Page images
PDF
EPUB

CONQUETES,

DÉSASTRES, REVERS ET GUERRES CIVILES

DES FRANÇAIS

Depuis 1792.

LIVRE QUATRIÈME.

QUATRIÈME COALITION.

CHAPITRE II.

ANNÉE 1807.

Commencement des hostilités avec la Russie; 'opérations d'un corps d'armée français en Dalmatie; combat de Castel-Nuovo. Entrée de l'armée russe en Pologne; l'armée française se porte à sa rencontre; les Russes évacuent Varsovie et repassent la Vistule; combats de Czarnowo, de Nasielsk, de Soldau, de Kolosomb, de Pultusk, de Golymin; les deux armées française et russe entrent en quartiers d'hiver; opérations du corps d'armée du prince Jérôme en Silésie; capitulation de Glogau; siége et prise de Breslau, etc. - Suite des opérations militaires en Silésie et dans le nord de l'Allemagne; invasion de la Poméranie suédoise par le maréchal Mortier; les hostilités recommencent en Pologne; combat de Mohrungen; combats de Passenheim, de Bergfried, de Deppen, de Hofe; bataille de Preussisch-Eylau, etc.

Commencement des hostilités avec la Russie, etc., etc. Depuis que la cour de Russie avait refusé de ratifier le traité conclu à Paris par son agent M. d'Oubril avec le général

1806.

1806.

Clarke, plénipotentiaire du gouvernement français', on avait dû s'attendre à une rupture complète entre cette puissance et la France. Aussi Napoléon, en armant contre la Prusse, avaitil pris toutes les mesures qui pouvaient le mettre à même de repousser cette autre agression, en même temps que celle de la Prusse, avec laquelle elle paraissait devoir être combinée. L'expérience avait appris à l'empereur des Français que les Russes, conduits par des chefs plus habiles que ceux de la dernière campagne, étaient peut-être les seuls soldats de l'Europe qui pussent prolonger la lutte engagée avec la nouvelle coalition. Prévoyant donc, dès le commencement de cette nouvelle guerre, qu'après avoir d'abord eu affaire aux troupes prussiennes, il lui faudrait, comme en Autriche, combattre une seconde armée russe, Napoléon avait donné à l'armée destinée à opérer on Allemagne une force numérique assez considérable pour faire face à celles qui pourraient être déployées par les souverains alliés. On a vu que la levée de la conscription de 1806 et la mise en activité d'une partie des gardes nationales des frontières de l'empire lui avaient donné la facilité de disposer de toutes les troupes qui se trouvaient dans l'intérieur, ou qu'il aurait fallu laisser pour la garde des places fortes. Par ce moyen, toutes ces vieilles bandes qui avaient vaincu l'Europe, si l'on excepte toutefois les corps qui faisaient partie de l'armée de Naples, et deux divisions employées dans la Dalmatic, étaient réunies autour de l'empereur, ou sur le point de l'être, lorsque la campagne de Prusse avait commencé; mais comme l'occupation de ce pays, après la défaite successive de tous les corps de l'armée prussienne, aurait entrainé la distraction d'une partie de ces mêmes forces, puisqu'il fallait nécessairement rentrer aussitôt en campagne contre une nouvelle armée plus difficile à vaincre que la première, Napoléon se hâta de recruter et de compléter ses cadres avec la conscription de 1806: celle-ci allait être remplacée dans les dépôts et sur la frontière du Rhin par la levée de 1807, qu'un sénatus-consulte, provoqué par le message impérial dont nous avons parlé à la fin du chapitre pré

Voyez tome VIII, page 493.

cédent', mettait, par anticipation, à la disposition du ministre de la guerre. Ainsi l'empereur des Français, au moment de l'ouverture de la nouvelle campagne contre les Russes, avait encore une force égale à celle qui lui avait servi à détruire, en moins de six semaines, l'armée prussienne.

