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La vallée d'Alaschkerd et la ville de Bayazid, cédées à la Russie par l'article XIX du traité de San-Stefano, font retour à la Turquie. La Sublime Porte cède à la Perse la ville et le territoire de Khotour, tel qu'il a été déterminé, etc., etc.

Il n'aura pas échappé que, dans le protocole XV, le comte Schouvalov parle de négociations qui auraient eu lieu entre la Turquie et la Russie pour la rétrocession de Bayazid et de la vallée d'Alaschkerd postérieurement au traité de San-Stefano. Personne, avant cette révélation du 8 juillet, n'avait entendu parler de négociations directes entre la Russie et la Turquie. Dans la même séance, le premier plénipotentiaire ottoman déclara qu'il n'avait pas connaissance des négociations postérieures au traité de San-Stefano, auxquelles le comte Schouvalov avait fait allusion. Est-ce un lapsus de Son Excellence, ou la révélation de quelque négociation restée ignorée de tous?

IX

SATISFACTION DE LA GRÈCE

(Traité de San-Stefano, art. VII-XV. - Traité de Berlin, art. IV, XXIII, XXIV.)

Reproduisant une disposition de San-Stefano, le traité de Berlin stipule à l'article IV que, dans les localités où les Bulgares sont mêlés à des populations turques, roumaines, grecques ou autres, il sera tenu compte des droits et des intérêts de ces populations.

Des règlements, dit l'article XXIII, analogues à celui de la Crète, seront introduits dans les autres parties de la Turquie d'Europe, pour lesquelles il n'a pas été prévu une organisation particulière. Nous avons déjà parlé de ces dispositions qui apporteraient un soulagement à la population grecque dans la Turquie d'Europe, si elles pouvaient être exécutées convenablement. Il a été décidé que ces

dispositions seront étendues aux îles Sporades, dont l'antique autonomie avait été supprimée sous le niveau uniformiste de la loi des vilayets.

L'île grecque de Samos a échappé jusqu'à présent au grand naufrage des immunités locales: son autonomie est régie par un règlement du 10 décembre 1832 qui a été concerté avec les envoyés de France, de la Grande-Bretagne et de Russie, et qui a par conséquent le caractère d'un engagement international'. J'ai mentionné plus haut la satisfaction des Crétois.

Sans revenir sur les faits relatifs à l'attitude de la Grèce pendant la guerre et sans nous attarder aux événenements qui se sont produits plus tard en Thessalie et en Épire, arrivons à la neuvième séance du congrès de Berlin, où les plénipotentiaires du roi Georges furent admis à parler. M. Delyannis donna lecture de la communication suivante :

Les seuls et véritables voeux du gouvernement hellénique ont été toujours identiques aux aspirations de la nation entière, dont la Grèce libre ne constitue qu'une petite partie.

Ces mêmes aspirations animaient le peuple hellène quand il entreprit en 1821 la longue guerre de son indépendance.

Quant à leur réalisation complète, le gouvernement hellénique ne saurait se faire illusion sur les nombreuses difficultés qu'elle ren

contre.

La ferme résolution de l'Europe d'établir la paix en Orient, sans trop ébranler l'état des choses existant, indique au gouvernement hellénique les limites qu'il doit imposer à ses aspirations.

Ainsi le gouvernement doit limiter ses vœux et voir dans l'annexion de Candie et des provinces limitrophes au royaume tout ce qui, pour le moment, pourrait être fait pour la Grèce.

Les vœux du gouvernement du roi ne s'opposent ni aux intérêts de l'Europe, ni à ceux de l'État voisin. Leur satisfaction serait l'ac

1. M. Brunswik a publié le texte de ce règlement Traité de Berlin, page 97.

2. 32 Blue Book de 1878. Correspondence respecting the insurrections in Thessaly and Epirus. Le Livre jaune de 1879, intitulé: Négociations relatives à la rectification des frontières de la Grèce, pages 1 à 10.

complissement de la volonté ferme et tenace des populations de ces provinces, et donnerait le calme et une existence tenable au royaume...

M. Delyannis et M. Rangabé avaient développé cette triple thèse. Enfin, le 5 juillet, l'ordre du jour ayant appelé l'article XV de San-Stefano, le premier plénipotentiaire de France demanda à faire une communication préalable. D'accord avec le premier plénipotentiaire d'Italie, Son Excellence soumit la résolution suivante aux délibérations du congrès 1.

Le congrès invite la Sublime Porte à s'entendre avec la Grèce pour une rectification de frontières en Thessalie et en Épire, et est d'avis que cette rectification pourrait suivre la vallée du Salamyrias (ancien Peneus), sur le versant de la mer Égée, et celle du Kalamas, du côté de la mer Ionienne.

Le congrès a la confiance que les parties intéressées réussiront à se mettre d'accord. Toutefois, pour faciliter le succès des négociations, les puissances sont prêtes à offrir leur médiation directe auprès des deux parties.

