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nistre français explique sa pensée dans une circulaire télégraphique :

Dans une conversation que j'ai eue hier avec le comte de Wimpffen, j'ai accepté le choix de Berlin comme lieu de la réunion du congrès, et j'ai renouvelé en même temps la réserve explicite que j'avais formulée dès l'origine, à savoir que le congrès ne s'occupera que des questions qui dérivent directement et naturellement de la dernière guerre. J'ai déclaré que j'entendais par là exclure, non seulement les affaires de l'Occident, mais celles qui, en Orient, n'ont pas été soulevées par les derniers événements, et j'ai précisé ma pensée en citant l'Égypte. Quoique je n'aie parlé que de l'Égypte, il va sans dire que l'exclusion s'applique aux questions analogues, telles, par exemple, que celles de la Syrie et des Lieux-Saints.

Ce n'est, ai-je ajouté, qu'après avoir reçu à ce sujet des assurances formelles que la France pourra accepter officiellement l'invitation au congrès. Cette marche a été approuvée ce matin en conseil des ministres, et je vous prie de vous en expliquer nettement avec........... à la plus prochaine occasion. Avant d'aller au congrès, il nous faut des garanties sans lesquelles l'opinion publique nous approuverait difficilement.

Voici les réponses :

1.

Vienne, 7 mars 1878. Le comte Andrassy sait que vous avez accepté la réunion d'un congrès à condition de recevoir l'assurance qu'aucune des questions réservées par vous n'y serait abordée. Il donne son entier assentiment à ce programme et se montre disposé à l'appuyer au besoin. (Signé) VOGUE.

2. Londres, 8 mars. J'ai communiqué à lord Derby votre acceptation de Berlin pour le congrès et vos réserves. Il a fort appuyé ces dernières. (Signe) HARCOURT.

3.

Saint-Pétersbourg, 9 mars. Le chancelier m'a répondu qu'il admettait comme nous que le congrès dût se renfermer dans les questions dérivant, ainsi que vous l'indiquez, directement et naturellement de la guerre actuelle, et que l'Égypte, la Syrie et les LieuxSaints dussent être exclus absolument de ses délibérations, et, « à cet égard, a-t-il ajouté, vous pouvez compter tout à fait sur moi. » (Signė) LE FLO.

4. Berlin, 9 mars. - M. de Bülow..... m'a dit que, pour le cabinet de Berlin, le terrain des travaux du congrès devrait être tracé par le texte du traité russo-turc et ne s'en écarter en aucun cas..... « Le terrain, a-t-il ajouté, est déjà trop vaste pour admettre d'autres sujets qui pourraient ouvrir la porte à de nouveaux conflits. >> (Signe) SAINT-VALLIER.

5.

Rome, 9 mars.

M. Deprétis connaissait déjà les réserves que vous avez préalablement mises à la participation de la France au congrès, et elles n'ont soulevé aucune objection de sa part.

Par des dépêches adressées à Londres et à Berlin le 15 mars, M. Waddington prit acte de l'adhésion de tous les cabinets à la réserve française. Le lendemain, en acceptant l'idée d'une conférence préliminaire (qui n'eut pas lieu), le même ministre le fit sous la condition :

Que les réserves formulées par la France et déjà acceptées par tous les cabinets seront formellement admises dans le programme qui sera élaboré par la conférence.

Enfin, ayant reçu la convocation officielle à un congrès pour y discuter les stipulations du traité préliminaire de San-Stefano, comme s'exprimait l'office du prince de Hohenlohe, le ministre français répondit :

Pour mieux préciser cette manière de voir, et convaincus, d'ailleurs, que le véritable intérêt de l'Europe est de restreindre le terrain des délibérations plutôt que de l'étendre, nous avons désigné nominativement l'Égypte, la Syrie et les Lieux-Saints comme devant rester en dehors de la discussion.

En assignant pour objet spécial et déterminé aux travaux des plénipotentiaires les clauses du traité de San-Stefano, la proposition du cabinet de Berlin définit et limite la mission qui leur est confiée de manière à donner pleine satisfaction à la pensée qui nous avait dicté ces réserves. Le gouvernement de la République française accepte donc...

