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ÉTUDE SUR LA JURIDICTION CONSULAIRE,

PAR

M. WILLIAM BEACH LAWRENCE,

Ancien ministre des États-Unis à Londres

Deuxième article (1).

III.

ATTRIBUTIONS CONSULAIRES EN PAYS DE CHRÉTIENTE.

Le pouvoir judiciaire des consuls en pays de chrétienté est nécessairement restreint, par le principe de la souveraineté territoriale, aux droits résultant des stipulations conventionnelles ou de l'usage consacré.

Aussi l'ordonnance du 29 novembre 1833, qui règle cette matière pour les consulats français, recommande-t-elle aux agents la plus grande circonspection, afin d'éviter les conflits avec les autorités territoriales. Cette ordonnance reconnait qu'en fait, dans les pays de chrétienté, les consuls n'ont ni juridiction criminelle ni juridiction contentieuse. Mais elle constate que la coutume des nations civilisées, même en dehors des stipulations plus étendues que peuvent contenir les traités internationaux, accorde aux consuls : 1° le droit de police et d'inspection dans l'intérieur des navires marchands de leur nation; 2o la faculté de régler les avaries; 3° la juridiction volontaire, ainsi que la juridiction arbitrale dans les contestations qui leur sont déférées par leurs nationaux; 4° l'exécution des commissions rogatoires, et enfin 5o le pouvoir de faire les actes conservatoires relatifs à la protection des absents, notamment en ce qui concerne les successions des nationaux ouvertes sur le territoire étranger. (Mémorial diplomatique, 1874, p. 475.)

En chargeant les consuls, tant de la réception des rapports de mer des capitaines, que du droit d'autoriser ces navigateurs à vendre des marchandises ou à emprunter en cours de voyage, en ordonnant que les avaries seront réglées en chancellerie, il est hors de doute que le code de commerce français a reconnu aux consuls à cet égard le caractère de juges commerciaux. Mais si, sous ce rapport, la loi moderne a

(1) Voyez t. X, p. 285.

confirmé le principe général des anciens règlements, le pouvoir dont il s'agit ici est subordonné, dans son exercice, soit à l'esprit de la législation territoriale, soit à celui de nos stipulations conventionnelles. (DE CLERCQ et DE VALLAT, t. II, p. 342.)

Attributions des consuls de la confédération de l'Allemagne du Nord, aujourd'hui de l'empire allemand. - La loi fédérale organique des consulats de l'Allemagne du Nord du 8 novembre 1867, dont nous avons déjà parlé et qui, comme nous l'avons dit, est devenue loi de l'empire allemand, dispose que les consuls de la Confédération ont la mission de protéger et de développer l'intérêt de la Confédération, spécialement en ce qui concerne le commerce, le trafic et la navigation, de veiller à l'observation des traités, et d'accorder leur appui et leurs conseils aux citoyens de la Confédération, de même qu'aux nationaux d'États amis, dans leurs relations. Ils doivent en cela se diriger d'après les lois de la Confédération et les instructions reçues, et observer strictement les limites qui leur sont assignées par les lois et les habitudes du pays où ils se trouvent.

Tout consul de la Confédération a le devoir de tenir un registre de tous les nationaux de la Confédération qui résident dans son ressort et se sont présentés à lui pour cet objet. Aussi longtemps qu'un national est porté dans ce registre, il conserve sa nationalité, même lorsque la perte de ce droit résulterait de son séjour à l'étranger.

Les consuls de la Confédération sont autorisés à légaliser les documents qui sont passés et affirmés dans le ressort de leur charge. Les attestations par écrit que les consuls ont délivrées sur les actes de leurs fonctions et sur les faits dont ils ont pri connaissance dans l'exercice de leur charge, lorsqu'elles sont munies de leur signature et de leur sceau, ont en justice la même force que des documents publics.

