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mains du mont Athos et des églises ou écoles sur différents points du territoire turc1.

Je compléterai ces informations en ajoutant que l'Angleterre a fait une démarche en faveur des moines grecs, démarche qu'on croit inspirée par l'intérêt des créanciers de la Turquie. De son côté, le cabinet de Vienne, à propos des négociations relatives au Danube et pour exercer une pression, a, dit-on, fait pressentir que l'Europe pourrait bien intervenir dans la question.

8° Le Danube.

La condition internationale du Danube a subi à Berlin trois modifications, l'une militaire, la seconde technique, et la troisième administrative.

Condition militaire. L'article LII de Berlin décide :

Que toutes les forteresses et fortifications qui se trouvent sur le parcours du fleuve, depuis les Portes de Fer jusqu'à ses embouchures, seront rasées, et qu'il n'en sera pas élevé de nouvelles.

Aucun bâtiment de guerre ne pourra naviguer sur le Danube, à l'exception des bâtiments légers destinés à la police fluviale et au service des douanes. Les stationnaires des puissances aux embouchures du Danube pourront toutefois remonter jusqu'à Galatz.

Cette disposition est, dans son ensemble, à l'avantage de la Roumanie, comme de la Serbie et de la Bulgarie. Je pense que, la convention de Londres ayant étendu la compétence de la commission européenne jusqu'à Braïla, les stationnaires étrangers pourront remonter jusqu'à ce port roumain.

Condition technique. Les obstacles matériels à la navigation sont 1° les cataractes situées entre l'AutricheHongrie et la Serbie; 2° les Portes de Fer, situées entre

1. Revue de droit international, tome XV, page 446, 1883.

la Serbie et la Roumanie. Le traité signé à Londres, en 1871, portait la disposition suivante :

Les puissances riveraines du Danube, où les cataractes et les Portes de Fer mettent obstacle à la navigation, se réservant de s'entendre entre elles à l'effet de faire disparaître ces obstacles, les hautes parties contractantes leur reconnaissent, dès à présent, le droit de percevoir une taxe provisoire sur les navires de commerce sous tout pavillon, qui en profiteront désormais, jusqu'à l'extinction de la dette contractée pour l'exécution des travaux (art. VI).

Cette disposition était salutaire et conforme à tous les principes. Nul n'en pourrait dire autant de la modification qu'y a introduite l'article LVII de Berlin, contrairement aux droits riverains de la Serbie et de la Roumanie, et précisément lorsque ces États devinrent indépendants. D'après l'article LVII, l'Autriche sera chargée seule de l'exécution des travaux, même aux Portes de Fer, où elle n'est plus riveraine d'aucun côté. Elle percevra seule les taxes y afférentes. En même temps, on impose à la Roumanie et à la Serbie d'accorder toutes les facilités qui pourraient être requises par l'Autriche-Hongrie pour l'exécution des travaux dans les eaux serbes ou roumaines. Or on ne travaille pas dans l'eau sans installer quelque chose à terre. La nouvelle disposition donnerait lieu certainement à des conflits si l'on interprétait strictement le mot requises, lequel mot ne peut être qu'une maladresse de rédaction. Qu'un de ces conflits vienne à surgir, nul doute que les victimes de l'article LVII ne puissent faire appel, pour régler les modalités du supplice, à l'aréopage européen qui a prononcé la sentence.

Condition administrative. - La commission européenne exercera désormais ses pouvoirs jusqu'à Galatz'; elle est maintenue dans ses fonctions et attributions actuelles

1. La conférence de Londres a étendu ces pouvoirs jusqu'à Braïla en 1883.

(art. LIII et LIV). Cette disposition est incomplète. Les plénipotentiaires de 1878, au lieu de se référer à une entente ultérieure (art. LIV) auraient dû trancher la question de durée.

Cette fixation aurait épargné à l'Europe la nécessité où elle s'est trouvée bientôt de faire à la Russie et surtout à l'Autriche des concessions déplorables pour obtenir l'assentiment unanime à cette prolongation indispensable. Les questions d'affaires sont toujours les moins bien traitées dans un congrès.

