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jugées les plus aptes à assurer la paix de l'Europe et l'amélioration du sort des populations de l'empire. C'est sur ces bases qu'elles sont prêtes à entrer en discussion avec les représentants de la SublimePorte.

Le contre-projet turc ainsi dûment enterré, Edhem-Pacha, l'un des plénipotentiaires turs, ramené de force aux propositions des grandes puissances, résume en huit points les propositions que la Porte ne pouvait accepter; ce sont

les suivants :

1° L'institution d'une commission internationale;

2° L'introduction d'un corps de gendarmerie étrangère;
3o Le cantonnement des troupes dans les forteresses;
4o Le mode de nomination concernant les gouverneurs;
5° La division administrative;

6° Les dispositions concernant les finances et la justice;
7° Le déplacement en Asie des colonies circassiennes ;

8° La mise de différentes localités sous l'administration de la Serbie et du Monténégro, etc., etc.

S. E. Edhem-Pacha, continuant ses observations, déclare que les plénipotontiaires ottomans n'ont pas même le pouvoir de discuter ces points, mais qu'ils sont prêts à discuter les autres.

S. E. le général Ignatiev pense que, si l'on écarte ces points, il n'y a en réalité plus rien à discuter.

A l'une des séances suivantes, le 8 janvier, le second plénipotentiaire ottoman eut occasion de s'expliquer sur la question brûlante des garanties :

S. E. Edhem-Pacha répond que les garanties qu'il pourrait indiquer seraient, ainsi qu'il a déjà eu l'occasion de le dire, des garanties morales, la constitution, les lois, le temps qui consolidera les nouvelles institutions et en établira la valeur pratique. Voilà les seules garanties sérieuses et les seules que son gouvernement soit à même de fournir.

Il n'y aurait eu qu'à rompre la conférence, si les plénipotentiaires européens ne s'étaient résignés à faire des concessions énormes : ils présentèrent, le 15 janvier, un projet mitigé, qui a été leur dernier mot. Voici en quels termes le comte de Bourgoing résume (le 25 janvier 1877), les concessions consenties par les plénipotentiaires.

On ne demandait plus la cession au Monténégro du territoire de Zubei; il n'était parlé ni du désarmement des forts de la Boïana, ni de l'amélioration de la navigation de ce fleuve.

La question de l'abandon du petit Zvornik à la Serbie était laissée sans solution.

L'assentiment des puissances à la nomination du vali n'était plus exige que pour la première période de cinq ans, et il n'était nécessaire nulle part que ce fonctionnaire fût chrétien.

La quote-part des impôts réservés aux dépenses de la province. restait indéterminée.

L'intervention des troupes étrangères était définitivement écartée. On renonçait au cantonnement des troupes ottomanes.

Les magistrats restaient à la nomination de la Porte.

Enfin la commission internationale prenait le nom de commission de controle. Ses attributions, au lieu d'ètre déterminées immédiatement en détail, étaient renvoyées à des instructions spéciales et ultérieures, et la nomination de ses membres n'était plus réservée exclusivement aux puissances garantes, mais aux puissances, ce qui permettait d'admettre que la Porte y prit part 1.

En lisant cet exposé, il est impossible de ne pas reconnaitre que les membres européens de la conférence allaient beaucoup trop loin dans la voie des concessions: ils cédaient presque tout ce qui pouvait garantir l'exécution de leur œuvre.

Ce fut le marquis de Salisbury qui donna lecture de ce projet mitigé ou plutôt mutilé. A cette occasion, il fit des déclarations qui méritent d'être reproduites ici textuelle

ment:

Il est de mon devoir de dégager le gouvernement de la reine de toute responsabilité pour ce qui pourra arriver, et je suis, par conséquent, chargé de déclarer formellement que la Grande-Bretagne est résolue de ne donner sa sanction ni à la mauvaise administration, ni à l'oppression et que, si la Porte, par opiniâtreté ou inertie, résiste aux efforts qui se font actuellement dans le but de placer l'empire ottoman sur une base plus sûre, la responsabilité des suites qui en résulteront reposera uniquement sur le sultan et ses conseillers.

