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vacité le 14 et le 15. La brèche allait être praticable, lorsque Espagne. le comte de Caldaguès arriva devant la place. Assaillies par des forces supérieures dans la matinée du 16, les batteries des assiégeants furent enlevées et détruites, et il ne resta aux Français, découragés par cet échec, que le parti d'une prompte retraite qui commença le lendemain. Le général Reille retourna à Figuières et Duhesme à Barcelone, après avoir échoué une seconde fois dans son attaque contre Gironne.

Toute la province était sous les armes; au nord, du côté de Figuières, de nombreuses bandes interceptaient les communications, et faisaient main basse sur les convois destinés pour la forteresse de San-Fernando (ou fort de Figuières). Les escortes étaient impitoyablement massacrées; les cadavres mutilés des Français couvraient les chemins. Le général Reille, qui commandait dans cette partie, n'avait pu parvenir à battre et à dissiper ces rassemblements de Miquelets et de Somatènes, dont les sanglantes incursions portaient la terreur jusque sur les frontières de France.

Sur ces entrefaites, la junte centrale, pour soutenir le dévouement des Catalans, prit la résolution de leur envoyer des munitions de toute espèce, des officiers de ligne pour organiser les milices, et en dernier lieu un renfort de troupes régulières d'infanterie, de cavalerie et d'artillerie, détachées de l'armée d'Andalousie et commandées par ce même général Reding qui avait coopéré d'une manière si efficace aux manœuvres et aux combats qui avaient précédé la capitulation de Baylen. Les places de Rosas, de Gironne, Hostalrich, Tarragone, Lérida, Cardone, Tortose, le fort de Balaguer, etc., furent mis en état complet de défense. Les Anglais détruisirent, près de Mataro, la grande route de France à Barcelone, de telle sorte qu'elle était non-seulement impraticable, mais qu'elle exigeait encore, pour sa reconstruction, des travaux immenses et des frais considérables.

Affaibli par les combats qu'il avait eu à soutenir contre des forces quadruples des siennes, dans une province entièrement soulevée et désormais défendue par une armée régulière, le général Duhesme était bloqué dans Barcelone, d'où il n'osait presque plus faire de sortie, et où ses troupes commençaient à éprouver des privations de plus d'un genre.

Telle était la situation des affaires en Espagne, vers la fin du mois d'août. On a pu remarquer qu'à l'exception de la bataille de Medina-de-Rioseco, et de quelques autres avantages sans résultats bien déterminés, la fortune avait presque partout favorisé les efforts des insurgés et entretenu leur espoir de secouer le joug des Français. L'issue de la campagne de Portugal promit encore aux Espagnols une continuité de succès, en leur présentant l'appui immédiat des armes anglaises, victorieuses à Vimeiro; et il ne faut point se dissimuler que cet appui ne fût d'une importance majeure dans les circonstances où se trouvaient les défenseurs de la cause de Ferdinand et de la patrie. L'anarchie régnait au milieu de ce grand mouvement insurrectionnel, qui avait forcé les Français à se retirer sur la rive droite de l'Ebre. Les juntes formées dans les différentes provinces affectaient une autorité indépendante, sans reconnaître encore la nécessité de centraliser l'action révolutionnaire dans une assemblée ou conseil suprême, ainsi que l'avaient fait les Français en 1793. Chaque province avait son armée; mais, comme les juntes nommaient les chefs et les officiers, et retenaient pour elles la direction de leurs levées respectives, il n'y avait point d'ensemble dans le système général de guerre. Cependant l'intérêt du pays réclamait l'établissement d'une autorité unique et stable. La population de Madrid aurait dû la créer elle-même, pour que cette autorité servit de lien et de centre commun aux volontés des autres Juntes; mais le conseil de Castille, jaloux de ses anciennes prérogatives, voulait étendre sur tout le royaume son influence et son pouvoir, prétendant être le dépositaire de la puissance suprême en l'absence du monarque. Toutefois les juntes provinciales, qui ne considéraient ce conseil que comme une autorité nulle et illégale, reçurent avec dédain les ordres qu'il leur adressa, l'accusant d'avoir été partisan dévoué des Français et d'avoir reconnu et publié les actes du gouvernement de Joseph. Depuis le mois de juin, l'attention des diverses juntes du royaume s'était portée sur la formation d'un gouvernement central et sur l'adoption d'un plan général pour chasser plus promptement les Français du sol de la patrie. Il s'agissait de la nomination d'une junte centrale, formée de deux membres

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pris dans chaque junte de province. Toutes les juntes du royaume approuvèrent ce projet, à l'exception de celle de Séville, qui, fière de sa hautaine suprématie, répugnait à descendre du faîte où elle s'était placée; mais, contrainte par l'opinion publique, elle finit par adhérer à ce qu'elle ne pouvait plus empêcher. Enfin, le 25 septembre, le nouveau gouvernement fut solennellement installé dans le palais d'Aranjuez, sous la dénomination de junte suprême et gouvernementale du royaume. Elle élut pour président le vieux comte de Floridablanca, ancien ministre de Charles III.

Le premier des généraux espagnols qui entra dans Madrid, après la sortie de Joseph, fut don Pédro Gonzalez de Llamas, avec les troupes de Valence et de Murcie, dans le commandement desquelles il avait remplacé Cervellon. Il y arriva le 13 août, à dix heures du matin, à la tête de 8,000 hommes. Le 23, il fut suivi par Castaños avec la réserve de l'armée d'Andalousie. A l'enthousiasme produit par l'arrivée de ces troupes victorieuses dans la capitale succéda la proclamation solennelle de Ferdinand VII; mais la nouvelle des événements survenus alors en Biscaye et en Navarre mit bientôt un terme aux réjouissances dans lesquelles se complaisaient les habitants de Madrid, qui croyaient sérieusement en avoir fini avec les envahisseurs du sol de la patrie.

