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inscriptions à prendre pour assurer l'effet de l'hypothèque; partant, l'article 87 (code civil, art. 2151) reste appli-: cable.

Autre est la question de savoir si les créanciers, en consentant la cession, peuvent stipuler qu'ils auront droit aux intérêts sans être tenus de prendre une inscription supplémentaire. L'affirmative n'est pas douteuse; les créanciers peuvent régler leurs droits entre eux comme ils l'entendent, sans être liés par la disposition de l'article 87. Bien entendu que leurs conventions n'auront d'effet qu'à l'égard de ceux qui ont consenti la cession; ceux qui n'ont pas consenti devront prendre une inscription supplémentaire pour conserver leurs droits (1).

80. Qui peut se prévaloir de la disposition de l'article 87 (code civil, art. 2151)? Tous ceux dans l'intérêt desquels la loi exige l'inscription, puisque la loi veut une inscription particulière pour les intérêts à échoir. Or, dans l'opinion générale, la publicité des hypothèques est prescrite dans l'intérêt des créanciers chirographaires aussi bien que dans l'intérêt des créanciers hypothécaires. Cela décide la question. On a soutenu le contraire, et le débat a été porté jusque devant la chambre civile. A notre avis, le principe même est douteux (t. XXX, n° 551) et, partant, la conséquence que l'on en déduit. L'arrêt de la cour de cassation n'apporte pas de nouvelles lumières dans la discussion (2); de sorte qu'il est inutile de renouveler le débat.

VI. De l'époque de l'exigibilité.

81. L'article 83, 4° (code civil, art. 2148), exige encore que l'inscription fasse connaître le terme assigné au payement du capital et des accessoires. Quel est le motif de cette formalité? D'après notre nouvelle loi, elle a pour le tiers acquéreur une utilité qu'elle n'avait point sous l'empire du code civil; en effet, l'acquéreur qui veut purger

(1) Limoges, 13 mars 1869 et Rejet, chambre civile, 30 mars 1870 (Dalloz, 1870, 1, 217).

(2) Rejet, chambre civile, 15 avril 1846 (Dalloz, 1852, 1, 119). C'est aussi l'opinion des auteurs (Aubry et Rau, t. III, p 420, note 11, § 285).

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jouit du terme que le contrat stipulait en faveur du débiteur (art. 113); tandis que, d'après le code civil, il devait payer, jusqu'à concurrence de son prix, toutes les créances exigibles ou non exigibles (1). Quant aux créanciers qui traitent avec le débiteur, alors que ses biens sont grevés d'inscriptions, ils sont intéressés à savoir s'il jouit d'un terme pour l'acquittement de ses obligations, ou si les dettes sont déjà exigibles; dans le premier cas, ils pourront lui donner un crédit que, dans le second cas, il serait imprudent de lui accorder.

82. On voit que l'indication du terme est une des formalités les moins importantes au point de vue de l'intérêt des tiers; il en était surtout ainsi sous l'empire du code civil. Néanmoins on soutenait que l'omission de cette formalité entraînait la nullité de l'inscription (2); ce qui entraînait régulièrement la perte de la créance. La loi du 4 septembre 1807 consacra cette opinion rigoureuse. Il va sans dire que cette loi est abrogée par notre loi hypothécaire, qui n'admet la nullité de l'inscription que dans le cas où l'omission d'une formalité a causé un préjudice aux tiers (art. 85). Voici quelle sera la conséquence très-simple de l'inobservation de la loi en ce qui concerne l'époque de l'exigibilité. Si l'inscription n'indique aucun terme, la créance sera considérée comme exigible à l'égard des tiers qui auront intérêt à se prévaloir du défaut du terme. Ainsi l'acquéreur qui purge aura le droit de payer les dettes dont le terme n'aura pas été indiqué, bien que ce terme ait été stipulé en faveur du créancier; le créancier ne peut pas opposer aux tiers une clause du contrat qu'il ne leur a pas fait connaître par l'inscription. Si l'inscription indique un terme qui ne se trouve pas dans le contrat, les tiers intéressés pourront opposer au créancier la mention qui se trouve dans l'inscription; car, en l'insérant, il les a induits en erreur, c'est à lui de supporter les conséquences de son fait (3).

(1) Martou, t. III, p. 166, no 1083. Comparez Grenier, t. I, no 79, et Troplong, no 685.

(2) Voyez, sur cette loi. Pont. t. II, p. 383, no 993.

(3) Martou, t. III, p. 166, nos 1084 et 1085.

83. La mention de l'époque de l'exigibilité doit-elle se trouver dans l'inscription des hypothèques légales? Non, l'époque légale, les tiers la connaissent; tout le monde sait que le mineur n'a d'action contre son tuteur que lorsque la tutelle prend fin, et que la femme ne peut agir contre son mari que lorsque le régime sous lequel les époux sont mariés vient à cesser. Ce n'est pas là ce que la loi entend par le terme assigné au payement; elle suppose que la créance a un terme fixe, c'est cette époque que l'inscription doit faire connaître. Or, pour les hypothèques légales, cela est impossible; on ne peut prévoir ni le jour où la tutelle finira, puisqu'elle peut cesser avant la majorité, ni le jour de la dissolution du régime, lequel est tout à fait éventuel.

84. L'article 83 ne parle pas de la condition; elle doit être indiquée dans l'inscription en vertu de l'article 80, auquel nous renvoyons (t. XXX, no 526).