La commission européenne a été composée, à l'origine, des représentants des sept puissances signataires du traité de Paris, riveraines ou non. Telle elle est restée jusqu'au 13 juillet 1878. L'article LIII de Berlin adjoint aux sept grandes puissances la Roumanie. Cette adjonction est suffisamment motivée par le fait que toute l'activité des délégués européens s'exercera dans les eaux roumaines. Elle est en même temps un éclatant témoignage du rôle européen que la sagesse des grandes puissances et la géographie ont assigné à la nation roumaine sur le bas Danube.

L'article LV du traité de Berlin, dérogeant à celui de Paris, a décidé que, pour la partie du fleuve comprise entre Galatz et les Portes de Fer, les règlements seront élaborés par la commission européenne, mais avec l'assistance de délégués des États riverains, qui sont la Roumanie, la Serbie et la Bulgarie. Les négociations relatives à l'exécution de cet article seront traitées dans le Livre intitulé l'Europe.

9° La neutralité et le royaume.

A la conférence qui fut tenue à Constantinople en 18761877, la Roumanie, avons-nous dit, avait envoyé un plénipotentiaire pour demander que sa neutralité fût reconnue. Au mois d'avril 1877, après que la convention militaire eut été conclue avec la Russie, les Roumains essayaient de

faire proclamer ou reconnaître leur neutralité par l'Europe. En même temps, la Porte adressait une insinuation semblable à Londres; mais le comte de Derby ne l'accueillit pas, non plus qu'une ouverture du duc Decazes dans le même sens. Bientôt après, la Roumanie était impliquée dans la guerre 1.

Le mémoire présenté au congrès de Berlin par M. Bratiano et M. Kogalniceano terminait par la demande suivante l'exposé des désirs de la 'Roumanie:

5o Son indépendance recevrait une consécration définitive et son territoire serait neutralisé.

Ce vœu a été développé par M. Kogalniceano devant la haute assemblée, dans la séance du 1er juillet:

Mais tous ces sacrifices ne suffiraient pas à assurer à la Roumanie la pacifique disposition de ses destinées; elle serait heureuse et reconnaissante de voir couronner les efforts qui ont manifesté son individualité par un bienfait européen.

Ce bienfait serait la garantie réelle de sa neutralité, qui la mettrait en mesure de montrer à l'Europe qu'elle n'a d'autre ambition que d'être la fidèle gardienne de la liberté du Danube à son embouchure et de se consacrer à l'amélioration de ses institutions et au développement de ses ressources.

La neutralisation de la Roumanie ne fut pas discutée au congrès; mais il s'est passé, depuis le traité de Berlin, un autre événement d'une grande portée en 1881, la nation roumaine proclama elle-même l'érection de la principauté en royaume et l'Europe ne fit aucune difficulté pour reconnaître le roi Charles I", aujourd'hui régnant.

1. Ces négociations ont été exposées en détail dans le Livre VI.

X

SATISFACTION DE LA PERSE

(Traité de San-Stefano, art. XVIII. Traité de Berlin, art. LX.)

A San-Stefano, la Sublime Porte s'est engagée à « prendre en sérieuse considération l'opinion émise par les commissaires des puissances médiatrices (Angleterre et Russie) au sujet de la possession de la ville de Khotour et à faire exécuter les travaux de délimitation définitive de la frontière turco-persane. >>

Cette question arriva au congrès de Berlin comme se rattachant à l'intégrité de l'empire ottoman. Le représentant du schah de Perse fut entendu : S. E. Malcom-Khan déclara que S. M. I. acceptait avec reconnaissance la restitution de la ville de Khotour et qu'il se référait, pour l'étendue du territoire, à la délimitation dressée dans le temps par la commission anglo-russe.

A la même séance, qui fut la XV, le comte Schouvalov exposa que, dans les négociations qui ont eu lieu entre la Russie et la Turquie postérieurement au traité de San-Stefano, la Russie consentit à rendre Bayazid et la vallée d'Alaschkerd à la Porte, mais en stipulant, comme échange, la restitution du territoire de Khotour à la Perse. Les situations respectives avaient donc changé depuis le traité de San-Stefano: c'est maintenant à titre d'échange que la restitution aura lieu. Il ne s'agit plus pour la Turquie de prendre en considération, comme dans l'acte de SanStefano, mais d'exécuter un engagement, un échange. Son Excellence demandait qu'une nouvelle rédaction, destinée à exprimer cette différence, fût substituée à la primitive. Il fut fait droit à cette réclamation, et la rédaction de l'article IX de Berlin formule la cause de la modification introduite :

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