En entrant dans la quatrième coalition formée par l'Angleterre, la Suède et la Prusse contre la France, l'empereur Alexandre avait promis que l'armée russe serait en mesure d'agir de concert avec les troupes du roi Frédéric-Guillaume, ou qu'elle arriverait au moins assez à temps pour appuyer leurs premiers efforts; mais dans une contrée aussi vaste que la Russie, où les communications entre les différentes provinces sont longues et difficiles, le rassemblement des troupes ne pouvait pas être aussi prompt qu'on l'avait espéré. Loin d'être prête à entrer en campagne au commencement d'octobre, suivant le plan arrêté, l'armée russe était à peine réunie à la fin de ce même mois, et les premières colonnes ne furent mises en mouvement que vers le milieu de novembre. Ce retard, qui déconcertait singulièrement le plan de la coalition, puisque à cette époque l'armée prussienne n'existait déjà plus, avait une autre cause que celle de la difficulté de porter en temps opportun une armée sur les frontières de la Prusse. La cour de Russie, devenue, comme les autres puissances alliées, l'instrument des vengeances de l'Angleterre, avait souri au projet d'agrandir ses domaines aux dépens du sultan de Constantinople, qui avait eu la témérité de repousser les insinuations des agents anglais et moscovites, d'accueillir avec une honorable distinction l'ambassadeur français Horace Sébastiani, de reconnaître enfin l'empereur Napoléon. Sûr de l'appui de l'Angleterre dans cette entreprise, à laquelle il se proposait de donner toute l'extension possible, l'empereur Alexandre s'était d'abord occupé spécialement de former une armée destinée à envahir le territoire ottoman, et n'avait donné qu'une attention médiocre au rassemblement des troupes qui devaient opérer conjointement avec celles de la coalition en Allemagne. On verra plus tard que le cabinet de Saint

Ce sénatus-consulte fut rendu, le 4 décembre 1806, sur le rapport du sénateur Lacepède.

1806.

4806.

Dalmatie.

Pétersbourg échoua également dans ses projets contre la Porte Ottomane et dans ses mesures tardives contre le redoutable vainqueur des Prussiens.

D'après les articles 4 et 23 du traité de Presburg, deux commissaires français, les généraux Lauriston et Mathieu Dumas, avaient été envoyés dans les anciens États vénitiens pour prendre possession de la ville de Venise, des provinces d'Istrie, de Dalmatie et des bouches du Cattaro. Mais les Russes, qui occupaient en force Corfou et les autres îles Ioniennes, aidés par les Monténégrins, s'établirent dans le golfe et dans la ville de Cattaro, où la garnison autrichienne les reçut comme alliés, avant l'arrivée des commissaires. Il était évident que l'intention de la Russie n'était point de s'en tenir à cette première infraction des traités, qu'on pouvait justement regarder comme une hostilité manifeste. Aussi vit-on le cabinet de Saint-Pétersbourg, après avoir retiré les troupes russes du Hanovre et de Naples en exécution de la convention d'Austerlitz, chercher à s'emparer des îles ex-vénitiennes sur les côtes de la Dalmatie, et prendre possession, le 10 avril, de celle de Curzola, d'où les troupes russes furent chassées ensuite, le 9 mai, par un détachement français.

A la fin de janvier 1806, le général de division Molitor reçut de Napoléon l'ordre d'aller prendre possession de la Dalmatie avec trois régiments.

Ce général se trouvait alors à Udine, et sa division, qui venait de faire la campagne de 1805 en Italie, était répartie dans le Frioul. Elle se composait des 5o, 23o et 79° régiments de ligne, que le général Molitor réunit aussitôt pour les diriger sur Trieste, où ils arrivèrent du 3 au 4 février. L'empereur français avait sans doute pensé que l'occupation de la Dalmatie s'effectuerait aussi facilement que celle des autres provinces ex-vénitiennes, puisque les troupes mises en marche pour faire un trajet de cent quatre-vingt-dix lieues à travers les montagnes et dans un pays qui leur était inconnu n'avaient avec elles ni état-major, ni commissaire des guerres, employés, payeur, ni argent, ni d'autres munitions de guerre, enfin, que celles qui étaient contenues dans les gibernes des soldats. D'un autre côté, leur passage n'était rien moins

« PreviousContinue »