Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

mois, un an, chassant toujours, il était sans soucis, car il avait des amis en tous lieux. Et de même qu'aujourd'hui, dans nos villes, les ouvriers compagnons rencontrent partout une mère, les chasseurs d'alors trouvaient un père qui les hébergeait. Organisés en confrérie, ils avaient leurs bannières, leurs couleurs, des places marquées à l'église, un rang dans les processions. En Allemagne, ces confréries existent encore; dans toutes les cités, on voit une schissehaus, maison du tir, où les chasseurs s'exercent tous les jours; à certaines époques, on y distribue avec solennité des prix aux plus adroits.

L'invention des armes à feu, celle du menu plomb, dans le xvIe siècle, ont fait oublier la fauconnerie, et c'est grand dommage. Ce devait être un bien noble plaisir que celui de la chasse à l'oiseau. Je suis toujours étonné qu'il ne se trouve pas quelque prince, ou quelque membre de l'aristocratie financière, pour ressusciter cette chasse dont la description, dans les vieux livres, et récemment dans Walter Scott, a fait si souvent battre le cœur des disciples de saint Hubert.

La chasse au faucon était le suprême plaisir des conquérants du moyen âge. Une loi défendait aux Lombards de donner un épervier ou leur épée pour rançon : cela prouve l'importance qu'on attachait à cet oiseau.

En France, un noble homme ne marchait jamais sans avoir ses armes, ses chiens et l'oiseau sur le poing. Les Capitulaires de Charlemagne défendaient de s'en dessaisir pour quelque cause que ce fût. Dans la guerre contre les Normands, les chevaliers chargés de la défense de Paris, voyant qu'ils ne pouvaient plus conserver une porte confiée à leur garde, mirent leurs oiseaux en liberté, pour n'avoir point la honte de les voir tomber entre les mains des ennemis.

Accipitres loris permisit ire solutis (1).

Les veneurs et fauconniers palatins faisaient la partie de

(4) ABBON. De obsessa a Normanis Lutetia.

la cour la plus nombreuse. Ils avaient à leur tête quatre grands veneurs, et un grand fauconnier qui leur transmettaient les ordres du roi. Sur douze grands officiers de la couronne, cinq étaient uniquement occupés de la vénerie et de la fauconnerie (1).

Les princes et les prélats aimaient cette chasse avec fireur; ils transportaient partout leurs oiseaux, même dans les églises. On les plaçait, pendant la messe, sur les marches des autels, au bord des chaires. Les dames suivaient la chasse, portant le faucon sur le poing. C'était un plaisir de plus pour elles; aujourd'hui les chasseurs les laissent à la maison, et souvent c'est tant pis pour eux.

Mais c'est en Asie surtout que la chasse à l'oiseau se faisait avec magnificence. Tamerlan avait à son service vingt mille fauconniers. Froissard dit que Rajazet, mécontent de l'allure d'un de ses faucons, fut au moment de faire décapiter deux mille fauconniers. Vous voyez que Bajazet ne plaisantait pas.

Tous nos rois, ou du moins presque tous, ont aimé la chasse. L'art d'élever des chiens et des oiseaux était la partie principale de l'éducation des princes: le blason la complétait. Les seigneurs de campagne en faisaient leur seule occupation; de là les sobriquets de gentilshommes à lièvres, de hobereaux. Beaucoup de ces messieurs forçaient leurs vassaux à vivre de gibier certains jours de la semaine, sous la condition expresse qu'ils viendraient l'acheter au château. Ce commerce, qui ne dérogeait pas, était même le principal revenu de plusieurs petits souverains allemands.

L'empereur Frédéric II, Manfrède, son fils, roi de Sicile, ont écrit sur la chasse. Maximilien Ier a mis en vers les aventures extraordinaires de sa vie de chasseur. Charles IX, roi de France, est auteur de la Chasse royale.

(4) Les Origines, par LA TOUR-D'AUVERGNE; La Haye, 1789. C'est le même La Tour-d'Auvergne qui, plus tard, fut connu sous le nom de premier grenadier de la république.

Les premières ordonnances restrictives du droit de chasse sont de 1318, sous Philippe-le-Long; cependant il est probable qu'il en existait avant cette époque, puisqu'on lit dans Froissard, qu'en 1272 le sire Enguerrand de Coucy fit pendre deux jeunes gentilshommes pour avoir chassé sur ses terres. Cet assassinat eut lieu sous le règne du plus humain de nos rois, de Louis IX, de saint Louis' Les anciennes coutumes du Beauvaisis, rédigées en 1283, portent que ceux qui déroberont des lapins, s'ils sont pris de nuit, seront pendus, et si c'est de jour, ils seront punis d'une amende.

Nous avons eu le courage et la patience de lire toutes les ordonnances sur la chasse, et leur nombre s'élève à près de trois cents; nos lecteurs plus heureux en trouveront ici l'analyse.

Philippe-le-Long condamnait les délinquans à la prison, et voulut qu'ils y fussent punis asprement (1).

