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militaires, exerçant des fonctions qui sembleraient assez analogues. Parmi ceux-ci, je compterais celui que je vois désigné par la qualification de TABularius CASTRensis, si je ne remarquais que c'était un esclave attaché à la maison de l'empereur (1). Il paraît que chaque manipule avait aussi son librarius; du moins on a cru le voir indiqué dans cette inscription donnée par Reinesius (2):

M. VALERIVS. DEXTER. LIB

NEPTVNIO. MANIPVLARIS

Je ferai remarquer, en finissant, que ces fonctions ne mettaient pas toujours à l'abri des périls du combat: le genre de mort de notre Venustus semblerait nous en donner la preuve.

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La science de l'économie politique est nouvelle encore, mais elle n'est plus jeune la marche des circonstances, l'entraînement du siècle, la gravité des questions sociales qui s'y rattachent, lui ont fait faire de rapides progrès et accru son importance. Aujourd'hui que l'An

gleterre, revenue de ce chimérique système de la balance du commerce, modèle ses lois économiques sur les principes dont la science proclame la vérité; que la France, jalouse des succès de sa rivale, semble enfin éclairée par l'expérience, et disposée à entrer dans les voies d'une sage réforme commerciale, et que notre industrie obtient des résultats si prospères, c'est un acte de justice que de ramener nos regards en arrière pour voir d'où nous sommes partis, et à qui nous devons cette impulsion si favorable à la puissance, à la richesse et à la prospérité des

nations.

Deux hommes ont créé l'économie politique : l'un rechercha le premier le principe véritable des richesses; il éclaira d'un jour tout nouveau les causes de la grandeur et de la décadence des peuples, et à une époque où l'on était loin d'avoir oublié les naïves réflexions de quelques écrivains du XVIIIe siècle sur le luxe et ses dangers,ainsi que les considérations de Locke; ce fut l'auteur de la Richesse des nations, l'anglais Adam Smith. Nous pouvons réclamer l'autre comme notre compatriote, car il descendait d'une de ces nombreuses familles que la révocation de l'édit de Nantes avaient bannies de France avec leur industrie et leur patriotisme; je veux parler de Jean-Baptiste Say.

:

Né à Lyon, le 5 janvier 1767, Say se trouvait dès son enfance jeté au milien de cette société vieillie, chancelante, ébranlée de toutes parts, et que les faibles et malheureux efforts de la royauté ne devaient point raffermir. Ses premières études furent comme le prélude de celles de toute sa vie; sciences naturelles il suivit les cours de physique expérimentale du P. Lefebvre, chez les oratoriens; intérêts nationaux : les relations commerciales l'avaient transporté au milieu de la population industrieuse et des ardents citoyens de l'Angleterre. C'était une belle école pour le futur rédacteur de la Décade, que cette tribune pleine des souvenirs de Burke, de Fox, de Sheridan, et où retentissait maintes fois encore la voix si grave et si puissante du noble comte de Chatam. Mêmes leçons l'attendaient en France; la révolution commençait. Au milieu de tant de questions nouvelles, soulevées par la convocation des états-généraux, une bien importante éveilla le talent politique de J.-B. Say: c'é

tait la liberté de la presse, naguère étouffée sous les lettres de cachet, maintenant hardie, pressante, impérieuse depuis Voltaire et Beaumarchais. Entraîné par sa fougue ambitieuse, Mirabeau voulait alors s'emparer de ces deux leviers qui soulèvent les nations, le journalisme et la tribune; il pressentit le talent de ce jeune auteur de vingt-deux ans, et l'associa à la rédaction du Courrier de Provence, où brillait avec tant d'éclat l'éloquence du député effrayant de laideur et de génie. Au fort de la Terreur, en 1794, paraît la Décade philosophique, revue périodique, profonde comme le Rambler de Johnson, et brillante comme le Spectator de Steelle. Say en était le rédacteur en chef; Chamfort, Ginguené, Amaury Duval et le spirituel Andrieux lui avaient assuré le concours de leurs talents pour propager les lumières et défendre la morale et la liberté. La Décade fut supprimée en l'an XII. La Terreur disparut : c'était l'époque où se révélait dans nos armées cet homme extraordinaire que les exploits fabuleux d'Italie, d'Egypte, que les noms à jamais célèbres d'Arcole et des Pyramides, de Rivoli et d'Aboukir avaient fait grand comme le monde. « La France était folle de cet homme-là, pour ne pas dire amoureuse." Say partagea l'enthousiasme général; on oubliait le 18 brumaire ; le consulat paraissait ouvrir une ère de grandeur et de prospérité, et il ajoutait foi aux promesses du vainqueur, alors que celui-ci lui disait :

