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signala son pouvoir par le massacre de tous les ennemis de Sélim. Le chef des eunuques noirs, qui avait joué le principal rôle dans le meurtre de ce prince, fut décapité. On étrangla tous les officiers des yamalks qui purent être arrêtés. Quelques femmes du sérail, qui s'étaient réjouies de la mort de Sélim, furent cousues dans des sacs et jetées. à la mer.

Bairakdar, voulant mettre sérieusement la main aux réformes, convoqua à Constantinople les principaux pachas et aïans de l'empire. Ces personnages n'étaient pas tous, à proprement parler, des fonctionnaires; plusieurs, comme le célèbre Ali, de Tebelen, devaient leur importance à une situation personnelle dans la province. Leur réunion était une espèce d'assemblée des notables, dans le genre de celle que les nouveaux réformateurs voudraient réunir aujourd'hui. Il vint environ les deux tiers des appelés, les autres élaient assez forts pour résister à l'invitation ou n'étaient pas enclins à s'aller mettre dans la gueule du loup, soit qu'ils eussent avec lui quelques démêlés qu'ils aimaient mieux régler de loin, soit qu'il n'osassent contrarier d'aussi près les volontés de la cour. Ceux qui furent présents donnèrent une adhésion complète aux projets présentés et reconnurent la nécessité de réformer l'institution des janissaires, qui ne se faisaient plus remarquer que par la turbulence et par l'ignorance de l'art militaire. Les absents, dont Ali, pacha de Janina, faisait partie, ne se prononcèrent que faiblement.

Fort des adhésions qu'il avait obtenues, Bairakdar créa un nouveau corps sous le nom de seymen, destiné à remplacer le Nizam; mais l'ardeur imprudente de ses réformes, son orgueil, sa cruauté, sa cupidité excitèrent, au mois de novembre, une violente sédition des janissaires, auxquels se réunit le peuple de la capitale. Le sultan Mahmoud, sommé de délivrer son frère et prédécesseur Mustapha, le fit périr, quoique à regret. Bairakdar, dont le palais était assiégé, périt dans un incendie. Ses partisans et les

seymen furent vaincus, et le sultan Mahmoud obligé, pour le moment, de paraitre renoncer à tout projet de réforme.

Cependant la guerre continuait contre la Russie. En 1810, Mahmoud annonça l'intention de se rendre à Choumla, où le grand vizir avait établi son quartier général. Vingt mille hommes de troupes, commandées par des hommes connus pour être les partisans de Bairakdar, devaient traverser Constantinople. Les janissaires crurent qu'on allait rétablir le Nizam et les attaquer. Leurs clameurs contraignirent le sultan à changer l'itinéraire de ces troupes. Enfin les ulémas et les chefs des janissaires entravèrent le départ de Mahmoud, qui n'eut pas lieu.

A l'armée du Danube, on comptait, à l'ouverture de la campagne de 1811, soixante-huit pièces d'artillerie convenablement montées et servies.

Après la conclusion de la paix de Bucarest avec la Russie en 1812, le sultan Mahmoud s'occupa vigoureusement d'introduire une nouvelle discipline parmi les janissaires. Il réprima la rébellion de plusieurs pachas et aïans, et notamment celle du gouverneur de Vidin.

Cependant des événements qui devaient avoir une influence décisive sur la situation intérieure de l'empire, s'accomplissaient sur cette terre d'Égypte, où le génie de la France avait déposé des germes de régénération et de grandeur. Un soldat albanais, originaire de Macédoine, y jetait les fondements d'une puissance qui depuis... Mais Méhémet-Ali était alors le plus ferme soutien de l'empire de Mahmoud. Il avait alors provisoirement abandonné aux mameluks, aristocratie guerrière de l'Égypte, la partie haute de ce pays, depuis la tentative des Anglais sur Alexandrie.

Ayant reçu l'ordre de marcher sur les Wahabites, qui s'étaient emparés des villes saintes, et voulant se débarrasser de la turbulente aristocratie des mameluks, il attira

le plus grand nombre des chefs au Caire au commencement de 1811 et les fit massacrer.

Cette conduite fut hautement approuvée à Constantinople; l'exemple ne fut pas perdu.

La chute de l'empire en France et le rétablissement des Bourbons ayant ramené la paix en Europe, Mahmoud s'occupa de nouveau de ses projets de réforme. En juillet 1814, un firman ordonna la formation d'une compagnie d'élite dans chaque orta de janissaires. Cette mesure fut assez bien accueillie.

Vers 1820, éclatèrent la grande insurrection des Hellènes et la révolte du fameux Ali, pacha de Janina, qui représentait en Albanie le parti des beys indigènes, musulmans et féodaux, opposés à toute réforme et à la race des Osmanlis en elle-même, laquelle domine les indigènes musulmans ou chrétiens de la péninsule.

