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(code civil, art. 2188), c'est-à-dire évincé. Il est dans la même situation que le tiers détenteur sur lequel les créanciers ont poursuivi l'expropriation de l'immeuble; par conséquent, il faut appliquer l'article 106 (code civil, art. 2178): << Le tiers détenteur qui a subi l'expropriation de l'immeuble a son recours tel que de droit contre le débiteur principal. >> Que le tiers détenteur soit dépossédé par suite d'une surenchère, ou par suite d'une expropriation, toujours est-il qu'il subit une éviction, et que le prix provenant de son héritage sert à payer les créanciers; par conséquent, il a l'action en garantie si son titre lui donne droit à la garantie, et il est subrogé aux droits des créanciers qu'il a désintéressés. Nous renvoyons à ce qui a été dit plus haut (nos 319-321). On voit ici combien il est inexact de faire une différence entre le tiers détenteur qui purge et le tiers détenteur qui est exproprié, soit qu'il délaisse ou non. La loi ne dit rien du recours qui appartient au tiers détenteur qui est surenchéri, sauf en ce qui concerne la restitution des frais, dont nous allons parler; tandis qu'elle donne un recours au tiers détenteur qui délaisse, ou qui est exproprié. Est-ce à dire que l'acquéreur surenchéri n'a point de recours? Personne n'a songé à tirer cette induction du silence de la loi; tout le monde lui accorde un recours tel que de droit, comme dit l'article 106 (code civil, article 2178) (1). Il faut donc dire que la situation du tiers détenteur est toujours la même, quelque parti qu'il prenne, qu'il purge, qu'il délaisse, ou qu'il soit exproprié directe

ment.

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550. La loi contient une disposition spéciale sur les frais; aux termes de l'article 118 (code civil, art. 2188), << l'adjudicataire est tenu, au delà de son prix d'adjudication, de restituer à l'acquéreur ou au donataire dépossédé les frais et loyaux coûts de son contrat, ceux de la transcription sur les registres du conservateur, ceux de notification et ceux faits par lui pour parvenir à la revente. » Pourquoi la loi met-elle ces frais à charge du tiers adjudicataire? On en a donné des raisons qui sont inadmissi

(1) Aubry et Rau, t. III, p. 537, note 113, et les autorités qu'ils citent.

bles. Les partisans de la résolution des droits du nouveau propriétaire surenchéri se sont prévalus de cette disposition et ont prétendu que le tiers détenteur surenchéri avait droit à la restitution des frais, parce que son titre est résolu rétroactivement. C'est faire dire à la loi ce qu'elle n'a pas entendu décider. L'article 118 n'a pas pour objet de donner à l'acquéreur dépossédé un recours pour les frais, il a pour objet de décider que les frais sont mis à charge de l'adjudicataire. D'après les principes généraux, les frais font partie des restitutions et dommages-intérêts auxquels l'acquéreur évincé a droit contre son vendeur à titre de garantie; c'est donc le garant qui aurait dû les restituer au tiers détenteur surenchéri. Pourquoi la loi, par exception, les met-elle à charge de l'adjudicataire? Le motif de droit se trouve dans l'article 1593, qui met à charge de l'acheteur les frais d'actes et autres accessoires à la vente; or, tous les frais dont parle l'article 118 (code civil, article 2188) sont des frais de purge, et c'est la purge qui a rendu l'adjudicataire propriétaire. Le motif d'équité se trouve dans la position du vendeur contre lequel le tiers détenteur aurait dû réclamer les frais; régulièrement il est insolvable, ou ses affaires sont très-embarrassées, puisqu'il s'est vu dans la nécessité de vendre l'immeuble sans payer les dettes dont il était grevé; le recours contre lui aurait donc été inefficace. D'ailleurs il y a des tiers détenteurs qui n'ont pas l'action en garantie; il serait injuste de leur faire supporter des frais qui profitent à l'adjudicataire, frais qu'ils ont avancés pour conserver l'immeuble; si, par* suite de la surenchère, ils ne le conservent pas, il est juste que ce soit le surenchérisseur qui supporte les frais; il n'a guère le droit de s'en plaindre, car, sachant qu'il doit restituer ces frais, il en aura tenu compte en calculant le montant de sa surenchère. En définitive, ce sont les créanciers hypothécaires qui supporteront les frais; ce qui est trèsjuste, puisque ces frais sont nécessaires pour la réalisation. de leur gage (1).

551. La loi ne dit rien des impenses que le tiers dé

(1) Martou, t. IV, p. 181, no 1540. Aubry et Rau, t. III, p. 537, notes 114 et 115, § 294. Pont, t. II, p. 641, no 1396.

tenteur a faites, sans doute parce qu'il est rare qu'il en fera, puisque, voulant purger, il doit s'attendre à une surenchère; et, dans cette incertitude sur le sort de son acquisition, il se décidera rarement à faire des travaux sur un fonds qu'il n'est pas sûr de conserver. Toutefois cela est arrivé. De là des difficultés. On demande d'abord si l'acquéreur a droit à une indemnité du chef de ces dépenses. L'affirmative nous paraît certaine, elle est écrite dans le texte de la loi. L'article 103.dispose, en termes généraux, que le tiers détenteur peut répéter ses impenses et améliorations jusqu'à concurrence de la plus-value résultant de l'amélioration. Cette disposition doit être appliquée, par analogie, pour mieux dire, par identité, au tiers détenteur qui est surenchéri. Qu'importe qu'il soit évincé par surenchère ou par expropriation directe? Toujours est-il qu'il a procuré au fonds une plus-value et que l'équité exige qu'il en soit indemnisé par celui à qui l'amélioration profite. Reste à savoir qui doit payer l'indemnité. Celui qui en profite, puisqu'il ne peut s'enrichir aux dépens du tiers détenteur. Or, ce sont les créanciers qui profitent de l'augmentation de valeur que l'immeuble a reçue par les travaux du tiers détenteur; en effet, le prix que l'adjudicataire paye est naturellement calculé sur la valeur de l'immeuble, donc sur la plus-value qu'il a reçue. Tel est aussi le principe établi par l'article 103 (code civil, art. 2175).

