dur, aigre, opaque » médiocrement pesant. On le trouve, au cap » de Gattes en Espagne, associé avec la litho » marge, le quartz et l'almandine cristallisé »

ככ

Il serait bien difficile de découvrir dans cette description, les motifs, ou à parler plus exactement les caractères qni ont détermine MM. Werner et Karsten à faire une espèce particulière du minéral en question; car elle

[ocr errors]

s'appliquerait également bien, et presque mot pour mot, à des variétés de substances connues, et notamment à la tourmaline bleue on pourrait même avancer qu'une notice aussi vague laisse tout à désirer du moment qu'il s'agit d'instituer une espèce nouvelle; mais je me contente de remarquer en passant, que cela tient bien moins à l'imperfection des échantillons que les célèbres professeurs de Freiberg et de Berlin ont eu sous les yeux, qu'à l'insuffisance du système des caractères extérieurs pour déterminer les espèces minérales. Ce système, tout admirable qu'il est en lui-même, ne saurait être susceptible d'une application générale de cette nature, puisqu'il ne considère, pour ainsi dire, que la physionomie des variétés qu'il borne la minéralogie à l'étude des caractères auxiliaires, et qu'en dernière analyse, il réduit la science à n'être vraiment qu'un art guidé par l'empyrisme le plus aveugle et je dois ajouter, le plus spécieux; car il faut convenir que cet empyrisme est devenu bien séduisant depuis que l'illustre M. Werner a su le rendre méthodique. Mais l'expérience, encore plus que le raisonnement, démontre chaque jour davantage la véritable valeur qu'il faut attribuer aux caractères extérieurs, et je n'ai pas dû perdre l'occasion d'en faire ressortir une nouvelle preuve.

Avant de passer à la description du dichroïte, je dois dire encore qu'il n'en est fait mention ni dans la Théorie de la Terre de M. Delamétherie, ni dans le grand Traité de Minéralogie de M. Haüy, ni dans l'ouvrage de M. Patrin, ni dans celui de M. Brongniart, ni

enfin dans les autres ouvrages français publiés jusqu'à ce jour, et notamment dans l'Extrait de la Méthode de M. Haüy, publié par M. Lucas.

Le dichroïte ne s'est encore trouvé qu'en gros grains amorphes ou cristallisés, qui tantôt se montrent isolés, tantôt se présentent groupés en masses d'un volume peu considérable (ayant moins d'un décimètre).

Son caractère essentiel est d'être divisible parallèlement aux faces d'un prisme hexaèdre régulier, susceptible d'être soudivisé par des coupes longitudinales perpendiculaires aux faces latérales.

Caractères physiques.

Pesanteur spécifique 2,560.

Dureté, rayant fortement le verre blement le quartz; facile à casser.

[ocr errors][merged small]

Cassure vitreuse assez éclatante, offrant souvent des indices de lames très-sensibles. Fragmens, irréguliers, à bords tranchans. Poussière, très-âpre au toucher.

A

Eclat de la surface extérieure, ordinairement terne.

Transparence; les cristaux translucides offrent un phénomène particulier qu'on peut appeler celui de la double couleur par réfrac

tion.

Caractères géométriques.

Forme primitive: le prisme hexaèdre régulier.

Molécule intégrante le prisme triangulaire dont les bases sont des triangles rectangles scalènes (1).

Caractères chimiques.

Par les acides, il n'éprouve aucune action. Par le feu du chalumeau, il fond difficilement en un émail d'un gris-verdâtre trèsclair. On obtient le même résultat, soit avec le borate, soit avec le carbonate de soude.

Caractères distinctifs.

1o. Entre le dichroïte et l'émeraude: celle-ci a une pesanteur spécifique plus forte dans le rapport de 10 à 9; sa molécule intégrante est un prisme triangulaire équilatéral : elle fond beaucoup plus difficilement; 2o. entre le dichroïte et la tourmaline le premier n'est point électrique par la chaleur; il est d'ailleurs moins dur et moins pesant; 3°. entre le dichroïte et le corindon: ce dernier jouit d'une infusibilité parfaite, et affecte une forme primitive rhomboïdale; 4°. entre le dichroïte et le dipyre: le dipyre fond en bouillonnant sa poussière est plus phosphorescente, ce qui n'a point lieu pour le premier; 5°. entre le dichroite et la népheline: l'un n'éprouve aucun changement par les acides, les fragmens de l'autre mis dans l'acide nitrique, › y de

(1) Les formes secondaires observées ne fournissent pas les moyens de déterminer la hauteur du prisme.

« PreviousContinue »