Les consuls de la Confédération, dans le ressort de leur charge, ont à l'égard des affaires judiciaires que concluent des nationaux de la Confédération entre eux ou avec les étrangers, le même droit que les notaires, de sorte que les actes passés par eux, signés et munis de leur sceau, doivent être considérés comme des documents ou actes passés devant notaires.

Les consuls spécialement autorisés à cet effet par le chancelier de la Confédération peuvent seuls entendre des témoins et recevoir des serments. Les actes rédigés par ces consuls ont la même autorité que ceux des administrations intérieures du même ressort.

Les consuls de la Confédération sont autorisés à délivrer des passe

ports aux nationaux résidant dans leur ressort, de même qu'à viser des passeports, avec cette exception que les passeports des étrangers ne peuvent être visés par eux que pour les États de la Confédération.

Les indigents reçoivent des consuls de quoi soulager momentanément leur misère, ou les moyens de retourner dans leur patrie, suivant les instructions que les consuls ont reçues.

Les consuls ont la mission, lorsqu'il y a lieu de procéder officiellement par suite de l'absence des héritiers les plus proches ou pour d'autres motifs, de s'occuper des successions des nationaux de la Confédération morts dans leur ressort; ils sont en particulier autorisés à mettre sous scellés et à inventorier la succession, à prendre possession des objets mobiliers lorsque les circonstances l'exigent, et à les vendre publiquement, ainsi qu'à employer l'argent comptant à payer les dettes prouvées.

Ils ont pour les vaisseaux de la marine marchande de la Confédération, dans le port de leur résidence, l'autorité de contrôle et sont autorisés à exercer la police sur ces mêmes vaisseaux.

Lorsque des hommes de l'équipage désertent, les consuls, sur la proposition du capitaine, doivent faire auprès des autorités locales ou gouvernementales les démarches nécessaires pour les ressaisir.

Les consuls sont autorisés, sur la proposition des parties intéressées, à remplacer un capitaine décédé, malade ou impropre à son emploi.

Ils sont autorisés à recevoir les connaissements, et en cas d'accident survenu à un navire, à organiser et à surveiller les mesures de sauvetage.

Au sujet du droit des consuls de concourir à la vente d'un bâtiment par le capitaine, dans sa participation, de même que dans son jugement sur des discussions d'intérêt entre le capitaine et l'équipage il y aura lieu de suivre les prescriptions des articles 499, 537, 549, 686 du code général de commerce allemand. Quant au droit des consuls de célébrer les mariages, voir le Commentaire sur WHEATON, t. III, p. 378, et infra, p. 72. (Archives diplomatiques, 1869, t. III, p. 1363 et ss.)

Nous parlerons plus bas de la loi de 1863 relative à la juridiction des consuls allemands dans les pays où cette juridiction leur est accordée en vertu d'anciens usages ou de traités d'État.

Attribution des consuls des Pays-Bas. La loi du 25 juillet 1871 règle la compétence des fonctionnaires consulaires des Pays-Bas en matière d'actes de l'état civil, et la juridiction consulaire.

Les attributions qu'elle a essentiellement pour objet de régler sont :

1° L'exercice des fonctions d'officier de l'état civil;

2o L'exercice des fonctions de notaire;

3o L'exercice de la juridiction.

L'article VI attribue aux consuls néerlandais, en quelque pays qu'ils résident, la connaissance en dernier ressort, lorsque l'affaire leur est soumise volontairement par toutes les parties intéressées :

1o Des contestations nées entre Néerlandais se trouvant dans leur arrondissement, pourvu que ceux-ci aient la capacité de transiger ou de compromettre, et que l'objet du litige soit susceptible de transaction ou de compromis;

2o Des contestations sur le paiement des salaires, ou en général sur l'exécution des engagements respectifs entre le capitaine et les hommes de l'équipage ou les passagers des navire de commerce néerlandais.

Il est à remarquer que le pouvoir des consuls en matière de contestations entre le capitaine et l'équipage ne leur est attribué qu'en vertu du consentement réciproque des parties, lui donnant ainsi le caractère d'une espèce d'arbitrage ou de compromis.

