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réaliser pleinement le vœu exprimé par MM. les Plénipotentiaires des Puissances alliées.

M. le comte Walewski rappelle que le Traité de paix devra faire mention de l'amnistie pleine et entière que chaque Puissance belligérante accordera à ses propres sujets pour toute coopération aux faits de guerre.

MM. les Plénipotentiaires de Russie adhèrent à cet avis, qui est également accueilli par les autres membres du Congrès.

(Suivent les signatures.)

PROTOCOLE No VIII

Séance du 12 mars 1856.

Présents: les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Russie, de la Sardaigne, de la Turquie. Le protocole de la séance précédente est lu et approuvé.

M. le baron de Bourqueney rend compte du travail de la commission qui, dans la dernière réunion, a été chargée de préparer le texte des articles du traité concernant l'organisation future des Principautés.

Avant de donner lecture des articles proposés par la commission, M. le baron de Bourqueney établit que le but du travail de cette commission a été de concilier les opinions émises dans la dernière séance.

La marche proposée par la commission, ajoute M. le baron de Bourqueney, repose sur trois principes:

« Conclure la paix sans en subordonner l'instrument final à un acte diplomatique resté en suspens;

<< Prendre les mesures les plus propres à s'assurer du vœu des populations sur des questions de principes non encore résolues;

« Respecter les droits de la puissance suzeraine, et ne pas laisser de côté ceux des puissances garantes, en établissant la double nécessité d'un acte diplomatique pour consacrer les principes adoptés comme bases de l'organisation des Principautés, et d'un hatti-schérif pour en promulguer l'application. »

Partant de ces trois idées, la commission propose l'envoi immédiat à Bucharest de délégués qui s'y réuniront à un commissaire ottoman.

Des divans ad hoc seraient convoqués sans retard au chef-lieu des

deux Provinces. Ils seraient composés de manière à offrir les garanties d'une véritable et sérieuse représentation.

La commission européenne, prenant en considération les vœux exprimés par les divans, reviserait les statuts et réglements en vigueur. Son travail serait transmis au siége áctuel des conférences. Une convention diplomatique basée sur ce travail serait conclue entre les Puissances contractantes, et un hatti-schérif constituant l'organisation définitive serait promulgué par le Sultan.

Le Congrès adopte la marche proposée, et renvoie à une autre séance l'adoption définitive du texte des articles dont M. le baron de Bourqueney a donné lecture.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie et de la Turquie communiquent au Congrès le projet de la convention qui doit être conclue entre eux, après avoir été agréée par les autres Plénipotentiaires, relativement aux bâtiments de guerre légers que les Puissances riveraines entretiendront dans la mer Noire.

Ils annoncent qu'ils ne sont pas d'accord sur un point: MM. les Plénipotentiaires de la Russie pensent que la convention doit autoriser l'une et l'autre Puissance à entretenir, outre les bâtiments de guerre qui seront employés à la police de la mer Noire et un nombre déterminé de transports, des navires d'un moindre tonnage, destinés à surveiller l'exécution des réglements administratifs et sanitaires dans les ports. MM. les Plénipotentiaires de Turquie ne sont pas autorisés à accueillir une stipulation conçue dans ce sens.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie donnent au Congrès des explications, tendant à démontrer la nécessité de pourvoir à la police intérieure des ports, et d'insérer dans la convention une clause relative aux stationnaires qui y seront employés, afin de ne pas exposer les Puissances riveraines de la mer Noire aux interprétations que pourrait autoriser le silence gardé à cet égard.

MM. les Plénipotentiaires de la Grande-Bretagne et de la France répondent que ces bâtiments ne pouvant comporter ni les dimensions ni l'armement de bâtiments de guerre, il n'y a pas lieu d'en faire mention dans la convention, et que si la Russie n'entend avoir dans ses ports que des bâteaux dits pataches pour le service de la douane et de la santé, ne devant pas, par conséquent, être employés à la mer, il n'y a pas lieu de craindre que la présence de ces pataches dans les ports de commerce puisse devenir l'occasion d'interprétations regrettables.

MM. les Plénipotentiaires de la Russie retirent leur demande relative à l'insertion dans la convention de la clause concernant les petits

navires destinés au service intérieur des ports, en réservant, toute fois, l'approbation de leur Cour.

M. le comte de Clarendon fait remarquer que les bâtiments transports ne devront pas être armés.

M. le comte Orloff répond que, comme tous les transports employés par les autres Puissances dans d'autres mers, ceux de la Russie dans la mer Noire seront exclusivement munis de l'armement de sûreté que comporte la nature du service auquel ils seront affectés.

M. le comte de Clarendon ne croyant pas devoir admettre ces explications, la question est ajournée.

Le Congrès reprend la discussion du projet de rédaction du second point, qui a fait l'objet de ses délibérations dans la séance du 6 mars. M. le comte de Buol expose que les principes établis par le Congrès de Vienne, et destinés à régler la navigatior: des fleuves qui traversent plusieurs Etats, posent, comme règle principale, que les Puissances riveraines seront exclusivement appelées à se concerter sur les réglements de police fluviale et à en surveiller l'exécution; que la commission européenne, dont il est fait mention dans la rédaction insérée au protocole no V, comprendra, outre les délégués des Puissances riveraines du Danube, des délégués des Puissances non riveraines; que la commission permanente, qui lui sera substituée, sera chargée d'exécuter les résolutions prises par elle; que, dès lors, et pour rester dans l'esprit comme dans les termes de l'acte du Congrès de Vienne, l'une et l'autre commission devront borner leurs travaux au bas Danube et à ses embouchures.

