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du maréchal Soult à Altkirch, après avoir été retenu quelque temps à Wolfsdorf par une forte colonne ennemie qui avait Pologne. paru inopinément sur son flanc gauche. C'était la colonne du général Kamenski, qui, venue de Weichselmünde après la prise de Dantzig, s'était réunie aux divisions employées à l'attaque de la tête de pont de Spanden. Parti de Mehlsack dans la nuit du 8 au 9 à la tête de vingt et un bataillons et trentedeux escadrons d'infanterie russe et de cavalerie prussienne (environ 10,000 hommes), Kamenski marchait sur Guttstadt pour se rallier au gros de l'armée de Bennigsen, et arriva par Wormditt au delà du bois de Dietrichsdorf, où son avant-garde rencontra la brigade de dragons du général Digeon et la repoussa; mais, attaqué à son tour par la division Saint-Hilaire et la cavalerie du général Latour-Maubourg, Kamenski fut repoussé et ramené jusqu'à Wormditt, où Bennigsen lui envoya l'ordre de marcher à Heilsberg, que sa colonne atteignit le 10 à midi par Mighenen, Raunau et Reimerswald, après avoir perdu 5 à 600 hommes tués ou blessés et 200 prisonniers.

Le prince Bagration, qui n'avait abandonné que le 8 au soir la rive droite de la Passarge, avait pris position la nuit suivante à Glottau avec une forte arrière-garde pour donner le temps au gros de l'armée de passer à la rive droite de l'Alle. L'empereur Napoléon suivait lui-même la direction de Guttstadt, avec sa garde, la cavalerie de réserve et le corps du maréchal Ney; l'arrière-garde ennemie, composée de 15,000 hommes d'infanterie soutenue par une partie de la cavalerie de l'armée au nombre de 9 à 10,000 chevaux, voulut s'opposer à la marche des troupes en tête desquelles se trouvait l'empereur. Le grand-duc de Berg reçut sur-le-champ l'ordre de manœuvrer le corps ennemi et de le débusquer de ses positions; il s'acquitta de cette mission avec beaucoup d'habileté et d'audace : les brigades de cavalerie légère des généraux Pajol, Bruyères et Durosnel, et la division de carabiniers et de cuirassiers du général Nansouty, chargèrent successivement l'infanterie et la cavalerie ennemies, et triomphèrent de tous les efforts que firent ces deux armes pour se maintenir. A huit heures du soir, le prince Murat entra de vive force dans Guttstadt, et y fit un grand nombre de prisonniers. Les régiments de cavalerie de la

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garde russe avaient été très-maltraités dans cette journée. Le Pologne. prince Bagration se retira sur Reichenberg et Liebenberg, où il prit position.

L'armée russe, pressée aussi vivement, s'était retirée en toute hâte par la rive droite de l'Alle sur Heilsberg, où elle arriva dans la nuit, et dont le général en chef Bennigsen avait depuis quelque temps fait fortifier la position, en ordonnant des retranchements qui pussent le mettre à même de soutenir un engagement général dans le cas de non-réussite de ses attaques sur la ligne française, ce qui avait eu lieu effectivement.

L'armée française continuant son mouvement en avant, les corps des maréchaux Soult et Lannes, avec une brigade d'infanterie de la garde et la réserve de cavalerie du grandduc de Berg, se portèrent le 10 juin sur Heilsberg par la rive gauche de l'Alle; le corps du maréchal Ney et la garde impériale restèrent en réserve; celui du maréchal Mortier, arrivé à Guttstadt ainsi que celui du maréchal Davoust qui marcha à Altkirch, eurent l'ordre d'enlever à l'armée russe sa communication avec Konigsberg, tandis que le 1er corps resté sur la basse Passarge séparerait par Mehlsack le corps prussien du général Lestocą de l'armée de Bennigsen et le pousserait sur Koenigsberg. La cavalerie de réserve formait l'avant-garde et était soutenue par le corps du maréchal Soult.

Bataille de Heilsberg.—Bennigsen occupait la position qu'il avait fait retrancher au sud-ouest de Heilsberg, et n'avait laissé qu'une division sur la rive gauche de l'Alle, lorsque le 10 juin, avant midi, il reçut du détachement resté à Launau l'avis qu'une grande masse de troupes de toutes armes se portait sur ce village. Cette division d'avant-garde, aux ordres des généraux Barasdin et Lwoff, fut renforcée de onze bataillons et quinze escadrons. Le grand-duc de Berg l'ayant fait attaquer, elle se replia jusqu'à la tête du défilé de Bewernick. Le prince Bagration, venant de Reichenberg avec son corps d'arrièregarde, se hâta de passer l'Alle au pont d'Amt-Heilsberg pour soutenir le détachement menacé d'être refoulé au delà du défilé. Ce général se forma en face de Bewernick, à droite et à gauche de la route de Heilsberg à Leibstadt, et établit une batte

rie dont le feu arrêtait dans le défilé la tête des colonnes du maréchal Soult, qui fit avancer trente-six pièces de canon pour protéger le passage de ses divisions. Le défilé fut enfin forcé, et les divisions Legrand, Carra-Saint-Cyr et Saint-Hilaire se portèrent à la rencontre de l'ennemi, la première sur la gauche, par Landen, pour appuyer la cavalerie de réserve; les deux dernières sur la droite, par Bewernick, marchant directement sur la position de Bagration.