En communiquant à vos Excellences ce résumé mitigé, je suis, en

1. Le projet mitigé se trouve à la page 138 de l'appendice du Livre jaune

de 1877.

outre, autorisé par les plénipotentiaires à déclarer que c'est la dernière communication qui vous sera faite de notre part, et que, si les principes de nos propositions ne sont pas acceptés à la conférence qui doit se réunir le 18 courant, les représentants des six puissances considéreront la conférence close, et quitteront Constantinople, suivant les ordres qu'ils ont reçus.

Les autres plénipotentiaires déclarèrent successivement que, si le projet mitigé n'était pas adopté, les ambassadeurs se retireraient en laissant de simples chargés d'affaires.

Séance tenante, Savfet-Pacha déclara que la SublimePorte était prête à entrer en discussion sur ce document, si les plénipotentiaires consentaient à en retirer deux points, ceux qui concernent la nomination des valis et la commission internationale, points sur lesquels la SublimePorte ne saurait transiger. Lord Salisbury répondit que les représentants des puissances n'étaient pas autorisés à retirer les deux points indiqués, lesquels, à leurs yeux, constituent véritablement les garanties demandées à la Porte.

Les plénipotentiaires étaient d'autant plus autorisés à cette insistance, ils s'y sentaient d'autant plus forts qu'ils pouvaient invoquer un précédent décisif, ce qu'a fait le plénipotentiaire russe, sans que les Turs aient rien trouvé à y répondre

De toutes les commissions européennes en Turquie, celle qui a eu une des tâches les plus ardues et qui pourtant l'a accomplie avec succès, est la commission de 1860 en Syrie: les coupables ont été punis, les victimes indemnisées, l'ordre rétabli. Mais c'est que cette commission s'appuyait sur un corps d'armée français. Il est curieux de noter que le règlement organique a été exécuté et que la tranquillité na plus été troublée depuis lors au Liban, tandis que le règlement crétois, accordé par le gouvernement ottoman sans menace d'exécution et lorsqu'il était sûr de la victoire, n'a pas été sérieusement appliqué, n'a pas prévenu les abus : les Crétois viennent d'exprimer hautement leur mécontentement et exigent des modifications importantes 1.

Communication du général

1. Sixième annexe au compte rendu no 4. Ignatiev. Livre jaune de 1877, page 34 de l'appendice.

Pour se faire une idée de l'impuissance du gouvernement vis-à-vis de ses chefs musulmans, il n'y a qu'à comparer la mollesse de la répression des atrocités en Bulgarie avec l'éclatante satisfaction donnée en Syrie à l'Europe par le gouvernement de cette époque. La commission présidée par Saad-Ullah-Bey ne saurait enregistrer, en fait d'actes réparateurs, que la reconstruction de quelques centaines de maisons. En Syrie, au contraire, sans compter les millions d'indemnités payés aux victimes, Fuad-Pacha faisait exécuter le gouverneur général de Damas avec près de deux cents autres coupables. Aujourd'hui, le gouvernement capitule devant la population musulmane, la ménage, de peur de voir éclater une émeute. C'est qu'il n'y a pas à proximité un corps d'armée étranger qui soutienne le courage défaillant des autorités, à l'instar de la petite armée française campée dans le Liban. La pacification de la Syrie ne doit être attribuée qu'à cette cause évidente'.

A la séance du 20 janvier 1877, qui fut la dernière, Savfet-Pacha, parlant des garanties, exprima que la meilleure était la constitution. Il ajouta qu'un conseil extraordinaire avait été convoqué: il était composé d'environ deux cents personnes el réunissait « les sommités de toutes les classes de sujets de Sa Majesté,» ainsi que les représentants des communautés religieuses. Après avoir mûrement délibéré, ce conseil s'était prononcé à l'unanimité contre les deux points en litige. Le premier plénipotentiaire turc présenta ensuite un nouveau contre-projet dans lequel on écartait naturellement l'intervention étrangère pour le choix des gouverneurs généraux (vali). Le contrôle européen était remplacé par des commissions locales électives.

Le contre projet ne fut pas pris en considération. Il n'y avait plus qu'à se séparer.

Vu le rôle dominant de l'Angleterre dans cette Conférence, je rapporterai ici les paroles par lesquelles le marquis de Salisbury annonça la rupture le 20 janvier:

Ce n'était pas pour prendre acte des intentions conciliantes du gou

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