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S'il y absence de sécurité à l'égard de la fortune, tout le monde reste froid à la voix du prince et de la patrie; personne ne s'occupe du progrès de la fortune publique, absorbé qu'il est par ses propres inquiétudes. Si, au contraire, le citoyen possède avec confiance ses propriétés de toute nature, alors, plein d'ardeur pour ses affaires, dont il cherche à étendre le cercle afin d'étendre celui de ses jouissances, il sent chaque jour redoubler en son cœur l'amour du prince et de la patrie, le dévouement à son pays, et ces sentiments deviennent en lui la source des actions les plus louables.

Quant à l'assiette régulière et fixe des impôts, il est très important de régler cette matière : car l'État, qui, pour la défense de son territoire, est obligé à des dépenses diverses, ne peut se procurer l'argent nécessaire pour ses armées et autres services que par les contributions levées sur ses sujets.

Quoique, grâce à Dieu, ceux de notre empire soient pour quelque temps délivrés du fléau des monopoles, regardés mal à propos autrefois comme une source de revenus, un usage funeste subsiste encore, quoiqu'il ne puisse avoir que des conséquences désastreuses: c'est celui des concessions vénales connues sous le nom d'Iltizam (système des fermes).

Dans ce système, l'administration civile et financière d'une localité est livrée à l'arbitraire d'un seul homme, c'est-à-dire quelquefois à la main de fer des passions les plus violentes et les plus cupides: car, si ce fermier n'est pas bon, il n'aura d'autre soin que celui de son propre avantage.

Il est donc nécessaire que désormais chaque membre de la société ottomane soit taxé pour une quotité d'impôt déterminée, en raison de sa fortune et de ses facultés, et que rien au-delà ne puisse être exigé de lui.

Il faut aussi que des lois spéciales fixent et limitent les dépenses de nos armées de terre et de mer.

Bien que, comme nous l'avons dit, la défense du pays soit une chose importante, et que ce soit un devoir pour tous les habitants de fournir des soldats à cette fin, il est nécessaire d'établir des lois pour régler le contingent que devra fournir chaque localité, selon les nécessités du moment, et pour réduire à quatre ou cinq ans le temps du service militaire car c'est à la fois faire une chose injuste et porter un coup mortel à l'agriculture et à l'industrie du pays, que de prendre, sans égard à la population respective des lieux, dans l'un plus, dans l'autre moins d'hommes qu'ils n'en peuvent fournir; de mème que c'est réduire les soldats au désespoir et contribuer à la dépopulation du pays que de les retenir toute leur vie au service.

En résumé, sans les diverses lois dont on vient de voir la nécessité, il n'y a pour l'empire ni force, ni richesse, ni bonheur, ni tranquillité; il doit, au contraire, les attendre de l'existence de ces lois nouvelles.

C'est pourquoi désormais la cause de tout prévenu sera jugée

S'il y a absence de sécurité à l'égard de la fortune, tout le monde reste froid à la voix du prince et de la patrie; personne ne s'occupe du progrès de la fortune publique, absorbé qu'il est par ses propres inquiétudes. Si, au contraire, le citoyen possède avec confiance ses propriétés de toute nature, alors, plein d'ardeur pour ses affaires, dont il cherche à étendre le cercle afin d'étendre celui de ses jouissances, il sent chaque jour redoubler en son cœur l'amour du prince et de la patrie, le dévouement à son pays, et ces sentiments deviennent en lui la source des actions les plus louables.

Quant à l'assiette régulière et fixe des impôts, il est très important de régler cette matière : car l'État, qui, pour la défense de son territoire, est obligé à des dépenses diverses, ne peut se procurer l'argent nécessaire pour ses armées et autres services que par les contributions levées sur ses sujets.

Quoique, grâce à Dieu, ceux de notre empire soient pour quelque temps délivrés du fléau des monopoles, regardés mal à propos autrefois comme une source de revenus, un usage funeste subsiste encore, quoiqu'il ne puisse avoir que des conséquences désastreuses: c'est celui des concessions vénales connues sous le nom d'Iltizam (système des fermes).

Dans ce système, l'administration civile et financière d'une localité est livrée à l'arbitraire d'un seul homme, c'est-à-dire quelquefois à la main de fer des passions les plus violentes et les plus cupides car, si ce fermier n'est pas bon, il n'aura d'autre soin que celui de son propre avantage.

Il est donc nécessaire que désormais chaque membre de la société ottomane soit taxé pour une quotité d'impôt déterminée, en raison de sa fortune et de ses facultés, et que rien au-delà ne puisse être exigé de lui.

Il faut aussi que des lois spéciales fixent et limitent les dépenses de nos armées de terre et de mer.

Bien que, comme nous l'avons dit, la défense du pays soit une chose importante, et que ce soit un devoir pour tous les habitants de fournir des soldats à cette fin, il est nécessaire d'établir des lois pour régler le contingent que devra fournir chaque localité, selon les nécessités du moment, et pour réduire à quatre ou cinq ans le temps du service militaire car c'est à la fois faire une chose injuste et porter un coup mortel à l'agriculture et à l'industrie du pays, que de prendre, sans égard à la population respective des lieux, dans l'un plus, dans l'autre moins d'hommes qu'ils n'en peuvent fournir; de même que c'est réduire les soldats au désespoir et contribuer à la dépopulation du pays que de les retenir toute leur vie au service.

