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rer sous leur véritable jour; ce qui enlevait au cabinet de Saint-James, soit au Midi, soit au Nord, le crédit que plus d'union et des notions plus saines lui eussent acquis tant sur la Péninsule que sur les princes et les ministres de ces Etats continentaux.

Quelques scandales se joignaient encore à de nombreuses aberrations militaires et politiques. L'enquête, par exemple, contre le duc d'Yorck, très médiocre général, mais excellent directeur des affaires relatives à l'armée, enlevait à celle-ci l'homme qui le premier et avec un plein succès en avait purgé les défectuosités les plus nuisibles. Quelques abus s'étaient introduits dans son administration; madame Clarke, sa coupable amie, en demeura seule chargée; l'honneur du prince n'en souffrit pas; mais ne voulant plus compromettre cet honneur, il abdiqua des emplois qui avaient été et pouvaient encore être utiles à sa patrie.

Un autre scandale éclata; ce fut le procès intenté contre les libérateurs du Portugal. Sir Arthur Wellesley aurait eu seul le droit de se plaindre; car la nécessité d'obéir aveuglément à un ordre supérieur, devoir que tous les militaires anglais de tous grades ne violent jamais, lui avait ravi l'honneur de compléter un triomphe dû à

son intrépide intelligence. Il ne le fit point, et l'on n'écouta que les vaines clameurs de quelques brouillons ambitieux. L'affaire fut terminée par un acquittement pur et simple, mais qui suspendit, au moment le plus opportun, des opérations vivement sollicitées, déjà conçues et propres à imprimer un victorieux élan au mouvement insurrectionnel de la Péninsule; ce qui y facilita, dans les derniers mois de 1808, la rapide invasion des armées françaises.

Les ministres furent vivement attaqués sur la manière dont ils conduisaient la guerre d'Espagne. On examina sévèrement leur marche administrative et celle qu'avait suivie comme général sir John Moore, tombé au champ d'honneur. Sa correspondance, déposée sur le bureau de la chambre, démontrait le peu de consistance du peuple espagnol, et ses dispositions malveillantes en raison de la demande refusée aux Anglais par la junte d'une occupation militaire de Cadix par des forces britanniques. Le zèle, si ardent d'abord pour la cause des insurgés, commença à se refroidir; car s'il avait été noble dans la nation, le gouvernement s'y était livré froidement et avec calcul, n'y voyant qu'un intérêt d'ambition et de cupidité.

Le même intérêt provoqua plus tard la funeste

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échauffourée de l'Escaut. Cependant, en dépit de ce commencement de tiédeur, on demeura fidèle au système de Pitt, en protégeant la seule nation alors constamment en guerre avec la France; on continua surtout à miner la puissance de celle-ci en ruinant sur tous les points les restes de la marine française, en envahissant les colonies que Napoléon conservait encore, en cherchant à s'assurer de toutes les stations maritimes utiles au commerce et à la puissance de l'Etat, ce qui était pour la Grande-Bretagne l'objet essentiel et même l'objet unique de la guerre.

Occupons-nous maintenant et des opérations militaires des Anglais en Espagne et de celles de leurs alliés, si héroïques quoique si mal dirigées par une junte sans prévoyance ou par des généraux totalement dépourvus de talens. Là est l'impérissable honneur des partidas et des quadrillas, corps vulgairement et improprement nommés guerillas, qui ne laissaient aucun relâche à l'ennemi victorieux de leurs armées dépourvues de discipline et d'une organisation régulière.

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Il faut soigneusement distinguer parmi les Espagnols, si bons soldats mais si mauvais militaires, ceux qui, réunis en corps d'armée, et que le défaut d'organisation propre à faciliter leurs mouvemens utilement hostiles rendait inca

pables de résister en pleine campagne à des troupes éminemment mobiles et habilement commandées, de ceux qui, animés d'une constante valeur et d'un invincible dévouement, ne cessaient, soit de harceler les troupes françaises dans leurs marches, soit de défendre héroïque+ ment contre elles les places où ils étaient renfermés. La postérité n'oubliera donc jamais les héros de Figueras, de Tarragone, de Gironne et de Saragosse. Parlons de ces deux dernières villes; car quand les regards de l'homme rencontrent des faits aussi prodigieusement gigantesques, l'historien se rendrait coupable s'il ne les retraçait dans leurs principaux détails; le militaire le serait également en ne considérant point ce qu'un indomptable courage peut trouver en soi de res sources pour suppléer à ce que l'art lui refuse; l'homme politique, enfin, ne remplirait qu'une partie de ses devoirs, s'il n'observait dans de tels faits ce qu'au sein des grandes crises sociales il lui serait possible d'obtenir d'une exaltation qu'il aurait habilement inspirée et ce qu'il pourrait opérer à l'aide d'un peuple déterminé à vaincre ou à mourir. Cette grande leçon, l'Espagne la donnait alors à l'Europe soumise, qui la contem. plait avec surprise et admiration; leçon magis. trale et féconde, dont les nations européennes et

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leurs chefs surent plus tard profiter avec succès.

Nous n'avons fait qu'indiquer précédemment le premier siége de Saragosse, nous réservant de parler à la fois des deux siéges qu'elle soutint en 1808 et 1809, événemens d'autant plus romanesques que cette ville était totalement dénuée des moyens ordinaires de défense.

Qui en effet eût pu croire capable de soutenir un siége cette Saragosse, peuplée à peine de soixante mille ames de tout âge et de tout sexe, sans fortifications ni fossés, située sur un territoire plat, dont toutes les rues aboutissent aux champs, ceinte sur la rive droite de l'Elbe d'un simple mur de clôture, sans hauteur ni épaisseur, sans terrassement ni plate-formes, parfois en terre et souvent suppléé par les murailles extérieures des maisons? Qui eût pu croire susceptible de défense, même contre une armée médiocre, cette ville communiquant par un seul pont avec un faubourg bâti sur la rive gauche du fleuve et qui lui-même n'a pas d'enceinte, dominée à quatre cents toises par des élévations d'où l'on plonge sur elle, n'ayant pour garnison que deux mille hommes dont vingt canonniers, avec seize mauvais canons de faible calibre qu'il fallut se hâter de mettre en état de service, avec un petit nombre de fusils de tous modèles, auxquels il

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