Charles VI était meilleur prince; il ordonnait la confiscation des engins, sans aucune répréhension (2).

Sous Louis XI, sous Charles VIII, la peine de mort fut plusieurs fois appliquée. Claude de Seyssel nous apprend qu'alors, il estoit plus remissible de tuer ung homme, que ung cerf ou ung sanglier.

François Ier, fâché « qu'on le frustre du déduit et passe<<< temps qu'il prend à la chasse, et tant lui qu'autres seigneurs <«<et nobles de sondit royaume, à qui et non à autres appar<< tient soi récréer à chasser pour éviter oisiveté, et soi exer<cer auxdites chasses » (3), ordonne pour la première fois :

(4) Ordonnance de 1318.

(2) Ordonnance de 1396.

(3) Michel-Ange Blondus dit avec naïveté, que la chasse est pour les rois et les grands seigneurs : quant aux autres hommes, leur affaire est de travailler. Propterea arbitramur quod venatio pertineat ad imperatorem, ad regem, ducem, marchionem, comitem, ad nobilem virum, et egregium civem. Aliorum autem hominum officium est domi propriis artibus venari.

MICH.-ANG. BLONDUS. De canibus et venatione, fol. xxvii. b

une amende de deux cent cinquante livres tournois. Et ceux qui n'auront de quoi payer, seront battus de verges sous la custode, jusqu'à effusion de sang. Pour la seconde fois : Ils seront battus de verges autour des forêts où ils auront delinqué (1). Quand on fustigeait les pauvres braconniers autour des forêts de Fontainebleau, de Compiègne ou de Saint-Germain, ils devaient trouver la promenade un peu longue. Pour la tierce fois ils seront mis aux gallères, et s'ils enfreignent leur ban, seront punis du dernier supplice (2). Les mêmes peines sont applicables aux receptateurs du gibier.

Henri II établit un maximum pour le gibier. On ne pouvait vendre un lièvre, un héron, une perdrix, que douze deniers tournois; un levraut, un héronneau, un perdreau, que six deniers, le tout sous peine de dix livres d'amende. Il était permis de prendre à ce prix tout le gibier étalé chez les marchands (3). Le but de cette ordonnance était de dégoûter les braconniers par la modicité du prix.

Charles IX, le premier, défendit aux gentilshommes de chasser sur les terres ensemencées ou dans les vignes, sous peine de payer aux laboureurs des dommages et intérêts (4). Henri III, considérant qu'un chacun, même les gens méchaniques, roturiers et autres, n'ayant droit de chasse, se sont licentiez de chasser, lui tollissans le plaisir qu'il prend à la chasse, ordonne la destruction des chiens couchants, et accorde quatre écus par tête de chien (5).

Trois ans après, le même roi demandait la tête des chas seurs Et quant aux roturiers et non nobles, nous leur faisons défense sur peine de la hart, de contrevenir à nos

(1) C'était pour se conformer à cet ancien axiome de droit, Qui non habet in ære solvat in cute.

(2) Ordonnance de 1515. (3) Ordonnance de 1549.

(4) Ordonnance de 1560. (5) Ordonnance de 1578.

dites ordonnances, ni de s'entremettre du fait des chasses en aucune sorte que ce soit, ni moins porter arquebuses, arbalètes, tenir furets ni autres engins quelconques servants au fait desdites chasses (1). Dans le considérant de cette ordonnance, j'ai trouvé cette phrase, qui m'a paru tant soit peu drôle : « De manière que d'heure en heure, et de << moment en moment, l'on n'entend que des coups d'arque<«<buse faisant grand meurtre de pigeons, lesquels étant fra<< pez, viennent mourir dans les colombiers, à cause de quoi « les petits ne pouvant plus être nourris, meurent aussi, « etc. » Henri IV enchérit encore sur les ordonnances de François Ier; les verges et la peine de mort, tout s'y trouve. N'entendons toutefois que les peines inflictives du corps soient exécutées, sinon sur les personnes viles et abjectes, et non autres (2). Il défend la chasse aux chiens couchants comme chasse cuisinière, destructive des cailles et des perdrix, sous peine de trente-trois écus un tiers d'amende, du double pour la seconde fois, et du triple pour la troisième. A défaut de paiement, les verges, le carcan, le bannissement, etc., etc. (3).

Les parlements avaient le d oit de modifier les ordonnances en les enregistrant; ils en usaient quelquefois pour conserver les priviléges des villes et des provinces. Celui de Toulouse maintint les seigneurs et toutes les personnes autres que laboureurs et artisans, dans le droit de chasse aux chiens couchants (4).

Louis XIII fit beaucoup d'ordonnances sur la chasse, qui ne changèrent rien aux principales dispositions en vigueur.

Louis XIV supprima la peine de mort, sans rien charger aux autres peines; il maintint l'interdiction des chiens cou

(4) Ordonnance de 4584.

(2) Ordonnance de 1600.

(3) Ordonnance de 1601.

(4) Registres du parlement de Toulouse..

b.

« PreviousContinue »