Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small][merged small]

Sa Majesté le Roi a daigné nommer Votre Excellence ambassadeur extraordinaire pour complimenter Sa Majesté prussienne à l'occasion de son avènement au trône de ses pères.

(1) Le général de La Marmora, ancien ministre des affaires étrangères d'Italie, vient de faire paraître, à Florence, un intéressant ouvrage sous ce titre : Un po' più di Luce sugli eventi politici e militari dell' anno 1866. Il n'entre pas dans le cadre des Archives de suivre l'honorable général dans ses appréciations personnelles; nous nous bornons à reproduire les documents contenus dans son livre et qui jettent un jour plus complet sur les événements de 1866.

Une traduction française de cet ouvrage a paru chez M. Dumaine, éditeur à Paris. Le général de La Marmora annonce un deuxième volume, que nous ne manquerons pas d'analyser au profit de nos lecteurs.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small]

En confiant cette mission à un personnage aussi éminent par les services qu'il a rendus au pays et par les fonctions les plus élevées de l'Etat qu'il a remplies, Sa Majesté veut témoigner à la cour de Berlin le prix qu'elle attache aux relations d'amitié qui existent heureusement entre les deux couronnes, ainsi que son désir de les voir toujours s'affermir et se resserrer davantage. Quoique la susdite mission soit purement de courtoisie envers la personne du nouveau souverain de la Prusse, néanmoins des occasions se présenteront probablement à Votre Excellence de faire mieux connaître les intentions du gouvernement du Roi et la conduite politique qu'il se propose de suivre dans les circonstances actuelles. A cette fin, je pense opportun de vous donner quelques indications qui seront très-brèves, parce que la parfaite connaissance que Votre Excellence a des idées du gouvernement rend superflu pour vous des explications qui seraient nécessaires pour d'autres.

Votre Excellence sait bien que le nouveau roi de Prusse, pendant la régence qu'il a exercée, s'est montré fort susceptible touchant les principes de la soi-disant légitimité, et que par conséquent il a suivi avec un certain sentiment de défiance le mouvement national qui a rangé toute l'Italie sous le sceptre unique de notre auguste souverain. Ce sentiment, qui s'est révélé dans plusieurs circonstances, se trouve exprimé avec une vivacité singulière dans la dépêche du baron de Schleinitz du 13 octobre dernier, à laquelle j'ai répondu par une autre du 29 octobre. Je joins ici copie de ces deux documents, par lesquels Votre Excellence pourra apprécier sur quels points les deux gouvernements se rapprochent et sur quels points ils s'écartent.

Mais, abordant des choses plus essentielles, c'est-à-dire celles qui, en ce moment, préoccupent gravement l'attention de la cour de Berlin, Votre Excellence est autorisée à déclarer, lorsque s'en présentera l'occasion favorable, que le gouvernement du Roi n'a aucune intention de faire la guerre à l'Autriche, et qu'il saura, au besoin, empêcher ces mouvements irréguliers de volontaires qui pourraient jusqu'à un certain point compromettre sa liberté d'action. Vous ajouterez que nous ne croyons pas la question italienne résolue tant que la Vénétie ne sera pas restituée à l'Italie; mais que nous ne désespérons pas qu'une si grave question puisse avoir, à quelque époque que ce soit, un dénouement pacifique et naturel. Parmi les diverses raisons qui nous en donnent la persuasion, il y a celle qui ressort de la nouvelle politique inaugurée par l'empereur François-Joseph. Il n'est pas possible, croyons-nous, que la grande réforme commencée en Autriche au nom du principe de la nationalité puisse maintenir longtemps la nationalité vénitienne foulée aux pieds et opprimée, et empêcher qu'elle ne se réunisse au corps de la nation, dont la force seule la tient aujourd'hui séparée.

Quant à la Hongrie, Votre Excellence ne cachera pas que nous portons la plus vive sympathie à cette nation vaillante et généreuse, et que nous désirons pour elle cette position meilleure qu'elle réclame au nom de ses droits séculaires, et qui seule peut lui donner la tranquillité et la prospérité; mais que, loin de la pousser à la recouvrer au moyen de la révolution et par les armes, nous faisons des vœux pour qu'elle atteigne ce but par des moyens légaux que lui offrent les franchises qui lui ont été restituées.

Votre Excellence déclarera également, en termes très-affirmatifs, que le royaume d'Italie respectera toujours et scrupuleusement les droits de la Confédération-Germanique; et si, à ce propos, on vous entame encore le chapitre des considérants à l'égard de Trieste qui sont en tête du décret connu de M. Valerio relatif au Lloyd autrichien, Votre Excellence répétera ce que j'ai déjà exposé au comte de Launay dans la dépêche dont vous trouverez copie ci-jointe. Vous ferez encore observer que ces considérants avaient passé tout à fait inaperçus en Italie, et que le gouvernement du Roi y a porté son attention seulement depuis que le comte de Rechberg, dans des intentions faciles à deviner, les a signalés avec grand apparat aux cabinets allemands. Cela démontre quelle importance on doit attacher à ces phrases de rhétorique, que le gouvernement a du reste désapprouvées.

Le ministre des affaires étrangères de Sa Majesté prussienne a aussi entretenu le comte de Launay des armes expédiées de Gènes et séquestrées dans les ports des Principautés-Moldo-Valaques. On sait aujourd'hui que ces armes ont été dirigées sur ce pays par les Hongrois, et, pour parler exactement, par le général Turr, à qui le général Garibaldi en avait fait don pendant sa dictature dans les DeuxSiciles. Dans la dépêche ci-jointe adressée à notre ministre en Prusse, Votre Excellence lira à ce propos ces explications que le gouvernement a pu fournir sur un fait auquel il est resté totalement étranger.

