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férentes de celles que nous lui connaissons en Europe. Comme rien ne l'inquiète dans ces lieux solitaires, elle fait son nid en rase campagne; on la tire aisément, elle n'a nulle défiance et ne fait point de crochet en partant. Avis aux amateurs qui se trouvent ordinairement déroutés par les trois crochets; ils n'ont qu'à faire le voyage, ils tueront la bécassine aussi facilement que la caille, ce qui sera pour eux une compensation suffisante.

On trouve la bécassine partout comme la bécasse (1); c'est un mets exquis et délicat; quant aux préparations culinaires, voyez ce que nous avons dit à la fin du chapitre précédent.

Les chasseurs gastronomes, et ils sont en grande majorité, nous sauront gré de leur donner la recette du salmis des Bernardins : il peut s'appliquer à toute espèce de gibier. Ces bons pères ne dédaignaient aucune science; en ce temps-là, c'est dans les cloîtres qu'on trouvait les hommes du mouvement.

« On prend quatre bécassines (on se réglera quant

(1) Il est à remarquer que les bécassines se trouvent dans beaucoup plus de pays du monde qu'aucun autre oiseau. Elles sont communes dans presque toute l'Europe, l'Asie et l'Amérique. (Voyage autour du monde, par le capitaine Cook, tome iv, page 268.)

Sur la côte de Patagonie, les bécasses et les bécassines sont trèscommunes elles sont de la même espèce que celles qu'on trouve aux îles Falkland, leur chair est d'un goût exquis. (Voyage au détroit de Magellan, par DON ANTONIO DE CORDOVA.)

Les oiseaux de l'île de Van Diemen sont les mêmes. Le wattlebird, qui est de la grosseur d'une bécassine, et dont la chair est d'un manger délicieux, est le seul qui ne se trouve pas dans la NouvelleHollande.

Choix de voyages, par MAC CARTHY, tome x, page 105.

aux doses sur le nombre et la grosseur des pièces) rôties à la broche, mais peu cuites; on les divise selon les règles de l'art, ensuite on coupe en deux les ailes, les cuisses, l'estomac et le croupion; on range à mesure ces morceaux sur une assiette.

<< Dans le plat sur lequel on a fait la dissection, et qui doit être d'argent, on écrase les foies et les déjections de l'oiseau, et l'on exprime le jus de quatre citrons bien en chair, et les zestes coupés trèsminces d'un seul. On dresse ensuite sur ce plat les membres découpés qu'on avait mis à part; on les assaisonne avec quelques pincées de sel blanc et de poudre d'épices fines (à défaut de cette poudre, on mettra du poivre fin et de la muscade), deux cuillerées de l'excellente moutarde de Maille et Acloque ou de Bordin, et un demi-verre de très-bon vin blanc. On met ensuite le plat sur un réchaud à l'esprit de vin, et l'on remue pour que chaque morceau se pénètre de l'assaisonnement, et qu'aucun ne s'attache.

« On a grand soin d'empêcher le ragoût de bouillir; mais lorsqu'il approche de ce degré de chaleur, on l'arrose de quelques filets d'excellente huile vierge. On diminue le feu, et l'on continue de remuer pendant quelques instants. Ensuite on descend le plat, et l'on sert de suite et à la ronde, sans cérémonie, ce salmis devant être mangé très-chaud.

<< Il est essentiel de se servir de sa fourchette en cette occasion, dans la crainte de se dévorer les doigts, s'ils avaient touché à la sauce. »

Almanach des gourmands, année 1806.)

CHAPITRE XVIII.

LE CANARD (1).

Ainsi dans leur saison les canes du Lapland
Partent, formant dans l'air un triangle volant.
Chaque oiseau tour à tour à la pointe se place,
Un autre le relève aussitôt qu'il se lasse,
Chacun du dernier rang se transporte au premier,
Chacun du premier rang se replace au dernier.
Ils abordent les bois, les monts et les rivages,
Retentissent du vol de ces vivants nuages,

:

Que l'instinct, le besoin, aidés d'un vent heureux,
Poussent vers des climats qui n'étaient pas pour eux-

DELILLE.

Ce bel oiseau de passage nous arrive à l'automne

et repart au printemps. Il en reste par

ci par là quel ques-uns qui font leurs nids en France; ils choisissent les mares, les étangs environnés de bois pour y

(1) Anas a natando dictus (ou dicta).

Le père Canard, jésuite, confesseur du roi, se fit nommer Annat, en latinisant son nom.

pondre leurs œufs. Le but de ces canards paresseux qui demeurent parmi nous est nécessairement de procurer aux chasseurs le plaisir de tuer des halbrans (1), et de donner aux gastronomes l'ineffable bonheur de manger de bons petits canetons sauvages, toujours d'un goût exquis.

Les troupes de canards sont quelquefois très-nombreuses; la grande difficulté, c'est de les approcher. On se sert d'un bateau, mais il faut tirer de loin, avec la canardière, long fusil qui souvent d'un seul coup en abat quinze ou vingt. Parmi ceux qui tombent, beaucoup ne sont pas morts, ils sont démontés, ils nagent encore, quoiqu'ils ne puissent plus voler; on les poursuit alors, et le fusil double ordinaire les achève, mais ce n'est pas de cette chasse que nous traitons ici; n'oublions pas que nous chassons au chien d'arrêt.

Il faut d'abord être chaussé de grandes bottes recouvrant le genou, faites du cuir le meilleur, le plus fort et le plus souple. On commence par boucher soigneusement avec du suif toutes les petites ouvertures, souvent imperceptibles, faites par l'alène du cordonnier. Lorsque les bottes sont bien sèches, on les expose légèrement au feu; puis on les cire avec la préparation suivante. Prenez :

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(4) On appelle halbran le jeune canard sauvage; je crois ce mot dérivé de l'allemand halbe ent, qui signifie demi-canard.

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Faites fondre en remuant, et frottez vos bottes en tous sens, à l'extérieur. Imprégnez bien le cuir de ce mélange, et recommencez l'opération toutes les fois que vous voudrez chasser au marais; c'est indispensable pour avoir le pied sec.

La maison Rattier, rue des Fossés-Montmartre, fait des bottes imperméables en caoutchouc; mais elles sont en étoffe trop faible pour résister. En les mettant dans d'autres bottes de cuir ou dans des souliers ordinaires, on est certain de ne point avoir les pieds mouillés.

Ayez soin de tenir votre chien près de vous. Les canards partent de loin, surtout quand la bande est nombreuse; c'est comme chez les perdreaux: on approche plus facilement un canard que plusieurs. Il ne faut pas que le chien, par trop de vivacité, rende la chose plus difficile, en hâtant leur départ. Chargez votre fusil avec du gros plomb, no 3 ou no 2. Le canard, et en général tous les oiseaux de marais, sont très chargés de plumes; il faut un plomb de bonne dimension pour traverser ce matelas qui les recouvre, surtout quand ils partent de loin.

Fouillez avec soin tous les bords des étangs, entrez dans les joncs, dans les roseaux, et n'avancez que lentement, pour ne rien laisser derrière vous. Chemin faisant, vous trouverez des poules d'eau, des

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