L'article VII assure l'exécution, dans les Pays-Bas et dans les colonies, des jugements et des actes prononcés ou passés en vertu de la loi.

L'article XII leur attribue les fonctions d'officier de l'état civil en ce qui concerne les Néerlandais résidant ou de passage dans l'arrondissement consulaire; les publications des mariages devront être faites dans le royaume, à moins que les futurs époux n'aient pas de domicile dans les Pays-Bas.

Aux termes de l'article XVII, les fonctionnaires consulaires pourront recevoir tous les actes et contrats du ministère des notaires, en se conformant aux lois sur le notariat.

L'article XIX reproduit la disposition, qui se retrouve également dans les lois d'autres pays sur la matière, d'après laquelle les actes dressés par des fonctionnaires consulaires sont valables, même si les formalités prescrites par les lois n'ont pas été observées, pourvu que les actes mentionnent pourquoi l'accomplissement de ces formalités n'a pas été possible. (Revue de droit international, 1872, p. 611 et ss.) Législation belge au sujet des attributions consulaires. Voici le sommaire de la législation belge au sujet des attributions consulaires : Arrêté royal du 20 décembre 1833, réglant le costume des agents consulaires; arrêté royal du 2 décembre 1839, relatif aux sceaux, timbres et cachets des consulats; arrêté royal du 21 novembre 1846 portant règlement

concernant les traitements, retenues, dépenses remboursables, frais de voyage et de séjour des agents consulaires; arrêté royal du 27 décembre 1846, réglant les relations de service entre les agents consulaires et les officiers commandant les bâtiments de l'État; loi du 21 juin 1849, contenant le code disciplinaire et pénal pour la marine marchande et la pêche maritime; loi du 31 décembre 1851 sur les consulats et la juridiction consulaire; loi du 16 mars 1854 concernant le tarif des taxes consulaires; loi du 5 janvier 1855 relative à l'extradition des marins déserteurs; arrêté royal du 13 novembre 1855, relatif à la publication d'un recueil consulaire; arrêté royal du 23 février 1857, relatif au personnel des consulats; arrêté royal du 11 mars 1857 règlant les relations des consuls avec les capitaines de la marine marchande; arrêté royal du 14 mars 1857, relatif à la réception des actes de l'état civil par les agents diplomatiques ou consulaires; arrêté royal du 23 mars 1857, règlant les attributions des consuls en matière de légalisations et de significations judiciaires; arrêté royal du 23 juin 1857, concernant les passeports; arrêté royal du 26 juin 1857 abrogeant l'arrêté royal du 27 septembre 1831; loi du 29 mai 1858, relative aux attributions des consuls en matière notariale dans les pays hors de chrétienté; loi du 30 janvier 1873 sur les lettres de mer.

Attributions des consuls dans les États-Unis. La convention consulaire du 23 février 1853 réglant le titre des biens-fonds des citoyens des États-Unis et des citoyens français dans les deux pays respectifs, contient diverses clauses relatives à la juridiction consulaire qu'il est à propos de mentionner ici, d'autant plus que quelques-unes des stipulations contenues dans cette convention ne se trouvaient pas alors dans d'autres traités faits par les États-Unis.

La convention porte que les consuls généraux, consuls, vice-consuls ou agents consulaires auront le droit de recevoir dans leurs chancelleries ou bureaux, au domicile des parties ou à bord des bâtiments, les déclarations des capitaines, équipages, passagers, négociants ou citoyens de leur pays, et tous les actes qu'ils voudront y passer. Ils auront, en outre, le droit de recevoir, conformément aux lois et aux règlements de leur pays, dans leurs chancelleries ou bureaux, tous actes conventionnels passés entre des citoyens de leur pays et des citoyens ou habitants du pays où ils résident, et même tous actes de ces derniers, pourvu que ces actes aient rapport à des biens situés ou à des affaires à traiter sur le territoire de la nation à laquelle appartiendra le consul ou l'agent devant lequel ils seront passés.

REV. DE DR. INT. 11e année.

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