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santes de ruine qui attaquent le monde oriental. L'activité dans les mouvements corporels est désignée comme un des fondements de la santé. « Sois prompt dans toutes tes actions et la maladie ne viendra pas t'assaillir (1). »

Moïse a su, à diverses reprises, s'appuyer du dogme de l'hérédité morbide pour donner plus de poids à ses préceptes, le Très-Haut menace le vice du père d'une expiation terrible, retentissant jusqu'au sein des générations à venir. « Je suis le Dieu fort et jaloux qui venge l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et quatrième génération dans tous ceux qui me haïssent, et qui fait miséricorde dans la suite de mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes préceptes (2). »

Nous verrons plus loin l'Ecclésiaste insister plus formellement encore sur cette suite inévitable de l'égoïste volupté, et le christianisme en faire la base d'un de ses plus profonds enseignements.

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Les livres de Salomon, les Proverbes, la Sagesse et l'Ecclésiaste renferment, sur l'ensemble de la vie humaine, les préceptes les plus beaux et les plus profonds qui aient jamais été donnés. On y trouve ce qu'aucune autre tradition ne donne : 1o Une appréciation exacte de ce qu'on nomme la matière de l'hygiène, c'est-à-dire des choses dont l'ensemble bien ménagé concourt à la conservation de la santé; 2o de la mesure de l'hygiène, c'est-à-dire de l'étendue que nous donnons à l'usage que nous faisons des choses en proportion de leur utilité; 3o enfin, de la manière de l'hygiène, c'est-à-dire de l'usage convenable des choses en harmonie avec la disposition de nos organes. Toutes ces conditions qui constituent l'hy

(1) Eccies. 25.

(2) Exod. chap 20, 5 et 6 et suiv.

giène sont implicitement prévues dans ces livres admirables. On y rencontre encore les bases de la doctrine hygiénique à laquelle saint Paul et les Pères de l'Église ont apporté de si beaux perfectionnements. Cette doctrine, qui double la valeur de l'hygiène, consiste à démontrer la génération de la plaie physique par la plaie morale; enseignement terrible et si oublié de nos jours! La science de la conservation du corps doit s'asseoir sur les fondements impérissables de la morale, et celle-ci doit revêtir en se combinant avec l'hygiène un caractère pratique. Telle est l'idée mère des institutions hygiéniques de celui qui a été appelé le plus sage des hommes, et que nous allons retrouver en parcourant les détails de son code sacré.

L'Ecclésiaste s'étend à différentes reprises sur la félicité intime attachée à la santé du corps, maintenue par un régime qui n'excède pas les véritables besoins et l'étendue des facultés.

« Un pauvre qui est sain et qui a des forces vaut mieux qu'un riche languissant et affligé de maladies.

<< Il n'y a point de richesses plus grandes que celles de la santé du corps, ni plaisir égal à la joie du cœur. Un corps qui a de la vigueur vaut mieux que des biens immenses.

<< Des biens cachés dans une bouche fermée sont comme un grand festin autour d'un sépulcre.

<«< Que sert à l'idole l'oblation qu'on lui fait, puisqu'elle ne peut manger, ni en sentir l'odeur.

« Tel est celui que Dieu chasse de devant sa face et qui porte la peine de son iniquité, qui voit les viandes de ses yeux et qui gémit comme un eunuque qui embrasse une vierge et qui soupire (1). »

Le rhythme et la bonne harmonie de nos fonctions embellissent notre vie terrestre, puisque nous éprouvons, dans l'exer

(1) Eccles. chap. 30. v. 14-21.

cice et le jeu de notre machine organique, des jouissances précieuses dont la source se tarit aussitôt que le mal physique vient fondre sur nous. Salomon nous le montre naissant au sein de l'abus du plaisir naturel. Après cela, avec quelle sombre couleur l'écrivain inspiré nous dépeint la vie de l'homme qui a cédé aux jouissances immodérées de l'appétence de la chair? Pour lui l'existence est déflorée, la sensibilité pervertie, toute joie sereine à jamais perdue; son ame languit dans la mélancolie, comme son corps dans l'infirmité. C'est la première fois que cette vérité hygiénique, base fondamentale de nos traités dogmatiques, a été proclamée. De plus, l'auteur sacré manace d'un pareil châtiment corporel, de l'affliction de la chair, le prévaricateur, celui que Dieu chasse de devant sa face, qui porte la peine de son iniquité.