Le comte Andrassy déclara donner son entier assentiment à la proposition introduite par M. Waddington et le comte Corti; lord Beaconsfield prit ensuite la parole, et Sa Seigneurie se lança immédiatement, à l'encontre des Slaves, dans des considérations dont le vague ne rachète pas la radicale inopportunité :

Son Excellence constate que l'Angleterre a toujours insisté auprès de la Grèce et de la Turquie en vue du maintien d'un bon accord, indispensable à ses yeux pour contrebalancer l'influence d'une troisième race, celle qui, en troublant la paix, a amené la réunion du congrès.

Après cette incartade anti-slave, lord Beaconsfield s'attache à démontrer que, lorsque le ministère anglais a demandé l'annexion de la Bosnie à l'Autriche, ce n'était pas

1. Livre jaune de 1878, page 201.

Dans les localités où les Bulgares sont mêlés à des populations turques, roumaines, grecques ou autres, il sera tenu compte des droits et des intérêts de ces populations en ce qui concerne les élections et l'élaboration du règlement organique.

Dans le contexte, le mot élections ne s'appliquerait qu'à l'élection de l'assemblée chargée d'élaborer le règlement organique; mais cette restriction ne paraît pas équitable, ni conforme à l'esprit du congrès.

Je mentionnerai pour mémoire que les Roumains de la Macédoine, de la Thessalie et de l'Épire sont en lutte perpétuelle contre les Grecs sur le terrain de l'enseignement et de la langue liturgique. Les détails de cette lutte ont été consignés, jour par jour, dans une feuille française de Constantinople, le Courrier d'Orient, à qui il en a coûté cher de défendre quelques causes justes.

7° Couvents dédiés.

Nous n'entreprendrons pas d'exposer ici cette cause célèbre qui soulève les questions les plus délicates du droit public1.

La question des couvents dédiés a été portée au congrès de Berlin. Voici d'abord la motion de KarathéodoriPacha, laquelle vint en discussion le 8 juillet :

Considérant que le différend entre les Saints Lieux d'Orient et la Roumanie, relatif aux biens dédiés qui, aux termes des protocoles des grandes puissances tenus à Paris en 1858, 1859 et 1861, et de la conférence réunie ad hoc à Constantinople en 1864, devait être réglé par voie d'arbitrage, demeure jusqu'ici en souffrance;

Les plénipotentiaires ottomans prient cette haute assemblée de vouloir bien prendre en considération le mémoire des Saints Lieux d'Orient, porté sur la liste des pétitions présentées au congrès sous le n° 49, et par lequel les pétitionnaires s'en remettent au congrès

1. Voir le Voyage de Paris à l'ile des Serpents par Cyrille (A. d'Avril), 1 vol. in-12. Paris, Leroux.

2. Livre jaune de 1878, page 221.

pour qu'il veuille bien fixer un délai pour la mise en pratique de l'arbitrage et désigner un surarbitre pour le cas de partage.

Des hésitations s'étant produites sur la compétence du congrès, et l'impossibilité d'organiser un moyen de coercition ayant été reconnue, le plénipotentiaire ottoman demanda du moins que, dans le cas où la haute assemblée ne croirait pas devoir se saisir de l'affaire, la question pût être traitée en dehors du congrès par les puis

sances.

Voici la suite de la discussion :

Le prince de Bismarck croit qu'en effet ce serait la seule manière réalisable de traiter cette question, et pense que ses collègues consentiront à en écrire en ce sens à leurs gouvernements.

Le comte Schouvalov rappelle que la proposition des plénipotentiaires français, relative à la liberté religieuse et aux diverses garanties accordées à tous les cultes, a créé un droit nouveau, applicable à toutes les principautés, et qui autorise les intéressés à faire valoir en temps et lieu leurs justes réclamations.

Le président est d'accord, sur ce point, avec les plénipotentiaires de Russie. S. A. S. pense, en général, qu'on pourrait introduire dans le traité un article qui léguerait aux puissances représentées au congrès la tâche de veiller, soit par leurs représentants à Constantinople, soit par d'autres délégués, sur l'exécution des diverses dispositions qui viennent d'être rappelées. La question des couvents dédiés pourrait se rattacher à ce contrôle. Le prince de Bismarck ajoute, avec l'assentiment de la haute assemblée, qu'en ce qui regarde cette dernière question, il sera noté au protocole que les représentants des puissances sont prêts à référer à leurs gouvernements sur ce sujet et à recommander à leur sollicitude l'examen de cette affaire, soit sur les anciennes bases, soit sur celles qui seront le résultat des délibérations du congrès.

L'incident était clos. Après deux démarches infructueuses à Bucarest, les moines grecs s'adressèrent à la Porte qui, le 21 août 1881, envoya à ses agents près les puissances signataires une circulaire, dont le résultat demeura nul. En attendant, le gouvernement roumain inscrit chaque année à son budget une somme qui est censée représenter la créance des Lieux-Saints, et illa consacre à entretenir l'école du Phanar, plusieurs monastères rou

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