Pensez-vous que je sois assez fou pour recommencer, au dix-neuvième siècle, le rôle de César ou celui de Cromvell!" Nommé tribun (novembre 1799,) il remplit sa mission avec une noble fermeté, et son intégrité lui mérita l'estime de ses collègues. L'armée d'Orient venait de triompher à Héliopolis; le tribunat chargea J.-B. Say d'appuyer, auprès du corps législatif, le projet de loi tendant à déclarer que les vainqueurs des Pyramides avaient bien mérité de la patrie. Lui imposer cette belle tâche, c'était lui confier aussi le soin d'honorer la mémoire des braves qui avaient succombé. Et le jeune tribun avait perdu son frère sous les murs de Saint-Jean d'Acre, frappé à la fois par l'ennemi et par la peste. Cet ami d'enfance auquel il avait révélé ses pensées de libéralisme, ses idées-mères d'économie politique, c'était le

frère d'arme des Cafarelli, Horace Say, cet officier supérieur du génie qui, à l'Ecole Polytechnique, avait fondé le cours de géométrie descriptive appliqué à la fortification; à qui Metz devait l'organisation de son école d'artillerie, et qui, à l'attaque d'Alexandrie, mérita les éloges du général Bonaparte. Aujourd'hui la gloire de ce nom d'Horace Say, déjà illustré par le savant de l'Institut d'Egypte, dont les généraux républicains appréciaient les talents et le courage, est dignement soutenue par son neveu, le judicieux auteur de l'Ilistoire des relations commerciales entre la France et le Brésil.

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Cependant, la volonté despotique de Napoléon se faisait sentir. Say resta fidèle à ses convictions politiques, il vota contre l'empire, et le coup d'état de 1804 l'élimina du tribunat avec Carnot, Andrieux, Chénier et Benjamin Constant. Alors il rentra dans la vie privée et se consacra tout entier à la science dont il est, en quelque sorte, le second créateur. Le succès de ses ouvrages fixa sur lui l'attention générale : l'Athénée de Paris le pria de professer l'économie litique, et ses leçons orales furent aussi favorablement accueillies que ses écrits. Deux ans plus tard, une chaire est créée pour lui au Conservatoire des Arts-et-Métiers, et il voit se presser à ses leçons une jeunesse éclairée et studieuse, et une foule d'étrangers attirés par sa célébrité. Certes, à une époque si brillante pour les études littéraires et scientifiques, ce n'est pas un médiocre titre d'honneur pour J.-B. Say que d'avoir su s'entourer de si nombreux auditeurs, et populariser une science alors si nouvelle. Les craintes du gouvernement lui fermaient seules les portes du collége de France; on redoutait l'influence d'un professeur franc et libéral sur la jeunesse de nos écoles, car il disait des vérités austères aux peuples et aux rois, avec l'impartialité stoïque d'un philosophe uniquement occupé des intérêts de la science et de l'humanité (Blanqui). L'Institut lui fut aussi fermé ; était-ce une exception déshonorante pour le savant que toutes les académies de l'Europe s'étaient empressées d'associer à leurs travaux? Professeur au collége de France, après la révolution de 1830, il ne devait pas jouir longtemps de cette flatteuse distinction; la mort l'enleva, le 15 novembre 1832, à sa famille, qu'il laissait pleine de douleur

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