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doit pas être renouvelée après l'adjudication. Il y a controverse sur ce point; nous y reviendrons.

74. Nous disons que l'article 87 (code civil, art. 2151) ne s'applique qu'aux intérêts périodiquement exigibles, en vertu d'une dette capitale déterminée et partant invariable. Il suit de là que la loi n'est pas applicable à l'ouverture du crédit, tant que le compte courant n'est pas arrêté. Le intérêts qui courent pendant la durée du compte se con fondent avec le capital, le créditeur ne les exige pas d crédité, il les porte en compte de ce que le crédité doit comme il porte à son crédit les valeurs que le crédité lui remet, ainsi que les intérêts de ces remises. Il n'y a donc ni capital déterminé, ni intérêts exigibles, aussi longtemps que le compte n'est pas arrêté; dès lors le texte de l'article 87 n'est pas applicable. Il en est de même de l'esprit de la loi. Si la loi alloue au créancier des intérêts à échoir, au même rang que le capital, mais seulement pour trois années, c'est pour concilier les droits du créancier et l'intérêt des tiers. Or, quand un crédit est ouvert au débiteur, sous forme de compte courant, le droit du créancier est sauvegardé par l'inscription que le contrat l'autorise à prendre, inscription qui comprend tout ce qui pourra lui être dû, y compris les intérêts. Par cela même, les tiers sont hors de cause; l'inscription leur fait connaître le montant de la somme pour laquelle le créditeur pourra exercer son action hypothécaire : cela suffit pour garantir leurs droits. La doctrine et la jurisprudence sont d'accord sur ce point (1). Quand le compte sera arrêté, on rentrera dans le cas prévu par l'article 87; le créancier sera colloqué, sans inscription nouvelle, pour trois années d'intérêts, au même rang que le capital, pourvu que ce capital n'excède pas le chiffre du crédit pour lequel l'hypothèque a été consentie, et pour lequel inscription a été prise.

75. Ce même principe s'applique à l'hypothèque légale du mineur. L'article 87 (code civil, art. 2151) est applica

conclusions de Merlin (Dalloz, au mot Priviléges, no 2426). Rėjet, 5 juillet 1827 (Dalloz, ibid., no 2427).

(1) Douai, 10 février 1853 (Dalloz, 1854, 2. 19). Martou, t. III, p. 193, no 1121. Pont, t. II, p. 416, no 1028.

ble aux hypothèques légales, puisqu'il parle des hypothèques inscrites; et, d'après notre loi, les hypothèques des mineurs et des femmes mariées sont soumises au droit commun en ce qui concerne la spécialité et la publicité. Mais il faut voir en quel sens l'application du droit commun est possible. La loi veut que les intérêts qui courent au profit du mineur pendant la tutelle soient capitalisés; le mineur n'y a donc pas droit à titre d'intérêts, il y a droit à titre de capital; ce qui nous place hors de l'article 87. Mais à partir de l'arrêté de compte le pupille entre dans le droit commun; il a droit aux intérêts du reliquat (art. 474); ces intérêts sont garantis par l'inscription prise sur les biens du tuteur pour trois années, sanš inscription nouvelle, par application de l'article 87. En disant qu'il a droit aux intérêts, nous supposons que la créance du mineur ne dépasse pas la somme jusqu'à concurrence de laquelle inscription a été prise sur les biens du tuteur. Si, par suite des intérêts dus au mineur, sa créance venait à dépasser celle qui a été spécialisée, le conseil de famille devrait avoir soin de prendre une inscription supplémentaire. Quant à la femme mariée, elle n'a pas droit aux intérêts de ses récompenses pendant la durée de la société conjugale; c'est seulement quand elle est liquidée que l'article 87 devient applicable, bien entendu quand des intérêts lui sont dus. Il en est ainsi, sous le régime de la communauté, pour les remplois et récompenses que la communauté doit à la femme; les intérêts courent de plein droit du jour de la dissolution de la communauté (art. 1473). Sous le régime dotal, la femme a aussi droit aux intérêts de sa dot à partir de la dissolution du régime (art. 1570). Ces intérêts sont dus pour une somme déterminée et exigibles périodiquement; donc la femme est dans le droit commun; elle peut invoquer le bénéfice de l'article 87, pourvu que l'inscription qu'elle a prise soit suffisante pour couvrir le montant de ses reprises, intérêts compris (1).

76. La loi belge tranche une difficulté qui s'était pré

(1) Martou, t. 111, p. 192, no 1120.

sentée sous l'empire du code civil. L'article 2151 parlait du créancier inscrit pour un capital produisant intérêts. Ces termes comprenaient-ils le créancier privilégié? On admettait généralement que la limitation de trois ans ne recevait pas d'application aux priviléges; en conséquence, on colloquait les créanciers privilégiés, pour tous les intérêts qui leur étaient dus, au même rang que pour le capital. C'était un droit exorbitant. Le privilége immobilier n'est qu'une hypothèque; la seule différence qui existe entre le créancier privilégié et le créancier hypothécaire, c'est que le premier a un double rang de préférence; du reste, ils sont soumis l'un et l'autre à la loi de spécialité et de publicité; or, ces principes ne permettent pas d'exercer le droit de préférence contre les tiers pour une créance qui n'est point déterminée dans l'inscription. Il n'y a aucune raison de faire, sous ce rapport, une différence entre le privilége et l'hypothèque. La loi belge s'est écartée, en ce point, de la jurisprudence du code civil. On lit dans le rapport fait à la chambre des représentants : « La commission a cru que, tous les priviléges étant soumis à la publicité, il n'est pas possible d'établir à leur égard des règles particulières. L'intérêt des tiers s'y oppose : quelle que soit la cause de la créance, les tiers ne doivent pas être induits en erreur sur l'existence des charges réelles qui grèvent les biens du débiteur. D'un autre côté, c'est aux créanciers privilégiés à se montrer diligents et à ne pas laisser accumuler des intérêts outre mesure. Un créancier, quel qu'il soit, ne mérite pas de faveur si, contre l'usage des bons pères de famille, il néglige de réclamer les arrérages qui augmentent la dette au préjudice des tiers (1).