VII. De la nature et de la situation des immeubles.

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85. L'inscription doit contenir l'indication spéciale de la nature et de la situation de chacun des immeubles sur lesquels l'inscrivant entend conserver son privilége ou son hypothèque ». C'est l'élément le plus essentiel de l'inscription hypothécaire, car celui qui traite avec une personne en stipulant une garantie réelle a surtout intérêt à connaître les charges qui grèvent l'immeuble; et le tiers acheteur doit savoir si l'immeuble est grevé ou s'il est libre.

86. Il y a une différence de rédaction entre l'article 83, n° 5, et l'article 2148, que notre loi hypothécaire ne fait que reproduire. Le code civil se contentait de l'indication de l'espèce et de la situation des immeubles. On en concluait, à tort, que l'article 2148, n° 5, interprétait l'article 2129 relatif à la spécialité de l'hypothèque; et on en concluait, encore à tort, que la condition de spécialité était remplie lorsque le titre contenait une énumération générale des biens situés dans une commune. Les auteurs de la loi belge ont été plus rigoureux, et, afin que l'on ne pût pas se prévaloir de la mention concernant les immeubles que l'inscription doit contenir, pour mal interpréter la condition

de spécialité, ils ont reproduit dans l'article 83 les termes de l'article 78; de sorte que l'article 83 vient confirmer ce qu'avait dit ce dernier article (1).

87. Nous avons dit à quelles conditions le créancier peut stipuler qu'il aura le droit de faire vendre l'immeuble hypothéqué dans la forme des ventes volontaires (n° 77). La loi du 15 août 1854 veut que la stipulation de voie parée soit rendue publique par l'inscription (art. 90).

No 2. DES FORMALITÉS SPÉCIALES PRESCRITES PAR LES ARTICLES 84 ET 89.

I. De l'article 84.

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88. L'article 3 de la loi hypothécaire veut que les demandes en nullité ou en révocation d'actes translatifs ou déclaratifs de droits réels immobiliers soient rendues bliques par la voie de l'inscription. Il en est de même des décisions rendues sur ces demandes. L'inscription doit se faire en marge de la transcription.

L'article 84 détermine les formalités de l'inscription. S'il s'agit d'une demande en nullité ou en résolution, les parties intéressées doivent présenter au conservateur, soit par elles-mêmes, soit par un tiers, deux extraits sur timbre contenant les noms, prénoms, professions et domiciles du demandeur et du défendeur, les droits dont l'annulation ou la révocation est demandée et le tribunal qui doit connaître de l'action. Le motif de ces indications se comprend par l'objet que le législateur a eu en vue en prescrivant la publicité. Nous renvoyons à ce qui a été dit sur l'article 3 dans le chapitre relatif à la transcription.

Quant à l'inscription des jugements rendus sur la demande, la loi veut que l'inscrivant présente au conservateur deux extraits sur timbre, délivrés par le greffier, contenant les noms, prénoms, professions et domiciles des parties, le dispositif de la décision et le tribunal ou la cour qui l'a rendue. Pourquoi la loi veut-elle que ces extraits soient délivrés par le greffier? Généralement elle ne dit pas

(1) Rapport de la commission spéciale (Parent, p. 47).

par qui doivent être rédigés les bordereaux ou extraits d'après lesquels le conservateur fait l'inscription. Ici le greffier était indiqué par une nécessité légale. Les greffiers ne peuvent délivrer aucune expédition des jugements avant qu'il leur ait été dûment justifié, dans la forme prescrite par l'article 84, que l'inscription a été prise. Ainsi, au moment où l'inscription des jugements doit se faire, les parties n'en peuvent pas obtenir une expédition; il fallait donc que le détenteur de la minute délivrât les extraits. Mais cela n'est requis que pour l'inscription des jugements. Quant à l'inscription de la demande, les parties ont l'original ou la copie, et peuvent, par conséquent, elles-mêmes rédiger les extraits, ou les faire rédiger par des tiers (1).

Le conservateur remet au requérant un des extraits sur lequel il certifie que l'inscription a été faite. C'est la reproduction de la disposition concernant les inscriptions hypothécaires (no 34).

89. L'article 5 de la loi hypothécaire veut que la cession d'une créance hypothécaire ou privilégiée soit rendue publique de même que la subrogation à un droit semblable. I doit être fait mention, à la marge de l'inscription, de la date et de la nature du titre du cessionnaire, avec indication des noms, prénoms, professions et domiciles des parties. La partie qui requiert cette mention doit présenter au conservateur l'expédition authentique de la cession; c'est le droit commun (n° 31). L'acte de cession lui-même doit être reçu par notaire, et c'est le notaire qui en délivre une expédition. On applique le droit commun en ce qui concerne la manière de prendre les inscriptions hypothécaires.

L'inscrivant doit encore présenter au conservateur deux extraits sur timbre contenant les mentions prescrites par l'article 5. Le conservateur remet l'un des extraits au requérant, en certifiant que la mention a été faite. Il n'est pas dit dans le texte que l'expédition de l'acte de cession doit être rendue au requérant; mais cela est de droit, puisque cette expédition est la propriété du cessionnaire, et elle ne doit être représentée au conservateur que pour lui faire

(1) Circulaire du ministre des finances, du 22 mai 1852 (Martou, t. III, p 173, no 1097).

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