En résumé, sans les diverses lois dont on vient de voir la nécessité, il n'y a pour l'empire ni force, ni richesse, ni bonheur, ni tranquillité; il doit, au contraire, les attendre de l'existence de ces lois nouvelles.

C'est pourquoi désormais la cause de tout prévenu sera jugée

publiquement, conformément à notre loi divine; après enquête et examen, et, tant qu'un jugement régulier ne sera point intervenu, personne ne pourra secrètement ou publiquement faire périr une autre personne par le poison ou par tout autre supplice.

Il ne sera permis à personne de porter atteinte à l'honneur de qui que ce soit.

Chacun possédera ses propriétés de toute nature et en disposera avec entière liberté, sans que personne puisse y porter obstacle : ainsi, par exemple, les héritiers d'un criminel ne seront point privés de leurs droits légaux, et les biens d'un criminel ne seront point confisqués.

Ces concessions impériales s'étendent à tous mes sujets, de quelque religion ou secte qu'ils puissent être; ils en jouiront sans exception.

Une sécurité parfaite est donc accordée par nous aux habitants de l'empire dans leur vie, leur honneur et leur fortune, ainsi que l'exige le texte sacré de notre loi.

Quant aux autres points, comme ils doivent être réglés par le concours d'opinions éclairées, notre conseil de justice (augmenté de nouveaux membres autant qu'il sera nécessaire), auquel se réuniront, à certains jours que nous déterminerons, nos ministres et les notables de l'empire, s'assemblera à l'effet d'établir des lois réglementaires sur ces points de la sécurité de la vie et de la fortune, et sur celui de l'assiette des impôts.

Les lois concernant la régularisation du service militaire seront débattues au conseil militaire tenant séance au palais du séraskier. Dès qu'une loi sera terminée, elle nous sera présentée; et, afin qu'elle soit à jamais valable et exécutoire, nous la confirmerons de notre sanction, que nous écrirons en tête, de notre main impériale.

Comme ces présentes institutions n'ont pour but que de faire refleurir la religion, le gouvernement, la nation et l'empire, nous vous engageons à ne rien faire qui y soit contraire.

En gage de notre promesse, nous voulons, après les avoir déposées dans la salle qui renferme le manteau glorieux du Prophète, en présence de tous les ulémas et grands de l'empire, faire serment par le nom de Dieu et faire jurer ensuite les ulémas et les grands de l'empire.

Après cela celui des ulémas ou des grands de l'empire, ou toute autre personne que ce soit, qui violerait ces institutions, subira, sans qu'on ait égard au rang, à la considération et au crédit de personne, la peine correspondant à sa faute bien constatée. Un code pénal sera rédigé à cet effet.

Comme tous les fonctionnaires de l'empire reçoivent aujourd'hui un traitement convenable, et qu'on régularisera les appointements de ceux dont les fonctions ne sont pas encore suffisamment rétribuées, une loi rigoureuse sera portée contre le trafic de la faveur et des charges que la loi divine réprouve, et qui est une des principales causes de la décadence de l'empire.

Les dispositions ci-dessus arrêtées étant une altération et une rénovation complète des anciens usages, ce rescrit impérial sera publié à Constantinople et dans tous les lieux de notre empire, et devra être communiqué officiellement à tous les ambassadeurs des puissances amies résidant à Constantinople, pour qu'ils soient témoins de l'octroi de ces institutions, qui, s'il plaît à Dieu, dureront à jamais.

Sur ce, que Dieu très haut nous ait tous en sa sainte et digne garde!

Que ceux qui feront un acte contraire aux présentes institutions soient l'objet de la malédiction divine, et privés pour toujours de toute espèce de bonheur!

Cette charte contient les principes, dont la mise à exécution constitue le Tanzimat, ou les organisations'. Sans entrer dans de plus longues explications, mentionnons seulement que le mobile générateur du Tanzimat est la centralisation administrative.

VI

CE QU'IL IMPORTE DE PRÉCISER

Nous avons constaté que la réforme militaire a obtenu en Turquie un succès, relatif assurément, mais très appréciable. Nous ajoutions que la réforme politique et sociale a échoué.

Comme la situation intérieure de l'empire ottoman n'a jamais cessé d'être une question européenne; comme cette question, permanente et fatale, domine absolument tous les incidents tapageurs qui absorbent l'attention des esprits superficiels; comme la crise qui en résulte a atteint, au moment que nous écrivons, le dernier degré d'acuité, nous ne pouvons pas, parlant de la réforme politique et sociale, nous borner à un simple enregistrement

1. On consultera avec fruit: La Turquie et le Tanzimat, par Ed. Engelhardt. 2 vol. in-8, Paris, Cotillon, 1882-1884.

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