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« J'ai conservé les ordres religieux en restreignant le nombre des moines. Il n'est pas un homme sensé qui ne jugeât qu'ils étaient trop nombreux. Ceux qui sont appelés par une vocation qui vient de Dieu resteront dans leurs couvents; quant à ceux dont la vocation était peu solide et déterminée par des considérations mondaines, j'ai assuré leur existence dans l'ordre des ecclésiastiques séculiers. Du surplus des biens des couvents j'ai pourvu aux besoins des curés, de cette classe la plus intéressante et la plus utile parmi le clergé.

« J'ai aboli ce tribunal contre lequel le siècle et l'Europe réclamaient. Les prêtres doivent guider les consciences, mais ne doivent exercer aucune juridiction extérieure et corporelle sur les citoyens.

« J'ai satisfait à ce que je devais à moi et à ma nation; la part de la vengeance est faite : elle est tombée sur dix des principaux coupables; le pardon est entier et absolu pour tous les autres.

« J'ai supprimé des droits usurpés par les seigneurs, dans le temps des guerres civiles, où les rois ont trop souvent été obligés d'abandonner leurs droits pour acheter leur tranquillité et le repos des peuples.

« J'ai supprimé les droits féodaux, et chacun pourra établir des hôtelleries, des fours, des madragues, des pêcheries, et donner un libre essor à son industrie, en observant seulement les lois et les règlements de la police. L'égoïsme, la richesse et la prospérité d'un petit nombre d'hommes nuisaient plus à votre agriculture que les chaleurs de la canicule.

« Comme il n'y a qu'un Dieu, il ne doit y avoir, dans un Etat, qu'une justice. Toutes les justices particulières avaient été usurpées et étaient contraires aux droits de la nation; je les ai détruites.

« J'ai aussi fait connaître à chacun ce qu'il pouvait avoir à craindre, ce qu'il avait à espérer.

« Les armées anglaises, je les chasserai de la Péninsule. « Saragosse, Valence, Séville seront soumises, ou par la persuasion, ou par la force des armes.

<< Il n'est aucun obstacle capable de retarder longtemps l'exécution de mes volontés.

1808.

Espagne.

1808. Espagne.

« Mais ce qui est au-dessus de mon pouvoir, c'est de constituer les Espagnols en corps de nation, sous les ordres du roi, s'ils continuaient à être imbus des principes de scission et de haine envers la France que les partisans des Anglais et les ennemis du continent ont répandus au sein de l'Espagne. Je ne puis établir une nation, un roi et l'indépendance des Espagnols, si ce roi n'est pas sûr de leur affection et de leur fidélité.

« Les Bourbons ne peuvent plus régner en Europe. Les divisions dans la famille royale avaient été fomentées par les Anglais. Ce n'était pas le roi Charles et le favori que le duc de l'Infantado, instrument de l'Angleterre, comme le prouvent les papiers récemment trouvés dans sa maison, voulait renverser du trône ; c'était la prépondérance de l'Angleterre qu'on voulait établir en Espagne : projet insensé, dont le résultat aurait été une guerre de terre sans fin, et qui aurait fait couler des flots de sang. Aucune puissance ne peut exister sur le continent, influencée par l'Angleterre. S'il en est qui le désirent, leur désir est insensé, et produira tôt ou tard leur ruine.

« Il me serait facile, et je serais obligé de gouverner l'Espagne, en y établissant autant de vice-rois qu'il y a de provinces; cependant, je ne me refuse point à céder mes droits de conquête au roi, et à l'établir dans Madrid, lorsque les 30,000 citoyens que renferme cette capitale, ecclésiastiques, nobles, négociants, hommes de loi, auront manifesté leurs sentimentset leur fidélité, donné l'exemple aux provinces, éclairé le peuple, et fait connaître à la nation que son existence et son bonheur dépendent d'un roi et d'une constitution libérale, favorable aux peuples et contraire seulement à l'égoïsme et aux passions orgueilleuses des grands.

« Si tels sont les sentiments des habitants de la ville de Madrid, que ses 30,000 citoyens se rassemblent dans les églises; qu'ils prêtent devant le saint sacrement un serment qui sorte non-seulement de la bouche, mais du cœur, et qui soit sans restriction jésuitique; qu'ils jurent appui, amour et fidélité au roi; que les prêtres au confessionnal et dans la chaire, les négociants dans leurs correspondances, les hommes de loi dans leurs écrits et leurs discours, inculquent ces sentiments au peuple. Alors je me dessaisirai du droit de conquête, je

placerai le roi sur le trône, et je me ferai une douce tâche de me conduire envers les Espagnols en ami fidèle. La génération présente pourra varier dans ses opinions: trop de passions ont été mises en jeu; mais vos neveux me béniront comme votre régénérateur; ils placeront au nombre des jours mémorables, ceux où j'ai paru parmi vous, et de ces jours datera la prospérité de l'Espagne. »

1808.

Espagne.

Opérations militaires en Catalogne; siége et prise de Rosas Nov. et déc. par le corps d'armée aux ordres du général Saint-Cyr; défaite de l'armée espagnole à Cardadeu et au pont de Moulinsdel-Rey, sur le Llobregat, etc. On a vu dans le chapitre précédent que le général Duhesme, après avoir échoué dans sa seconde tentative sur Gironne, avait été obligé de s'enfermer dans Barcelone. Le général Vivés, qui avait succédé au marquis del Palacio, tenait Duhesme étroitement bloqué. Le général espagnol, en prenant, le 28 octobre, le commandement du corps de blocus, lui avait donné une nouvelle organisation, et la junte centrale appliqua à ce corps la dénomination d'armée de Catalogne ou de la droite. Elle se composait de 19,500 hommes d'infanterie, 800 chevaux et dix-sept pièces d'artillerie. Le quartier général était établi à Martorell.