Ali succomba le 5 février 1822. Avec lui finit l'alliance, assez naturelle, pour cette époque, entre le vieil esprit musulman indigène et les idées de nationalité, contre les projets réformateurs et centralisateurs de Mahmoud. Cette résistance féodale et musulmane d'Ali, compliquée de l'insurrection générale des Hellènes, est la plus terrible que les réformes aient eu à subir parmi les résistances locales.

Les revers des armées ottomanes en Grèce excitèrent une grande fermentation à Constantinople en 1822. A la demande des janissaires, Halet effendi, favori du sultan, fut exilé à Koniah et bientôt étranglé. Plusieurs changements eurent lieu dans la haute administration, dictés au sultan par ses soldats en haine des réformes.

Cependant, les Grecs continuant à remporter de grands succès sur terre et sur mer, une révolte des janissaires éclata au commencement de 1825. Cette révolte ayant été comprimée, l'aga fut destitué; une cinquantaine de rebelles furent torturés et étranglés.

Nous voici arrivés au moment suprême.

Malgré le triomphe récent de Missolonghi, Mahmoud sentait l'infériorité de ses troupes sous le rapport de l'organisation, de la tactique et de la discipline. Il crut enfin le moment venu de changer tout le système militaire de l'empire ottoman. Un conseil fut réuni chez le grandmufti le 26 mai 1826. Un projet d'ordonnance pour la formation d'un corps régulier tiré des janissaires fut agréé et signé par tous les assistants, même par les chefs des janissaires. Il fut ensuite lu aux officiers et sousofficiers, qui l'approuvèrent aussi et y apposèrent leurs cachets.

C'est le 12 juin 1826 que les premières leçons furent données aux nouveaux corps par des instructeurs venus d'Égypte, où Méhémet-Ali s'appliquait depuis longtemps à introduire la discipline européenne.

Une révolte terrible des janissaires ne tarda pas à éclater. Le sultan déploya l'étendard vert du prophète et muni d'un fetva, ou approbation de l'autorité religieuse, appela tous les bons musulmans à défendre ce signe sacré. Le quartier des janissaires fut cerné, bombardé, incendié. J'estime qu'il en périt cinq à six mille; quinze cents furent exilés en Asie; on en exécuta un certain nombre. Cet événement est connu sous le nom de massacre des janissaires. Un hatti-chérif du 16 juin en prononça la dissolution, que suivit bientôt celle des yamalks ainsi que celle des derviches Bektaches, liés intimement aux janissaires. Ainsi finit cette fameuse milice qui en d'autres temps avait fait trembler la chrétienté.

On s'occupa activement d'organiser les nouveaux régiments à l'européenne. La cavalerie des spahis fut aussi réformée.

Le commencement de l'année 1828 fut marqué par un grand acte d'intolérance les Arméniens catholiques, accusés d'avoir manifesté des sympathies pour la Russie, furent exilés de Constantinople au nombre de vingt-sept

Le 3 mars 1829, après la bataille de Navarin, après la déclaration de guerre de la Russie et l'occupation de Varna par les troupes de cette puissance, après l'invasion des Français en Morée, Mahmoud prit une mesure de réforme fort importante: il ordonna à tous les musulmans en état de porter les armes de quitter l'ancien costume turc pour en prendre un autre, qui était l'uniforme des troupes régulières et que le sultan portait lui-même.

Au mois d'août de la même année, les Russes franchirent le Balkan. Pendant que les gens du pays, rassurés par les proclamations de Diebitch, se tenaient tranquilles et que les habitants d'Andrinople, musulmans et chrétiens, ouvraient leurs portes aux Russes comme à des libérateurs, on découvrit à Constantinople un complot d'anciens janissaires, dont le prétexte était d'appeler les bons musulmans à la défense de l'islamisme. On devait assassiner le sultan, son fils, les Francs, tous les partisans des idées nouvelles. Les chefs et près de six cents coupables furent mis à mort; on démolit les cafés où ils se réunissaient.

La conclusion de la paix avec la Russie et l'adhésion à la déclaration de Londres du 6 juillet 1827, qui avait reconnu l'indépendance de la Grèce, n'occasionnèrent aucun trouble immédiat dans la capitale.

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Pendant la paix, le sultan se livra aux réformes avec plus d'ardeur que jamais. Sans cesser de s'occuper de l'organisation des troupes régulières ce qui, il ne faut pas le perdre de vue, était la base de toute l'organisation projetée il adopta les usages des cours de l'Europe, força les voyageurs à se munir de passeports, etc., etc. Cependant Mustapha, pacha de Scutari, qui, lors de la marche des Russes, s'était avancé au secours de la capitale à la tête de quarante mille Albanais, leva à son retour l'étendard de la révolte.

D'autres insurrections dirigées aussi contre les réformes, éclatèrent bientôt en Macédoine, en Bosnie, à

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