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vaincra de la parfaite loyauté et en même temps de l'esprit de conciliation qui nous les a dictées.

Nous sommes, je le répète, prêts à nous associer à toute entente qui aurait pour objet des garanties générales destinées à consolider le repos de l'Orient.

Cette entente nous paraît désirable et facile, si les Cours signataires s'inspiraient des mêmes sentiments qui nous animent.

Nous nous plaisons à en trouver un gage dans l'assurance que M. le comte de Beust exprime en terminant, « qu'il conserve la conviction que les Transactions de 1856 ont placé la Russie sur la mer Noire dans une situation peu digne d'une grande Puissance, en amoindrissant le rôle qu'elle est appelée à jouer dans les eaux qui baignent son territoire. >>

M. le Chancelier Austro-Hongrois a l'esprit trop pratique pour ne pas comprendre que la tranquillité de l'Orient ne peut pas reposer sur une pareille base, et il a trop le sentiment de la dignité de son pays pour ne pas apprécier les déterminations que nous suggère la conscience que nous avons de la nôtre.

Signé: GORTSCHAKOFF.

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LE COMTE DE BEUST AU COMTE APPONYI, A LONDRES.

Vienne, le 23 novembre 1870.

Je profite du courrier anglais pour vous donner quelques indications confidentielles sur le langage que vous devez tenir à Lord Gran. ville dans la question soulevée par la circulaire russe du 19-31 octo bre dernier.

Ce que Votre Excellence doit prendre pour point de départ et règle générale, c'est que nous ne ferons rien pour envenimer l'affaire, que nous nous abstiendrons de toute excitation, mais que nous ne nous attacherons que davantage à montrer de la fermeté et à repousser les tentatives d'intimidation. Nous sommes loin de désirer la guerre, nous l'éviterons avec plaisir et nous ne pousserons donc ni la Turquie, ni l'Angleterre à recourir à des mesures extrêmes. Votre Excellence peut l'affirmer en toute occasion et représenter comme apocryphes les nouvelles que débitent certains journaux sur l'activité que je déploie dans ce sens. Mais je désire que le cabinet anglais sache tout aussi positivement que, s'il veut montrer de l'énergie, il peut entiè⚫rement compter sur nous et que notre concours lui est en tout cas assuré.

J'attends l'effet de nos réponses à Saint-Pétersbourg, et je suis en

tièrement d'avis que, pour le moment, il n'y a rien d'autre à faire. Tant que le Gouvernement russe se borne à des paroles ou à des déclarations, nous n'avons pas besoin de lui opposer d'autres armes. Ce n'est que si la Russie procédait à appuyer son langage par des actes, qu'il y aurait lieu d'aviser aux mesures' à prendre. Des voies de fait de sa part pourraient en provoquer d'autres; dans ce cas, je le répète, une attitude énergique nous paraîtrait fort justifiée et nous serions prêts à suivre l'Angleterre jusqu'où elle voudrait aller.

Maintenant il ne s'agit guère de part et d'autre que de produire un effet moral, et il peut nous suffire de contrebalancer l'effet de la démarche de la Russie en refusant d'admettre comme fondées les prétentions qu'elle élève. Si l'accord des autres Puissances se manifeste sur ce point d'une manière éclatante, nous pouvons nous contenter de ce résultat.

Veuillez vous pénétrer des idées que je viens d'exposer, afin de les faire valoir dans les entretiens que vous aurez avec Lord Granville,

et recevez,

etc.

Signé : BEUST.

No 44.

LE COMTE DE BEUST AUX AGENTS DIPLOMATIQUES
DE L'AUTRICHE A BUCHAREST ET A BELGRADE.

(Extrait.)

Vienne, le 23 novembre 1870.