M. le comte Walewski rappelle les bases de la négociation acceptées par toutes les Puissances contractantes, et portant que la liberté du Danube et de ses embouchures sera efficacement assurée; qu'il a été entendu, par conséquent, qu'il sera pourvu à la libre navigation de ce fleuve.

M. le comte de Clarendon ajoute que, s'il en était autrement, l'Autriche, restant seule en possession du haut Danube et participant à la navigation de la partie inférieure du fleuve, acquerrait des avantages particuliers et exclusifs que le Congrès ne saurait consacrer.

MM. les Plénipotentiaires de l'Autriche répondent que tous les efforts de leur Gouvernement, comme ses tendances en matière commerciale, ont pour objet d'établir et de propager sur tous les points de l'Empire les principes d'une entière liberté, et que la libre navigation du Danube est naturellement comprise dans les limites des améliorations qu'il se propose; mais qu'il se trouve à cet égard en présence d'engagements antérieurs, de droits acquis dont il est obligé de tenir compte; que ses intentions répondent donc au vou déposé dans les

préliminaires de paix; que, néanmoins, ils ne peuvent reconnaître aux commissions qu'il s'agit d'instituer une autorité qui ne saurait leur appartenir sur le haut Danube.

M. le premier Plénipotentiaire de la France dit qu'il y a lieu, en effet, de distinguer entre deux résolutions également admises en principe, mais ayant, l'une et l'autre, un objet parfaitement distinct; que, d'une part, le Congrès doit pourvoir à la libre navigation du Danube, dans tout son parcours, sur les bases établies par le Congrès de Vienne; et, de l'autre, aviser aux moyens de faire disparaître les obstacles qui entravent le mouvement commercial dans la partie antérieure du fleuve et à ses embouchures; que c'est uniquement cette dernière tâche qui sera dévolue aux commissaires qu'on se propose d'instituer; mais qu'il n'est pas moins essentiel de s'entendre sur le développement du principe général, afin de compléter l'œuvre que les Puissances contractantes ont eue en vue en stipulant, comme il est dit dans les préliminaires, que la navigation du Danube et de ses embouchures sera efficacement assurée, en réservant les positions particulières des rive. rains, qui seront réglées sur les principes établis par l'acte du Congrès de Vienne, en matière de navigation fluviale.

Après les explications qui précèdent, il est décidé que MM. les Plénipotentiaires de l'Autriche présenteront, à une des prochaines séances, les amendements qu'ils croiront devoir proposer à la rédaction insérée au protocole n° V.

(Suivent les signatures.)

PROTOCOLE No IX

Séance du 14 mars 1856.

Présents les Plénipotentiaires de l'Autriche, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Russie, de la Sardaigne, de la Turquie. Le protocole de la séance précédente est lu et approuvé.

M. le comte Orloff annonce que le traité de délimitation entre la Russie et l'Empire Ottoman en Europe, fixé par le Congrès dans sa séance du 10 mars, a obtenu l'approbation de sa Cour.

Le Congrès reprend l'examen de la rédaction des articles concernant les Principautés, et destinés à figurer au Traité de paix préparé par la commission dont M. le haron de Bourqueney, en qualité de rapporteur, a donné communication au Congrès dans la précédente séance.

Chaque paragraphe de cette rédaction fait l'objet d'une discussion à laquelle participent tous les Plénipotentiaires, et, après avoir été

amendée sur deux points, elle est adoptée par le Congrès dans les termes suivants :

« Aucune protection exclusive ne sera dorénavant exercée sur les Principautés Danubiennes. Il n'y aura ni garantie exclusive, ni droit particulier d'ingérence dans leurs affaires intérieures. Elles continue. ront à jouir, sous la suzeraineté de la Sublime Porte et sous la garantie européenne, des priviléges et immunités dont elles sont en possession.

<«< Dans la révision qui aura lieu des lois et statuts aujourd'hui en vigueur, la Sublime Porte conservera auxdites Principautés une administration indépendante et nationale, ainsi que la pleine liberté de culte, de législation, de commerce et de navigation.

<< Pour établir entre elles un complet accord sur cette révision, une commission spéciale, sur la composition de laquelle s'entendront les Hautes Parties contractantes, se réunira sans délai, à Bucharest, avec un commissaire de la Sublime Porte.

« Cette commission aura pour tâche de s'enquérir de l'état actuel des Principautés et de proposer les bases de leur future organisation. « S. M. le Sultan convoquera immédiatement, dans chacune des deux provinces, un divan ad hoc, composé de manière à constituer la représentation la plus exacte des intérêts de toutes les classes de la société. Ces divans seront appelés à exprimer les vœux des populations, relativement à l'organisation définitive des Principautés.

« Une instruction du Congrès réglera les rapports de la commission avec ces divans.

« Prenant en considération l'opinion émise par les deux divans, la commission transmettra sans retard au siége actuel des Conférences son propre travail.

« L'entente finale avec la Puissance suzeraine sera consacrée par une convention conclue à Paris entre les Hautes Parties contractantes, et un hatti-schérif, conforme aux stipulations de la convention, constituera définitivement l'organisation de ces provinces, placées désormais sous la garantie collective de toutes les Puissances signataires.

« Il y aura une force armée nationale organisée dans le but de maintenir la sûreté de l'intérieur et d'assurer celle des frontières. Aucune entrave ne saurait être apportée aux mesures extraordinaires de défense que les Principautés, d'accord avec la Sublime Porte, seraient appelées à prendre pour repousser toute agression étrangère. « Si le repos intérieur des Principautés se trouvait menacé ou compromis, les Puissances garantes s'entendront avec la Sublime Porte sur les mesures à prendre pour maintenir ou rétablir l'ordre

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