Bilbao s'était soulevé aux premiers bruits de la victoire de Baylen, et cette insurrection, inquiétante pour les troupes françaises établies sur les rives de l'Ebre, provoqua le départ du général Merlin, qui, avec sa division, se porta sur la ville insurgée, et, le 16 août, dispersa les bandes indisciplinées qui vinrent au-devant de lui jusqu'à une demi-lieue de la ville, dans laquelle il pénétra. Des mutineries et des révoltes qui éclatèrent à Tolosa et dans d'autres communes du Guipuzcoa furent également réprimées, ainsi que des courses faites par des partisans de la Navarre qui cherchaient à soulever cette province et portaient l'épouvante jusque dans la ville française de Saint-Jean-Pied-de-Port.

CHAPITRE IV.

ANNÉES 1808 ET 1809.

Suite des opérations militaires en Espagne. Napoléon franchit les Pyrénées avec de nouvelles troupes; défaites successives des Espagnols à Burgos, Espinosa et Tudela; les Français rentrent dans Madrid; opérations en Catalogne; siége de Rosas, etc. L'armée anglaise, entrée en campagne, se retire devant l'armée impériale; retour de l'empereur en France; le maréchal Soult poursuit l'armée britannique jusqu'à la mer; combat de la Corogne et embarquement des troupes anglaises; combats d'Almaraz, d'Uclès, etc. Second siége de Saragosse.

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L'insurrec

Suite des opérations militaires en Espagne. tion générale des provinces espagnoles, la catastrophe de Baylen, et la nécessité, pour l'armée française, de prendre une position défensive sur la rive droite de l'Ebre, après avoir eu l'espoir d'une occupation facile ou peu disputée, venaient de dessiller les yeux de Napoléon et de faire évanouir en grande partie les illusions qu'il s'était formées sur le caractère de la nation à laquelle il voulait imposer le joug de sa puissance. Il reconnut trop tard qu'il avait entrepris une guerre imprudente, et que c'était surtout une grande faute de l'avoir commencée avec des forces trop peu nombreuses ou trop disséminées pour assurer les succès qui seuls pouvaient la justifier. On rapporte qu'après avoir reçu la nouvelle de la capitulation des troupes du général Dupont il dit, dans un de ces moments d'expansion involontaire où ses paroles dévoilaient toute sa pensée : « Godoï et Murat m'ont trompé : la nation espagnole montre une énergie à laquelle j'étais loin de m'attendre. J'eusse mieux fait de déclarer franchement la guerre à son roi; j'aurais eu à combattre des troupes réglées, peu nombreuses, faciles à vaincre et difficiles à recruter, tandis que, si la lutte continue comme elle a commencé, avec des prédications, des croix et des bannières, les prêtres et les moines feront marcher contre mes armées jusqu'au dernier Espagnol. »>

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Il eût été digne sans doute du vainqueur modéré des AutriEspagne. chiens et des Russes de revenir alors sur une détermination trop légèrement prise, de prêter l'oreille aux conseils de la prudence, et de réparer une erreur aussi grave en cédant aux vœux du peuple espagnol, en lui rendant des princes et une dynastie réclamés d'une manière si spontanée et si instante; mais Napoléon s'était trop avancé pour revenir brusquement sur ses pas. Il crut éteindre par des flots de sang l'incendie qu'il avait allumé, et démontrer à l'Europe que la cause des peuples pouvait être vaincue par lui, comme l'avait été celle des rois. Il se persuada que, pour soumettre la nation levée tout entière contre ses soldats, il lui suffisait d'augmenter le nombre de ceux-ci dans la Péninsule. 80,000 hommes de vieilles troupes, instruments de sa gloire et de sa fortune en Italie et en Allemagne, furent dirigés sur les Pyrénées; les contingents de la confédération du Rhin furent mis également en mouvement, et un sénatus-consulte ordonna la levée de 160,000 conscrits.

Décidé à marcher lui-même à la tête de cette nouvelle armée pour faire la conquête de l'Espagne, Napoléon voulut auparavant sonder la politique des cours d'Allemagne, et s'assurer qu'elles n'apporteraient point d'obstacle à son entreprise. Les efforts heureusement tentés par l'Angleterre pour arracher le Portugal à la domination française, et les secours d'armes et de munitions déjà fournis par cette puissance aux insurgés espagnols, faisaient assez connaître que la guerre de la Péninsule serait fortement soutenue par le cabinet britannique, et qu'aucun sacrifice ne coûterait à celui-ci pour empêcher l'Espagne de devenir une annexe du grand empire.

Napoléon fit demander une entrevue à l'empereur Alexandre, et il fut convenu qu'elle aurait lieu le 27 septembre dans la ville d'Erfurt; tous les princes de la confédération vinrent assister à cette espèce de congrès.

Au milieu des fêtes multipliées qu'occasionna une réunion aussi imposante, les deux puissants monarques s'entretinrent avec franchise de leurs mutuels intérêts. On dit qu'Alexandre promit positivement de ne point s'opposer à l'établissement de Joseph en Espagne, et prit l'engagement de se ranger du côté de la France, dans le cas où l'Autriche et la Prusse seraient

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