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IV.

Un dernier point essentiel et qui a donné lieu partout aux discussions les plus ardentes, c'est la procédure d'extradition.

Quelle est, dans le pays de refuge, l'autorité chargée d'examiner let fondement de la demande?

Quelle sera la portée de cet examen?

On peut dire que c'est le noeud de la question de l'extradition; il s'agit de la confiance réciproque que les gouvernements doivent s'accorder; il faut se garder à la fois et de montrer une trop grande latitude dans la délivrance de l'étranger réclamé et d'entourer cette délivrance de trop de difficultés.

Trois systèmes sont en présence:

L'ancien système français qui laisse exclusivement l'examen de la demande d'extradition à l'administration;

Le système belge qui associe le pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif pour l'examen de la demande en laissant au dernier le droit de décider;

Le système anglais et américain qui donne au pouvoir judiciaire non seulement le droit d'examen, mais le droit de statuer définitivement sur l'extradition en ne laissant au pouvoir exécutif que le soin d'assurer l'exécution de la décision judiciaire.

On a reproché au premier système de mieux garantir les intérêts du gouvernement qui réclame que ceux de l'étranger. On a reproché au dernier de protéger mieux l'individu poursuivi que l'État poursuivant.

La Belgique a inauguré un moyen terme; les Pays-Bas ont suivi son exemple et le sénat français, à son tour, vient de discuter un projet de loi qui adopte le système belge.

Comme en Angleterre et aux États-Unis, le pouvoir judiciaire intervient; mais ce qui distingue la loi belge des législations de ces deux pays, c'est d'abord que l'autorité judiciaire belge ne prend aucune décision et se borne à éclairer le gouvernement; c'est ensuite que l'autorité judiciaire juge la demande d'extradition, mais non pas l'étranger; elle est chargée, en effet, de vérifier si la demande d'extradition est régulière, conforme aux dispositions du traité et aux articles de la loi, tandis que la justice anglaise et la justice américaine examinent le fond de l'affaire; leur but est de constater si les présomptions de culpabilité sont fondées ou non : leur droit de contrôle est donc plus étendu qu'en Belgique.

Il se peut que la demande d'extradition porte sur un étranger qui est condamné dans le pays réclamant et dont celui-ci exige la présence pour l'application de la peine; dans ce cas le droit des juges anglais et américains est déjà plus considérable que celui du juge belge, puisqu'ils ont à rechercher si les preuves produites constatent, d'après la jurisprudence anglaise, que le prévenu a été condamné; mais la différence entre les deux législations acquiert surtout toute sa valeur quand il s'agit simplement d'un individu accusé dans le pays demandeur en extradition (1).

Et pour ce cas, il nous est impossible de méconnaître la supériorité du droit étranger sur le droit belge.

N'oublions pas, en effet, qu'en Belgique l'extradition peut être accordée sur un simple mandat d'arrêt produit par le gouvernement étranger.

Assurément la loi belge a bien fait en se contentant de cette base légale pour admettre la recevabilité de la réclamation; le mandat d'arrêt décerné par la justice étrangère a certes du poids.

Toutefois, s'il est vrai que, d'après les idées modernes, l'État civilisé accorde la protection de sa justice à l'étranger réfugié chez lui; s'il est vrai qu'en matière d'extradition, la justice du pays de refuge a un droit de contrôle sur la justice du pays poursuivant, nous pensons que le législateur belge, qui accorde avec raison l'arrestation provisoire de l'étranger sur la simple production du mandat d'arrêt étranger, rendu exécutoire par la chambre du conseil en Belgique, n'a pas été assez loin en n'exigeant de la justice belge qu'un examen formel de la légalité de ce mandat d'arrêt. La chambre des mises en accusation devrait, comme en Angleterre et aux États-Unis, pouvoir constater le fondement de la requête par une véritable information préparatoire, dont le but serait de voir sommairement s'il y a des présomptions suffisantes pour renvoyer le prévenu devant la justice étrangère.

Le prestige de la justice belge n'est nullement entamé parce que les chambres d'instruction contrôlent les agissements du parquet belge; l'autorité de la justice étrangère ne serait pas plus atteinte parce que la justice du pays de refuge viendrait en aide à la justice étrangère en examinant son instruction sommaire, en contrôlant les premières présomptions qu'il a été possible de rassembler.

On parle beaucoup aujourd'hui du rapprochement des peuples, de l'entente à établir entre eux dans le domaine juridique; rien n'y contribuerait

(1) BILLOT, Traité de l'extradition, p. 197.

plus puissamment que la disparition de ces vaines susceptibilités, de ce faux point d'honneur signalé par M. Prévost-Paradol en 1866, et qui consiste à se trouver offensé quand on n'est pas cru sur parole en matière criminelle (1).

Notons que les traités conclus par la Belgique avec l'Angleterre et les États-Unis reconnaissent déjà à peu près ce précepte; ils stipulent que l'extradition ne sera accordée que si la perpétration du crime est établie de telle façon que les lois du pays où l'inculpé sera trouvé justifient son arrestation (2).

La pratique n'a révélé aucun inconvénient dans l'application de cette clause et ne fournit, par conséquent, aucune objection contre sa généralisation.

(1) Revue des Deux Mondes, du 15 février 1866, p. 1028.
(2) HAUS, Principes généraux du droit pénal, t. II, p. 241.

BIBLIOGRAPHIE.

1.

REVUE DE DROIT.

The Law Magazine and Review, a Quarterly Journal of Jurisprudence, and Quarterly Digest of all Reported Cases. Numéros CCXXIIICCXXXII. Quatrième série, numéros VI-XV. Février 1877-Mai 1879. Londres, Stevens et Haynes.