C'est l'opinion de la plupart des auteurs, sauf des dissentiments sur des détails (1). La jurisprudence est divisée. La cour de Bordeaux a condamné l'adjudicataire à restituer les impenses. On a critiqué avec raison cette étrange décision l'adjudicataire a payé les impenses, puisqu'il a proportionné sa surenchère à la valeur de l'immeuble, y compris la plus-value. Si on le forçait à restituer la plusvalue, qu'en résulterait-il? C'est qu'il ne surenchérirait point, ou il calculerait sa surenchère en déduisant la valeur des impenses, de sorte que les créanciers ne profiteraient pas de l'import des travaux. C'est donc à eux, en

(1) Martou, t. IV, p. 183, no 1542. Aubry et Rau, t. III, p. 538, note 116, § 294. Pont, t. II, p. 641, no 1397.

définitive, que les travaux profitent si on ne met pas les dépenses à charge de l'adjudicataire; partant, ils doivent les supporter. C'est la décision de la cour d'Orléans (1).

552. La loi ne dit pas comment se fait la purge en cas de surenchère, elle n'avait pas besoin de le dire; cela résulte de l'article 117 (code civil, art. 2187). L'immeuble est mis aux enchères, on procède à l'adjudication et le prix est distribué entre les créanciers, qui viennent en ordre utile; par suite, l'immeuble se trouve purgé des charges hypothécaires. Cette matière n'est pas de notre domaine, elle appartient à la procédure.

No 11. DU CAS OU IL N'Y A PAS DE SURENCHÈRE.

553. Le tiers acquéreur qui purge doit déclarer, dans les notifications qu'il fait aux créanciers, qu'il acquittera les dettes et charges hypothécaires jusqu'à concurrence du prix ou de la valeur qu'il indique (art. 113; code civil, art. 2184). C'est une offre qu'il fait aux créanciers. Ceux-ci peuvent l'accepter ou la refuser, en demandant que l'immeuble soit remis en vente. Nous supposons qu'ils ne requièrent pas la mise aux enchères; c'est dire qu'ils acceptent l'offre qui leur est faite parce qu'ils la trouvent suffisante. Elle sera suffisante si la somme offerte suffit pour désintéresser les créanciers, ou si, quoique inférieure au montant des créances inscrites, elle représente la valeur exacte de l'immeuble; quand même il y aurait une légère différence entre l'offre et la valeur, ils sont encore intéressés à accepter l'offre, puisqu'ils ne pourraient la refuser qu'en surenchérissant d'un vingtième, et nous supposons que la différence n'est pas d'un vingtième.

Comment se fait l'acceptation? Elle peut être expresse si les créanciers répondent aux notifications du tiers acquéreur qu'ils acceptent son offre. Elle est tacite, en vertu de l'article 116 (code civil, art. 2186), si les créanciers ne

(1) Voyez les citations dans Pont, t. II, p, 641, no 1397. Comparez Bruxelles, 11 août 1857 (Pasicrisie, 1857, 2, 365).

requièrent pas la mise aux enchères dans les formes et dans le délai prescrits par la loi. Ils sont mis en demeure d'accepter l'offre ou de la refuser; leur. silence implique acceptation, puisque, en cas de refus, ils auraient dû surenchérir dans les quarante jours. Ce délai est de rigueur; s'ils le laissent expirer sans surenchérir, leur intention doit être d'accepter l'offre du nouveau propriétaire. La loi a dû prescrire un bref délai à peine de déchéance, puisque le but de la purge est de consolider la propriété dans les mains de l'acquéreur; et régulièrement les créanciers ont intérêt à accepter l'offre du nouveau propriétaire, puisqu'elle sera presque toujours suffisante; ce qui concilie le droit de l'acquéreur avec le droit des créanciers hypothécaires.

Il y a un cas dans lequel l'acceptation des créanciers est forcée. L'article 116 dit qu'il y a acceptation à défaut par les créanciers d'avoir requis la mise aux enchères dans les formes prescrites. Si ces formes n'ont pas été observées, la surenchère est nulle; et si, dans ce cas, le délai de quarante jours est écoulé, il ne peut plus y avoir de nouvelle surenchère; partant, il y a déchéance du droit de surenchérir, et l'on procède comme si les créanciers avaient volontairement laissé passer le délai légal sans exercer le droit de surenchère, car la surenchère nulle est considérée comme n'ayant jamais été faite (1).

554. Quelle est la conséquence de l'acceptation des offres du tiers détenteur? L'article 116 répond que la valeur de l'immeuble demeure, dans ce cas, fixée au prix stipulé dans le contrat, ou déclaré par le nouveau propriétaire. En vertu de quel principe le chiffre est-il définitivement fixé? L'offre suivie de l'acceptation forme une convention; cette convention implique que l'immeuble sera libéré des hypothèques qui le grèvent moyennant la distribution de la somme offerte par le nouveau propriétaire entre les créanciers inscrits. C'est dire que cette convention réalise le droit hypothécaire des créanciers; il est réalisé, en ce sens qu'ils ont droit à une somme qui représente la valeur

(1) Pont, t. II, p. 613, no 1329.

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