Dans le même livre, sont encore consignées les paroles qui disent ce que l'hygiène répète chaque jour, que l'homme est le dispensateur de sa santé, que la maladie s'allume le plus souvent au foyer des passions, et se multiplie par la débauche.

<< Toute chair est sujette à des accidents, depuis les hommes jusqu'aux bêtes, et les pêcheurs sept fois encore plus que les autres (1).

L'homme qui pêche aux yeux de celui qui l'a créé tombera entre les mains du médecin (2).

Il faut avoir, comme ce dernier, scruté avec le flambeau de l'analyse, les profonds replis des causes génératrices de nos infirmités, pour connaître toute la portée de ces anathèmes. La pratique de la médecine offre l'exemple journalier d'organisations frèles et délicates puisant les forces primitivement refusées par la nature, dans une vie vertueuse, véritable gymnastique morale, selon le langage de Kant, tandis que

(1) Eccles. chap. 50. v. 8.
(2) Eccles. chap. 38. v. 15.

le corps le plus robuste va se briser prématurément contre l'écueil de la sensualité. C'est pour cette raison encore que, dans les mêmes livres sacrés, les préceptes sont considérés comme conservateurs de la vie du corps. «Que mes paroles ne sortent point de devant vos yeux, conservez-les au milieu de votre cœur, car elles sont la vie de tous ceux qui les trouvent et la santé de toute chair. Les proverbes, ainsi que les livres mosaïques, signalent la longévité comme une couronne d'honneur, ornant le front de celui qui s'est astreint à la pratique des devoirs. « La crainte du Seigneur prolonge les jours, les années des méchants seront abrégées (1). » L'expérience a, depuis longtemps, vérifié cette proposition (2).

La philosophie profonde qui règne dans les œuvres du sage ne devait point passer sous silence cette vérité, qui, de nos jours, a reçu une si intéressante sanction, savoir, que le perfectionnement du corps, sa validité, exerce sur le développement et la bonne harmonie des facultés de l'ame une influence efficace. « Le corps qui se corrompt appesantit l'ame, et cette demeure terrestre abat l'esprit dans la multiplicité des soins qui l'agitent (3). » On trouve là le principe de cette belle pensée de Cicéron : « Si quid corpus animi gubernaculo, animus autem, ministerio corporis indiget. At neque animus æger bene gubernabit, nec affectum corpus rectò parabit imperio (4). »

Les livres de Salomon n'embrassent point seulement les sommités de l'hygiène, mais ils pénètrent encore profondément dans les détails. Ainsi l'action des passions (percepta),

(1) Chap. 10. v. 27.

(2) Voir les détails que nous avons donnés, à cet égard, dans la Physiol. hum. etc. p. 26 et suiv.

(3) Sagesse.

(4) Cic. consol. 16.

des aliments et des boissons (ingesta), du libertinage, etc., est parfaitement appréciée. On y trouve sur l'usage général des modificateurs externes, l'admission d'un principe dont on a fait honneur à la philosophie hippocratique. L'Ecclésiaste recommande de s'observer à cet égard, de savoir ce qui est nuisible et ce qui est utile, de rapporter en un mot au sens vital, intérieur, individuel, à la disposition idiosyncrasique, l'action des modificateurs. Hippocrate n'a fait que commenter ce précepte, l'une des bases de toute saine doctrine hygiénique. Mieux que ne l'avait fait Moïse peut-être, l'Ecclésiaste loue la tempérance sous une forme aphoristique offrant beaucoup d'analogie avec les célèbres propositions du médecin cité plus haut. On en jugera par les versets suivants qui ne sont, à le tout prendre, que des sentences de l'école de Salerne :

« L'insomnie, la colique et les tranchées sont le partage de l'homme intempérant (1). »

« Celui qui mange peu aura un sommeil de santé, et son ame se réjouira en lui-même (2). »

Même concision dans les préceptes touchant les boissons : "La tempérance dans le boire est la santé de l'ame et du corps (3). »

Les effets de l'ivrognerie, tant sur la vie du corps que sur le mode de manifestation de l'ame, sont dépeints de la manière la plus large; et il est facile d'acquérir la conviction que les livres modernes de diététique ne disent rien de plus. Salomon pose en principe que le vin, pris en quantité modérée, est un corroborant salutaire à l'organisation, qu'il est une seconde vie, il a été créé la première fois, pour être

(1) Chap. 31. v. 23.

(2) Chap. 24.

(3) Chap. 31. v. 3-7.

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