Le Law Magazine continue à marcher dans la voie progressive signalée icimême, il y a trois ans, par M. ROLIN-JAEQUEMYNS (1).

Les articles suivants concernant le droit international méritent une mention très honorable :

En 1877 The criminal jurisdiction of the Admiralty of England: the case of the Franconia, par Sir TRAVERS Twiss.

On the international jurisdiction of the Admiralty court in civil matters, par LE MÊME.

The doctrine of continuous voyages as applied to contraband of war and blockade, par LE MÊME.

On the obligation of treaties, par M. HENRY RICHARD.

En 1878 Albericus Gentilis on the right of war, à propos de la belle publication de M. Holland, par Sir TRAVERS TWISS.

General average and the Committee of Lloyds, par M. CHARLES CLARK.

The Laws of war and the Institute of International Law. (Observations et vœux délibérés par l'Institut de droit international en séance du 12 septembre 1877.)

Collisions at sea a scheme of international tribunals, par Sir TRAVERS Twiss.

Law on Cyprus.

En 1879 Cyprus and the capitulations. Cet article, non signé, qui provient évidemment, ainsi que celui que nous venons de citer, d'une source très compétente et indépendante, se rattache à l'interpellation de Sir Charles Dilke dans la Chambre des communes (12 décembre 1878), interpellation fondée sur la condamnation d'un citoyen américain, M. di Cesnola, par la cour de district de Larnaca, composée d'un cadi turc et d'un assesseur anglais, pour infraction à la loi turque concernant les fouilles. L'auteur de l'article: Cyprus and the capitulations, arrive à des conclusions qui concordent en principe avec celles qu'a posées, en même temps que lui, dans la Revue, t. X, p. 587-594, notre collaborateur M. PIERRE ESPERSON.

On the treaty-making power of the crown. The Parlement Belge, par Sir TRAVERS TWISS. (A propos de la décision de la cour de l'amirauté concernant le steamer Le Parlement Belge.)

(1) Voyez t. VIII, p. 549-550.

On the jurisdiction of the high court of justice in divorces (Niboyet versus Niboyet), par M. ALDERSON FOOTE.

On voit l'intérêt et l'actualité de ces divers travaux, et la part prépondérante qu'y a prise Sir Travers Twiss, l'éminent vice-président de l'Institut de droit international. La science du droit des gens est encore représentée dans le Law Magazine par plusieurs comptes-rendus et analyses faits généralement avec soin; ainsi sur le First Platform de Sir Edward S. Creasy, 1877), sur l'édition de Wheaton par M. Boyd, de Kent par M. Abdy, de Halleck par Sir Sherstone Baker; sur le traité de jurisprudence du droit privé international de M. Foote.

Nous citerons, en fait d'autres matières, divers travaux remarquables sur le régime foncier de la Bosnie (1878), sur la Loi et la coutume des Slaves méridionaux (1878), sur la Constitution d'Helgoland (1879), sur la procédure criminelle écossaise (1878), sur les droits d'auteur en Belgique, en Espagne et en Angleterre (1878), sur le mariage en droit romain et en droit anglais (1879) et sur la simplification des lois du mariage dans le Royaume-Uni (1879); ces deux derniers articles de M. W. P. EVERSLEY, barrister-at-Law.

Deux intéressants articles de M. R. COLLIER, barrister-at-Law, sont intitulés Curiosities of English Law (1877-1878). Mentionnons encore quelques travaux d'un caractère plus philosophique ou didactique, de M. MARKBY, membre de la cour suprême de Calcutta, actuellement lecteur de droit hindou à Oxford : Law and fact, Codification and legal education, German jurists and roman law, Legal fictions (à propos d'un cas Angus et Co. versus Dalton); de M. MILLER: On the Amendment of the Law; de Sir LAWRENCE PEEL On evidence as applied to history, Ex post facto laws; de Lord GIFFORD, juge de la cour des sessions: On the jurisprudence and the amendment of the Law; de M. CHARLES CLARK: On the Study of the law.

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Les notices nécrologiques occcupent dans le Law Magazine une place considérable. Chaque livraison donne un Legal obituary of the Quarter. On trouve également dans chaque livraison une Revue des livres nouveaux, et sous le titre de Quarterly digest of all reported cases, une liste systématique, infiniment précieuse, de toutes les décisions judiciaires du trimestre écoulé contenues dans les Law Reports, Law Journal Reports, Law Times Reports et dans le Weekly Reporter. On trouve enfin dans presque tous les numéros un choix de décisions, Select cases, écossaises (par M. HUGH BARCLAY) ou étrangères ; et des Quarterly notes, utile chronique du droit et de la science juridique.

Des tables soigneusement faites facilitent le maniement de cet excellent périodique, dont le jubilé semi-séculaire a pu être célébré l'an passé.

HISTOIRE ET PHILOSOPHIE DU DROIT.

2. Geschichte des griechisch-römischen Rechts, von Dr KARL EDUARD ZACHARIE VON LINGENTHAL. 2e édition, in-8°. XXIV et 395 pages. Weidmann, 1877.

Berlin,

Le droit Gréco-Romain, civil ou ecclésiastique, a été cultivé au XVIe siècle par Adamæus, Ennemond Bonnefoy, Schard, Loewenklau; au XVIIe, par Voël et Justel, par Bevereghius et par un petit nombre d'autres savants; négligée au XVIIIe siècle, son étude a pris dans le nôtre un essor tout nouveau, grâce, en

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