Dès le mois de septembre, l'empereur avait changé l'organisation de l'armée de Joseph, qui fut incorporée à celle qui venait la renforcer. Cette armée fut divisée en huit corps le 1er, commandé par le maréchal Victor; le 2o, par le maréchal Bessières, qui fut remplacé plus tard par le maréchal Soult; le 3o, par le maréchal Moncey; le 4o, par le maréchal Lefebvre; le 5o, par le maréchal Mortier; le 6o, par le maréchal Ney; le 7o, par le général Gouvion Saint-Cyr, et le so, par le général Junot, duc d'Abrantès. Ces huit corps d'armée présentaient un effectif de 200,000 hommes d'infanterie et 50,000 de cavalerie. Le 7 corps était destiné à entrer en Catalogne; il avait été réuni sur les frontières des Pyrénées orientales, dans le courant de septembre. L'empereur avait compté sur l'expérience et l'habileté du général Gouvion Saint-Cyr pour lui confier une entreprise aussi délicate que difficile. Trois divisions formaient ce corps d'armée : la première, aux ordres du général Souham, était composée de huit bataillons d'infanteric et du 24o régiment

1808. Espagne.

de dragons; la seconde, composée de régiments italiens, était commandée par le général Pino; le général Chabot était à la tête de la troisième, formée de régiments napolitains. Ces troupes avaient été tirées de l'armée que le prince Eugène commandait en Italie.

La difficulté des communications entre Perpignan et Figuières, le manque d'approvisionnements, la rareté des vivres et la difficulté d'en trouver en pays ennemi, dans des plaines fertiles, mais entièrement ravagées, retinrent quelque temps les troupes du général Saint-Cyr dans les cantonnements qu'elles occupaient autour de Perpignan. Des émissaires espagnols voulurent profiter de ce retard pour essayer de débaucher les soldats soit par des promesses pécuniaires, soit en leur faisant une peinture effrayante des obstacles, des privations, des dangers et du sort inévitable qui les attendaient en Catalogne ; et, comme les habitants de la frontière française renchérissaient eux-mêmes sur ces détails, les chefs et les officiers eurent besoin des plus grands efforts pour en effacer la funeste impression produite sur l'esprit des jeunes conscrits.

Les troupes de la grande armée étaient déjà sur la rive droite de l'Ebre lorsque le septième corps (celui de Saint-Cyr), destiné à agir de concert avec elle, traversa les Pyrénées orientales et investit, le 6 novembre, la place de Rosas. La division du général Reille (du corps de Duhesme), qui était restée cantonnée dans les environs de Figuières, se réunit alors aux troupes du général Saint-Cyr, et fut chargée, conjointement avec la division italienne du général Pino, de faire le siége de Rosas. Les Italiens em portèrent, le 8 novembre, les hauteurs de SanPedro, et rejetèrent l'ennemi dans la place. Le général Fontana, à la tête de trois bataillons d'infanterie légère italienne et des voltigeurs du 7o de ligne, se porta sur Selva, chargea à la baïonnette les miquelets et quelques soldats anglais qui défendaient ce poste, les culbuta dans la mer, et s'empara de dix pièces de 24, que les Anglais avaient précédemment débarquées. La brigade du général Mazzuchelli emporta, quelques jours après, avec la même intrépidité, les faubourgs de Rosas.

L'ennemi voulut tenter une sortie, pour reprendre ces faubourgs, dans la journée du 12; mais il fut reçu vigoureuse

ment par la même brigade italienne, qui lui tua une centaine d'hommes.

Dans la journée du 18 novembre, les officiers du génie et de l'artillerie française firent la reconnaissance de la place et déterminèrent les points d'attaque, ainsi que l'emplacement des différentes batteries. La tranchée fut ouverte à huit heures du soir, sur le plateau situé vis-à-vis du bastion de droite de l'attaque. Au jour les travailleurs furent couverts. La parallèle avait de quatorze à quinze cents mètres de développement, et se trouvait à cinq cents mètres de la place. Elle enveloppait un des bastions du front d'attaque, et se terminait, à droite, par un retour le long du talus formé par le terrain, en cet endroit à peu près parallèlement à la mer, et à gauche d'un grand ruisseau'. L'artillerie avait établi en arrière de la pa-rallèle, et sur la capitale du bastion du front d'attaque, une batterie destinée à recevoir six mortiers.

Le travail de cette première nuit avait été conduit avec tant de prudence que l'ennemi n'en eut pas le moindre soupçon. Deux jours auparavant, les sapeurs italiens, aidés par un détachement d'infanterie de la division Pino, avaient mis le chemin de Cadaques en état de servir au passage de l'artillerie, en sorte que celle-ci se trouva prête à armer les batteries. On commença également les travaux de l'attaque du fort de la Trinité ou du Bouton, et ils suivirent les progrès de l'attaque principale.

Sans entrer dans tous les détails de ce second siége de Rosas et du fort de la Trinité, nous nous bornerons à dire que les troupes françaises et italiennes qui s'y trouvèrent employées égalèrent en bravoure et en constance l'armée républicaine qui avait été chargée de la même opération dans l'hiver de 1794 à 1795.

Le général Vivés, alors tout entier au soin de tenir le général Duhesme bloqué dans Barcelone, n'avait pas plus tôt appris l'entrée du 7° corps d'armée français en Espagne qu'il s'était hâté de porter une de ses divisions sur la Fluvia, pour arrêter les progrès du général Saint-Cyr. Le 24 novembre, cette avant-garde ennemie, forte de 5,000 hommes, et commandée

1 Voyez le plan ci-contre.

1808. Espagne.

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