Quant aux questions générales qui touchent à la direction de notre politique et aux conditions actuelles de la Péninsule, Votre Excellence fera comprendre en premier lieu que l'Italie unie a un intérêt réel et permanent à nouer des relations intimes avec la Prusse, à qui est réservé un rôle si important dans la constitution future de l'Allemagne. Cet intérêt paraît évident quand on considère que les deux gouvernements basent leur force et leur autorité sur le principe national et la loyale observation des institutions libérales, et que l'une et l'autre rencontrent les mêmes difficultés dans la sauvegarde de l'indépendance commune, de quelque côté que doivent surgir les dangers et les complications. La situation des provinces de l'Italie méridionale a éveillé quelques doutes au sujet de l'affermiss.nent pacifique du nouvel ordre

de choses. Votre Excellence dira que là aussi les esprits commencent à se calmer, et que les agitations, conséquence inévitable des changements politiques, ont presque cessé. La prise de Gaëte, en enlevant à la réaction ses derniers appuis et ses derniers motifs, rendra entière la tranquillité dans les contrées, théâtre de ses vaines tentatives.

Je termine les présentes instructions par deux avis. Votre Excellence devra naturellement, pendant son séjour à Berlin, s'entretenir avec les diplomates russes. Dans vos conversations, vous leur ferez connaître avec quelle satisfaction le gouvernement du Roi verrait le rétablissement des relations entre les deux cours; mais elle s'abstiendra, d'ailleurs, de toute démarche quelconque qui puisse laisser soupçonner de notre part un empressement incompatible avec cette digne réserve que Sa Majesté entend garder envers une puissance qui, sans aucune raison plausible, a rappelé si solennellement sa légation de Turin. Le tact et la prudence qui distinguent Votre Excellence vous inspireront les ménagements et la mesure que commande cette démonstration délicate. En second lieu, Votre Excellence se trouvera fréquemment en contact avec les militaires prussiens. Les conversations pourront tomber sur la Vénétie, que beaucoup de gens à Berlin considèrent comme une position de frontière militaire nécessaire à la sûreté de la ConfédérationGermanique. Je ne vous développerai pas les arguments qui démontrent combien ces affirmations s'éloignent de la vérité. Votre Excellence parlera avec cette autorité qui lui appartient à elle seule, et vos observations, je l'espère, laisseront une profonde impression dans les esprits, qui, non dans l'intérêt de l'Autriche, mais dans celui de l'Allemagne, soutiennent la dangereuse théorie des frontières au seul point de vue de l'utilité propre, et échangent, dans le cas actuel, une position offensive contre les moyens naturels de défense indiqués pour l'Italie et l'Allemagne par les lieux mêmes.

Votre Excellence voudra bien me transmettre par le télégraphe les avis qu'elle jugera qu'il y a urgence à connaître, et par des courriers particuliers les informations qui ne pourront convenablement être confiées à la poste.

Je prie Votre Excellence d'agréer de nouveau, en cette circonstance, les sentiments de ma haute considération.

Signé: C. CAVOUR.

No 2

LE BARON DE SCHLEINITZ AU COMTE BRASSIER DE SAINT-SIMON,

A TURIN

Coblentz, le 13 octobre 1860.

M. le Comte, le gouvernement de S. M. le Roi de Sardaigne, en nous faisant communiquer, par l'intermédiaire de son ministre à Berlin, le Mémorandum du 12 septembre, semble lui-même avoir voulu nous engager à lui faire part de l'impression que ses derniers actes, et les principes d'après lesquels il a cherché à les justifier ont produit sur le cabinet de S. A. R. Mgr le Prince Régent.

Si ce n'est qu'aujourd'hui que nous répondons à cette démarche, Votre Excellence aura su apprécier d'avance les motifs de ce retard; car. d'un côté, elle sait combien nous désirons maintenir de bons rapports avec le cabinet de Turin, et, de l'autre, les règles fondamentales de notre politique sont trop présentes à son esprit pour qu'elle n'ait pas dû pressentir la profonde divergence de principes que toute explication devait nécessairement constater entre nous et le gouvernement du Roi Victor-Emmanuel. Mais en présence de la marche de plus en plus rapide des événements, nous ne saurions prolonger un silence qui pourrait donner lieu à des malentendus regrettables et jeter un faux jour sur nos véritables sentiments.

C'est donc afin de prévenir des appréciations erronées que, d'ordre de S. A. R. Mgr le Prince Régent, je vous exposerai sans réserve la manière dont nous envisageons les derniers actes du gouvernement Sarde, et les principes développés dans son Mémorandum précité.

Tous les arguments de cette pièce aboutissent au principe du droit absolu des nationalités. Certes, nous sommes loin de vouloir contester la haute valeur de l'idée nationale. Elle est le mobile essentiel et hautement avoué de notre propre politique qui, en Allemagne, aura toujours pour but le développement et la réunion dans une organisation plus efficace et plus puissante des forces nationales. Mais, tout en attribuant au principe des nationalités une importance majeure, le gouvernement Prussien ne saurait y puiser la justification d'une politique qui renoncerait au respect dû au principe du droit. Au contraire, loin de regarder comme incompatibles ces deux principes, il pense que c'est uniquement dans la voie légale des réformes, et en respectant les droits existants, qu'il est permis à un gouvernement régulier de réaliser les vœux légitimes des nations.

« PreviousContinue »