L'événement russe, comme je le démontre dans ma dépêche no 2, adressée à Saint-Pétersbourg, n'est que trop propre à répandre une agitation funeste dans les pays appartenant directement ou indirectement à l'empire ottoman et d'y faire naître l'idée insensée que l'état de choses établi par les Traités a cessé maintenant d'exister. Il nous est certes impossible de croire que le Gouvernement des Principautés qui a donné jusqu'ici des preuves nombreuses de circonspection et de force, pourrait se laisser entraîner par l'opinion égarée à des mesures propres à attirer des maux incalculables sur son pays. En tous cas, il pourrait être très-urgent que Votre Excellence fortifiât les détenteurs du pouvoir de ce pays dans la seule véritable compréhension de l'état des choses et ne leur laissât aucun doute sur ceci que nous sommes fermement décidés - quelque position que nous jugions à propos de prendre, après entente préalable, dans les questions spéciales soulevées par la Russie à ne laisser porter aucune atteinte aux principes établis par les Conventions européennes de 1856 et 1858,. ainsi que par les décisions des Conférences ultérieures relatives à l'existence politique des Principautés du bas Dannbe, et de mettre

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en jeu pour assurer leur maintien, le cas échéant, toutes les forces de la monarchie.

C'est par cette résolution, nous en avons la plus intime conviction, que les intérêts les plus nationaux et les plus vitaux de ces pays pourraient être le mieux sauvegardés et conduits dans la voie du progrès. Les hommes politiques clairvoyants de Bucharest-Belgrade ont depuis longtemps reconnu la valeur de ces principes, qui ne pourraient être remplacés par aucune autre forme, et qui en åssurant à leur pays la possibilité d'un développement intérieur sans entrave, le garantiraient par une sécurité complète contre tout danger extérieur.

Les hommes auxquels sont confiées les destinées des Principautés Reuvent se représenter les progrès importants que la protection du droit existant leur a déjà rendus possibles, et ils peuvent être persuadés que le Gouvernement austro-hongrois, comme il l'a fait jusqu'ici, ne négligera non plus à l'avenir aucune occasion pour appuyer de son autorité leurs aspirations légitimes. Si, dans la situation créée par la démarche de la Russie qui fait essentiellement dépendre la conservation de la paix en Orient de l'attitude des Gouvernements du bas Danube, ils se fient aux sentiments de sincère bienveillance qui nous animent pour leur pays, ils le serviront indubitablement mieux qu'en voulant sacrifier son développement paisible et protégé par le droit des gens, à la fantasmagorie d'une grandeur nationale illusoire. En recommandant à Votre... de conformer votre langage aux observations précédemment énoncées, je ne doute pas que, dans le cours de la crise qui s'est produite si inopinément, vous tâcherez avec un redoublement de zèle de faire part au Cabinet Impérial et Royal de toutes les informations dont vos attributions vous mettront à même de constater la véracité.

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LE COMTE DE BEUST AU COMTE APPONYI, A LONDRES..
Vienne, le 23 novembre 1870.

Télégramme.

Au moment de mon départ pour Bude, le général de Schweinitz me communique très-confidentiellement une suggestion de son Gouvernement qui proposerait la réunion à Saint-Pétersbourg d'une Conférence au sujet de l'incident soulevé par la Russie,

J'ai accueilli cette communication avec grande réserve. L'endroit désigné me semble impossible.

No 43.

Télégramme.

LE COMTE APPONYI AU COMTE DE BEUST.

Londres, le 24 novembre 1870.

Le Foreign Office a reçu hier la même communication prussienne ́et y a répondu exactement dans le même sens que Votre Excellence'. Lord Granville désire savoir si le Cabinet I. et R. a des objections à une Conférence tenue dans une autre ville et dans des conditions acceptables.

No 44.

(Extrait)

LE COMTE DE GRANVILLE A LORD A. LOFTUS,
A BERLIN.

Foreign-office, le 24 novembre 1870.

Le comte de Bernstorff m'a fait l'honneur de venir me voir hier. Pendant sa visite est arrivé le télégramme de M. Odo Russell, annonçant que le comte de Bismark proposait une conférence à Saint-Pétersbourg, et que son Excellence était favorable à une révision du Traité de 1856 dans le sens demandé par la Russie.