Pendant ce temps deux divisions de la cavalerie de réserve, se portant à gauche, traversèrent le village de Langwiese; elles n'avaient pas achevé de se déployer, qu'elles furent chargées par une masse de cavalerie russe commandée par le général Ouwaroff. Au premier choc la cavalerie française fut rejetée au delà du village; mais s'étant reformée elle revint à la charge et culbuta à son tour la cavalerie russe, lui enleva deux pièces de canon et la poursuivit vivement jusqu'au Spuibach, ruisseau qui se jette dans l'Alle au-dessus du pont d'Amt-Heilsberg. Menacé sur son flanc droit et sur ses derrières, le prince Bagration commença un mouvement rétrograde qui fut pour la division Carra-Saint-Cyr le signal d'une attaque à outrance. Les deux premières lignes russes furent enfoncées et mises en désordre; une forte colonne d'infanterie fut presque entièrement détruite par les 4o, 24o et 28o régiments, et le corps entier de Bagration allait éprouver le même sort si, dans cet instant critique, Bennigsen n'eût pas envoyé à son secours une forte colonne de cavalerie. La moitié de cette cavalerie fut arrêtée par le feu d'une batterie placée en arrière de Landen; le général Koschin, qui était resté sur la grande route avec l'autre moitié, se porta au-devant de la cavalerie française et la contint assez longtemps pour faciliter aux troupes en retraite le dangereux passage du défilé du Spuibach, où il fut tué. La division Carra-Saint-Cyr, qui, depuis une heure, soutenait tout l'effort de ce terrible choc, avait perdu beaucoup d'hommes. Elle fut relevée par celle du général Saint-Hilaire qui marchait en seconde ligne.

L'armée russe avait achevé alors d'opérer son passage sur la rive gauche de l'Alle, et, réunie au corps de Kamenski, elle avait pris une nouvelle position : l'infanterie, en arrière des

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redoutes nos 1 et 2, à droite de la route de Heilsberg à Liebstadt et Pologne. à hauteur du pont d'Amt-Heilsberg; la cavalerie, en arrière de la redoute no 3, appuyant sa droite au village de Grossendorf, sur la route de Preussisch-Eylau. Une division resta dans les retranchements de la rive droite, et la garde fut placée en réserve en arrière d'Amt. Le jour était sur son déclin, et le corps de réserve du maréchal Lannes n'était pas encore arrivé. Entre cinq et six heures, la division Saint-Hilaire, ayant en seconde ligne celle du général Carra-Saint-Cyr qui avait déjà tant souffert, se porta en colonne serrée jusqu'à demi-portée de fusil de la redoute no 1; mais, accueillie sur son front par un feu dévorant d'artillerie et de mousqueterie, et sur son flanc droit par celui des tirailleurs russes qui bordaient la rive droite de l'Alle, elle fut forcée de se retirer avec perte derrière le Spuibach. Dès lors le combat sur la droite des Français se changea en une canonnade qui dura fort avant dans la nuit.

A l'aile gauche, le général Legrand, qui s'était emparé avec peine du bois de Landen, dirigea sa droite sur la redoute no 2, qui était au centre et en avant de la ligne russe. Le 26o régiment d'infanterie légère s'en empara après avoir repoussé cinq escadrons prussiens qui s'étaient portés à sa rencontre. Bennigsen, dont la ligne de bataille se trouvait rompue à son centre par la perte de cet ouvrage, le fit reprendre par la brigade du général Warneck, qui en chassa le 26° régiment. Dans la mêlée qui eut lieu le général russe fut tué. Le 55° de ligne, envoyé pour protéger la retraite du 26o léger, fut enfoncé, perdit son colonel et son aigle. Bennigsen profitant de cet avantage, fit attaquer en flanc la division Saint-Hilaire dont la gauche était parvenue à la hauteur de la redoute no 2. Cette division eut besoin de tous ses efforts pour repousser cette attaque pendant laquelle le 10 d'infanterie légère, les 43, 46° et 57° de ligne se signalèrent par leur ferme contenance, tandis que la division du général Legrand formée en carrés par régiments et en échiquier, ainsi que les fusiliers de la garde conduits par le général Savary, repoussaient, entre le bois de Landen et les redoutes, les charges successives de la cavalerie russe et de la cavalerie prussienne du général Zieten. Il faisait presque nuit lorsque le corps de réserve du maréchal Lannes arriva sur le champ de

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