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7. Il résulte du système que le code civil et la loi hypothécaire suivent en matière d'intérêts que l'inscription du capital ne suffit point pour sauvegarder les droits du créancier; si plus de trois ans d'intérêts lui sont dus, il doit prendre des inscriptions particulières, lesquelles, dit l'article 87, portent hypothèque à compter de leur date. L'expres

(1) Rapport de Lelièvre (Parent, p. 180 et 273). Sur le droit français, voyez Aubry et Rau, t. III, p. 422, note 15, § 285.

sion porter hypothèque est singulière, elle n'est pas juridique. C'est le contrat d'hypothèque qui engendre le droit hypothécaire; l'inscription ne le crée pas, elle le conserve. Il faut donc dire que le créancier n'aura rang, en vertu des inscriptions supplémentaires qu'il prendra, qu'à partir de la date de ces inscriptions. On demande quand le créancier pourra prendre ces inscriptions nouvelles? Nous avons d'avance répondu à la question en rappelant le principe qui gouverne la matière (no 68). On ne peut prendre inscription que pour une dette existante; donc le créancier ne pourra requérir une inscription supplémentaire pour les intérêts qu'au fur et à mesure de leur échéance (1).

78. Il reste une difficulté. On demande si l'article 87 (code civil, art. 2151) est applicable dans les cas où l'inscription ne peut plus être prise après le délai que la loi établit. Quand le débiteur vient à mourir, l'inscription ne peut plus être prise après les trois mois de l'ouverture de la succession; et quand il tombe en faillite, le créancier ne peut plus prendre inscription après le jugement déclaratif. On suppose que le créancier a pris inscription pour le capital avant ces délais : pourra-t-il requérir des inscriptions supplémentaires après l'expiration des délais légaux? L'affirmative n'est pas douteuse; ce que la loi a voulu prévenir en cas de mort du débiteur, c'est que la liquidation de la succession fût entravée par un créancier négligent; or, si le créancier a pris inscription pour le capital, il n'a pas été négligent, il a conservé son droit; la loi veut seulement qu'il complète son inscription pour les intérêts à échoir, afin d'avertir les tiers. Après le décès du débiteur, il ne peut plus être question de nouvelles conventions; ce qu'il importe aux héritiers de savoir, c'est si la créance est hypothécaire; ils le savent par l'inscription du capital; il est vrai que cette inscription ne leur fait pas connaître le montant des intérêts à échoir qui ont couru depuis l'inscription du capital; mais, sachant qu'un créancier a une hypothèque, ils n'ont qu'à le sommer de prendre inscription pour les intérêts.

(1) Martou, t. III, p. 199, nos 1127 et 1128. Pont, t. II, p 412, no 1022. ・・

Il en est de même en cas de faillite. La situation respective des créanciers est fixée par le jugement qui déclare la faillite du débiteur. Après cette époque, l'un des créanciers ne peut plus inscrire son hypothèque, puisque ce serait altérer une situation devenue immuable. Ce motif ne reçoit pas d'application aux inscriptions qu'un créancier prend pour les intérêts.. Le créancier ne change pas sa situation, il était hypothécaire, il avait conservé son droit en prenant inscription; il conserve donc sa position acquise, seulement il la détermine et la fixe en faisant connaître les intérêts auxquels il a droit. L'article 451 de la loi sur les faillites prouve que tel est l'esprit de la loi; les intérêts des créances privilégiées et hypothécaires continuent à courir malgré la déclaration de faillite; la loi se borne à limiter l'exercice de ce droit quant aux immeubles qui sont grevés du privilége ou de l'hypothèque. Pour que le créancier puisse exercer ce droit, il faut qu'il prenne inscription des intérêts non conservés par l'inscription du capital; la loi lui permet donc implicitement de prendre inscription pour ces intérêts dans le cours de la faillite. La doctrine (1) et la jurisprudence (2) sont en ce sens.

79. Nous avons dit que la cession de biens ne peut être assimilée à la faillite, pas plus que la déconfiture. Il en résulte que le créancier peut toujours prendre inscription pour le capital sur le débiteur; à plus forte raison le peutil pour les intérêts. La cour de Limoges est allée plus loin; elle a décidé que le créancier avait droit aux intérêts sans nouvelle inscription, à partir de la cession, par la raison que la cession avait pour effet d'immobiliser les fruits des immeubles, comme ils sont immobilisés par la saisie réelle dénoncée au débiteur. Cela nous paraît très-douteux; comment peut-on assimiler la cession à une saisie, alors qu'elle a pour but de prévenir l'expropriation forcée? La cession n'est qu'un mandat de vendre; dès lors les parties restent sous l'empire du droit commun en ce qui concerne les

(1) Martou, t. III, p. 200, nos 1129 et 1130. Pont, t. II, p. 414, no 1024. Aubry et Rau, t. III, p. 425, note 17, § 285.

(2) Rejet, 20 février 1850 (Dalloz, 1850, 1, 102). Comparez Rejet, 24 février 1852 (Dalloz, 1852, 1, 46).

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