Le 7 juin, cette déclaration fut portée par M. Waddington à la chambre des députés '.

1. Pour tout ce qui concerne la réserve française, Livre jaune de 1878, pages 8 à 62.

V

RÉSERVE DE L'ANGLETERRE

Si la préoccupation du cabinet français élait, comme on vient de le voir, de restreindre la compétence du congrès projeté, le ministère anglais, au contraire, ne craignait rien tant que de voir soustraire quelque question à l'examen de l'aréopage européen. Dès le 30 janvier 1878, le prince Gortchakov avait déclaré à lord Loftus, catégoriquement: «< que toutes les questions portant sur des intérêts européens seront concertées avec les puissances européennes.

>>

En réponse à la convocation austro-hongroise, le ministère anglais crut devoir revenir sur le même point pour en faire la condition de son entrée au congrès. Il est à remarquer que, pour la seconde fois dans la même discussion, le comte Derby omet absolument de mentionner les assurances qu'il avait reçues depuis six semaines'.

La déclaration britannique est du 9 mars 1878; adressée à l'ambassadeur austro-hongrois, elle fut communiquée immédiatement à toutes les cours :

J'ai eu l'honneur de soumettre à la reine et au gouvernement de Sa Majesté la proposition contenue dans la lettre de V. E. en date du 7 de ce mois, à savoir qu'un congrès fût réuni à Berlin, au lieu d'une conférence à Bade, ainsi que cela avait été projeté précédemment ; et j'ai l'honneur de vous prier de faire savoir à votre gouvernement que le gouvernement de la reine n'a aucune objection à élever contre le changement proposé.

Toutefois, il regarde comme désirable qu'il soit entendu tout d'abord que toutes les questions touchées dans le traité de paix entre la Russie et la Turquie seront considérées comme étant de

1. 5 Blue Book de 1878, n° 14.

nature à être traitées dans le congrès, et qu'aucune modification de l'état de choses précédemment établi par des traités ne sera admise comme valable jusqu'à ce qu'elle ait reçu l'assentiment des puis

sances.

J'aurai occasion de revenir longuement sur la déclaration du 9 mars; mais je puis faire remarquer dès à présent en quoi la prétention britannique diffère de l'assurance russe le prince Gortchakov s'est engagé à soumettre au congrès toutes les questions portant sur les intérêts européens. Le comte Derby veut que le congrès traite toutes les questions touchées dans le traité de paix, qu'elles portent ou non sur des intérêts européens.

La déclaration du 9 mars mettait en question la réunion du congrès. La France, dans les communications précitées, avait fait de la présence de toutes les puissances une condition de son entrée. Plus tard, le prince de Bismarck dit qu'il ne comprenait pas le congrès sans l'Angleterre1.

1.26 Blue Book de 1878, no 1.

LIVRE DIXIÈME

DEVANT CONSTANTINOPLE

I

SUR L'OCCUPATION

La question de Constantinople s'est présentée sous deux formes 1° la conquête définitive; 2° l'occupation temporaire.

1. Sous le rapport de la conquête, la matière pouvait être considérée comme épuisée par les explications antérieures. La plus explicite et la plus autorisée de ces explications est l'assurance donnée par l'empereur Alexandre lui-même à lord A. Loftus, le 2 novembre 1876. « Sa Majesté, écrivait l'ambassadeur, a donné sa parole d'honneur, de la manière la plus grave et la plus solennelle, qu'elle n'avait aucune intention de prendre Constantinople1.

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2. Quant à l'occupation temporaire, il en a été fait mention, pour la première fois, à mon souvenir, dans le mémorandum sur la conversation du 8 juin 1877 entre lord Derby et le comte de Schouvalov. C'est alors la Russie qui prend ses précautions contre une occupation anglaise :

Il est important pour l'empereur de savoir si, dans les limites in

1. Voir, plus haut, la communication de lord Derby du 6 mai 1877 et la réponse russe du 30 mai suivant.

2. Voir plus haut, Explications préliminaires.

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