de la convention de Londres comme une épée de Damoclès sur la tête de la Roumanie? On ajoute qu'il profite de cette menace pour essayer d'enchaîner le roi Charles à certaines vues politiques et commerciales? une telle situation justifie tous les soupçons. Nous n'essayerons pas d'entrer dans le labyrinthe de ces hautes ou basses combinaisons, dont nous n'avons pas le fil entre les mains; mais nous ferons remarquer que nous nous trouvons ici en présence d'une de ces circonstances trop fréquentes où la question pendante est tranchée dans tel ou tel sens pour des raisons absolument étrangères à cette question. On aura réglementé la navigation du Danube, non pas en vue de donner satisfaction aux intérêts et aux droits qui y sont engagés, mais en vue d'assurer à quelqu'un le monopole de l'exploitation et peut-être d'autres avantages peu avouables. Faut-il donc qu'il y ait parfois quelque chose de louche dans les arrêts rendus par l'heptarchie européenne ? Il était peut-être inévitable de sacrifier quelque chose pour obtenir la prolongation de la commission européenne; mais pourquoi charger le délégué français de dresser l'acte d'exécution d'une œuvre qui, malgré les améliorations introduites par M. Barrère, demeure mauvaise en soi, contraire à tous les principes et à l'esprit comme à la lettre du traité de Berlin? Les Austro-Allemands arrivent à leur fin, et ils y arrivent en lançant la France contre la Roumanie stupéfaite de recevoir le coup d'une telle main. Je ne demeurerai pas sur cette note lugubre. Si l'affaire du Danube a été tranchée à contre-sens et à contre-droit, si elle offre la perspective de complications européennes, les dernières années ont vu améliorer sur bien des points et plus complètement qu'on ne pouvait s'y attendre, le sort des populations dans l'Europe orientale. On est arrivé assez péniblement, mais on est arrivé à des solutions qui sont de nature à satisfaire la justice et à justifier la politique de la France. Il n'y a pas lieu de se décourager. NOVISSIMA VERBA Ces Négociations sont une istoria documentata. J'aurais pu éliminer les documents à l'effet d'imprimer au récit une allure moins heurtée; mais pourquoi faire violence à la tournure de mon esprit, à mes habitudes de travail? Je me méfie, d'ailleurs, des analyses, même des miennes : on y met toujours un peu du sien. Je n'ai pas jugé non plus qu'il fût possible, au cours d'un récit compliqué, d'aborder les grands principes de droit ni des idées générales : l'esprit contemporain, il faut bien le dire, incline plutôt à s'y soustraire qu'il n'aspire à s'y élever. Laissant ici de côté, pour y revenir ailleurs, des visées plus hautes, j'ai recouru constamment à un procédé essentiellement pratique : ce procédé consiste à signaler le danger, à chercher les moyens de le prévenir. Une étude patiente et préalable y est nécessaire. A l'heure qu'un gouvernement va se mettre en mouvement de gré ou de force, il n'est plus temps de délibérer pour savoir de quel côté il se portera, avec qui ou contre qui, et de se demander où est l'intérêt, où est le devoir. Le Danube est l'un des points noirs. Un deuxième point noir est à Salonique, et un troisième à l'île de Chypre. En d'autres termes, ces points noirs sont, au centre de l'Europe, la prépondérance de l'Allemagne unie à l'AutricheHongrie ; sur la Méditerranée et la mer Rouge, la pré pondérance de l'Angleterre. Enfin, j'ai signalé le péril du réveil islamitique en Asie et surtout en Afrique. Tous les efforts qu'on tenterait pour tenir en échec ces prépondérances et pour conjurer les périls de ce réveil demeureront vains, aussi longtemps que l'Europe se laissera effrayer par les spectres que les intéressés suscitent de part ou d'autre à l'effet d'égarer son attention. Je vais résumer ce que j'ai exposé et répété à satiété intentionnellement : 1° Il ne faut pas que les Anglais, les Français, les Russes s'endorment en face du réveil islamitique-ni que les uns cherchent à s'en faire une arme contre les autres; c'est une arme qui brûle la main qui la brandit. 2o Il ne faut pas que les Français, les Allemands, les Italiens, les Espagnols, les Grecs croient, sur la foi d'un ministre britannique, que les intérêts de tous les riverains de la Méditerranée seront compromis parce que la problématique marine bulgare ou celle de la Russie pourrait peutêtre un jour donner quelque tablature ou simplement inspirer quelque ombrage à la puissance qui détient Gibraltar, Malte, l'île de Chypre, Aden, que dis-je l'Égypte et le canal de Suez. Si la liberté des mers court quelque péril, ce ne peut être que des occupations anglaises dans le vieux monde, et des prétentions nord-américaines dans le nouveau. 3° Il ne faut pas que les Français, les Anglais, les Italiens se laissent persuader, par des suggestions intéressées, que l'Europe sera perdue parce qu'on aura laissé établir entre les Karpathes et l'Adriatique, aux pieds des Balkans, sur la Vistule, sur la Veltava, sur le Vardar et sur le Danube, un état de choses normal qui vienne mettre un frein à la fureur des flots germanisants. De longs développements ont abouti à ce résumé qui |