Je lus le télégramme au comte de Bernstorff et je lui exprimai le désappointement que me causait son contenu, mais sans entrer dans aucuns détails.

M. de Bernstorff me fit une observation amicale en vue de la modération etexprimant le désir qu'aucune autre complication ne viendrait encore s'ajouter à celles qui désolaient déjà l'Europe,

Ce matin le comte de Bernstorff' m'a fait une nouvelle visite. Il m'a nformé qu'il avait reçu un message semblable du comte de Bismark qui lui recommandait d'user de toute son influence dans le sens de la conciliation et conseillait d'éviter la publication dans les journaux de dépêches de polémique.

Je lui dis que j'étais très-content de le voir, que je m'attendais à voir dans l'après midi M. Gladstone et quelques-uns de mes collègues, et qu'il y aurait demain conseil de Cabinet. Il avait probablement remarqué que j'avais reçu le télégramme de M. Russell avec désappointement. La Prusse avait déclaré que la circulaire du prince Gortschakoff avait été une complète surprise pour elle. Cette circulaire nous paraissait renfermer un principe subversif de tous les engagements internationaux; pour sa défense l'ambassadeur de Russie invoquait les exemples donnés par l'Allemagne.

Malgré que la Prusse se trouva alors dans une position différente de quelques-unes des parties signataires du Traité de Paris, elle l'avait

néanmoins signé, et la prétention de la Russie d'en dénoncer les provisions sans concerter avec les autres co-signataires, paraissait nécessairement aussi blessante pour la Prusse qui en faisait partie.

Néamoins aucun blâme n'était exprimé par le comte de Bismarck; il se bornait à dire que si nous voulions le demander au Gouvernement prussien, celui-ci demanderait à la Russie de consentir à ce qu'une Conférence soit tenue à Saint-Pétersbourg, à l'endroit même d'où est emanée la circulaire qui a occasionné une impression si pénible, en vue probablement de donner, avec l'appui de la Prusse, à la Russie tout ce qu'elle désirait.

J'étais heureux d'avoir l'occasion de demander à M. de Bernstorff de me dire quels arguments contraires je pouvais exposer à mes collègues.

M. de Bernstorff me dit qu'il n'était pas juste de supposer que la Prusse appuyait la circulaire. Elle avait causé une grande surprise au gouvernement du Roi et avait mis les conseillers de S. M. dans un grand embarras. Mais de même que le gouvernement prussien nous recommandait la modération, il avait agi dans le même sens à SaintPétersbourg; la proposition d'une Conférence à Saint-Pétersbourg venait du prince Gortschakoff, le comte de Bismarck n'avait pas choisi cette ville et le sincère désir du gouvernement prussien était de hâter la conclusion satisfaisante de la question.

Je remerciai son Excellence du caractère amical et de la franchise de ses communications.

'Je le priai de considérer que les questions que j'avais posées n'étaient qu'hypothétiques, que je ne pouvais prévoir quel serait l'avis de mes collègues sur la possibilité d'une Conférence dans l'état actuel des choses, qu'en supposant que mes collègues fussent favorables à une Conférence, Saint-Pétersbourg me paraissait hors de question; qu'il serait nécessaire de consulter les autres Puissances participantes au Traité et que la Conférence ne pourrait consentir à accepter aucune conclusion prévue d'avance quant à ses résultats.

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M. VISCONTI VENOSTA AU MARQUIS DE BELLA CARACCIOLO,
A ST-PETERSBOURG.

Florence, le 24 novembre 1870.

M. le marquis, le Baron d'Uxküll est venu, il y a quelques jours, me donner lecture et copie d'une dépêche de son Excellence le Prince Gortschakoff du 19/31 octobre 1870. Dans cette circulaire, qui a été aussi communiquée aux autres Puissances signataires du Traité du

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