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meilleures que le congrès ait entendues

elles resteront

au profit de toutes les populations autonomes ab antiquo: c'est une réserve en faveur du Liban,

La Sublime Porte s'engage à ne faire, pour le moment, aucun changement dans la montagne mirdite.

Émancipation des chrétiens.

L'abandon à la Russie

du soin d'affranchir les populations chrétiennes de l'Orient est un fait assez récent. Jusqu'au commencement du XVIIe siècle, c'est de l'Occident que ces populations attendaient la délivrance'. L'intervention en faveur de la Grèce, en 1828, a été un retour aux traditions.

Applaudissant aux actes partiels d'équité et de bonne politique qui ont rendu à elles-mêmes plusieurs populations de l'Europe orientale, la France se félicitera spécialement de l'indépendance de la Roumanie, l'un des rares pays qui ait hautement manifesté des sympathies pour nous à une époque où il n'y avait certes aucun profit à en attendre. Je ne voudrais moi-même mêler ici aucune perspective d'intérêt; mais le concours des Serbes et des Monténégrins a-t-il été inutile à la Russie? Qui pourrait affirmer que la Roumanie ne rendra pas un jour quelque grand service à la France?

L'ile de Chypre. Au chapitre des déceptions, j'ai à inscrire le progrès de la domination anglaise dans la Méditerranée, c'est-à-dire l'occupation, vis-à-vis le Liban, de cette île, l'une des guérites du canal de Suez. Vains sont tous les efforts qui ont été tentés pour dissimuler le côté fâcheux de cette occupation. Il n'y a qu'une chose à dire on ne pouvait pas l'empêcher 2.

Protectorat religieux.

J'arrive enfin, sur le terrain

1. Revue des Deux-Mondes, du 1er mai 1878. M. Burnouf. 2. Livre jaune de 1878, pages 304 et suivantes.

du droit international positif, au seul article du traité de Berlin qui s'applique directement à la France; il est inutile d'en faire ressortir la précision et la gravité.

L'action en Syrie est, sous tous les régimes, sous la Convention comme sous une monarchie, la grande et persistante tradition diplomatique de la France. « L'histoire, écrivait naguère un Anglais quelque peu jaloux, n'offre pas d'exemple d'une politique suivie avec plus de persévérance que celle des Français en Syrie depuis dix siècles... Depuis les temps incertains où Charlemagne envoyait des ambassadeurs au calife Haraoun-al-Raschid jusqu'à l'heure actuelle, la France n'a jamais cessé d'exercer une influence sérieuse sur les destinées de la Syrie . » La question des Lieux-Saints, ou, pour mieux dire, le protectorat religieux, est du même ordre et indissolublement liée à la même tradition dix fois séculaire. Sur ce terrain, la France a obtenu à Berlin plus qu'un succès négatif..

Il s'agit de la protection officielle, tant des ecclésiastiques, pèlerins et moines, que de leurs établissements religieux, de bienfaisance et autres dans les Lieux Saints et ailleurs. Le septième paragraphe de l'article LXII se termine ainsi :

Les droits acquis à la France sont expressément réservés, et il est bien entendu qu'aucune atteinte ne sera portée au statu quo dans les Lieux Saints.

Il reste à constater la satisfaction qui fut éprouvée à Rome par les diverses dispositions du traité qui assurent aux catholiques, en Turquie et dans les États indépendants ou tributaires, non seulement le libre exercice du culte, mais le respect de leurs hiérarchies et la liberté des communications avec leurs chefs spirituels. La dépêche du secrétaire d'État du Saint-Siège, que le nonce apostolique communiqua officiellement au ministre des affaires étran

1. Fortnightly-Review, dans la Revue Britannique de juin 1882, p. 510.

gères, montre que l'appui de la France avait été réclamé1. Ce n'est pas une besogne ingrate » d'avoir amené l'Europe à consacrer aussi solennellement la situation exceptionnelle de la France sur le terrain du protectorat religieux, alors que le congrès biffait impitoyablement une disposition analogue, mais bien anodine, imposée par la Russie à San-Stefano. Il faut noter que ce résultat avait été franchement et habilement préparé dès le premier jour que fut prononcé le mot congrès. En conséquence des réserves formulées alors par M. Waddington, je comptais bien sur une abstention: je n'aurais pas osé espérer une reconnaissance formelle.

1. Livre jaune de 1878, p. 299.

LIVRE SEIZIÈME

L'EUROPE

(Voir le croquis à la page 363.)

I

SATISFACTIONS EUROPÉENNES

Il ne reste plus qu'à énoncer et à apprécier les mesures qui ont été prises à Berlin, non plus au point de vue de quelque État ou de quelque population en particulier, mais à un point de vue général.

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Commissions européennes. Des commissions européennes ont été substituées partout où l'acte du 19 février (3 mars) avait institué des commissions russo-turco-autrichiennes.

Liberté de transit. - Dans l'ordre commercial, le congrès a stipulé qu'aucun droit de transit ne sera prélevé sur les marchandises traversant la Roumanie, la Serbie, le Monténégro ou la Bulgarie. Cette disposition est à examiner en elle-même et au point de vue de la réciprocité.

En elle-même, la mesure est excessive; car, au moment qu'on proclame l'indépendance d'un pays, c'est se démentir soi-même que de réglementer sans son concours un point de sa législation financière et commerciale.

La clause doit-elle être interprétée comme réciproque,

c'est-à-dire que les marchandises roumaines, serbes, monténégrines ou bulgares circuleraient libres de droit de transit sur les territoires des contractants? Il semble impossible de ne pas admettre la réciprocité sur l'article XLVIII. S'il en était autrement, les grandes puissances auraient donc profité de leur grandeur même pour imposer à leur bénéfice une charge pécuniaire sur des États moins puis

sants.

La stipulation est-elle applicable aux seuls contractants ou au monde entier? Les mesures arbitraires aboutissent souvent à quelque chose d'incohérent et de confus.

Le Monténégro. La presse française a fait ressortir que le congrès de Berlin reprenait en partie les procédés du congrès de Vienne :

A Berlin, en 1878, comme à Vienne en 1815, on a sans scrupule transféré arbitrairement les populations d'un État à un autre, pesant et évaluant les lots d'âmes... C'est ainsi que, d'un trait de plume, on a enlevé au sultan des sujets qui, chose rare dans la Turquie d'Europe, ne demandaient pas leur émancipation et étaient disposés à repousser par les armes la bizarre décision de l'aréopage européen'.

Des restrictions ont été apportées à l'indépendance maritime du Monténégro. C'est une concession à l'AutricheHongrie l'intérêt européen ne m'apparaît pas.

Serbie. Dans les changements qui ont été apportés à la délimitation de la Serbie, une même considération a prévalu : l'Europe y a gagné, c'est-à-dire perdu, de rendre plus facile l'extension des Austro-Allemands vers Salonique.

Bulgarie-Salonique.

C'est en Bulgarie que l'Europe a le plus profondément modifié les arrangements antérieurs et le plus malencontreusement. La Grande-Bre

1. Extrait du journal le Parlement, de Paris, septembre 1880.

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