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avoit commencé en 1782, de l'Origine, des progrès et de l'état actuel de toute littérature, 7 vol.; ouvrage célèbre, qui montre autant d'érudition que de goût, et qui a élevé si haut la réputation de l'auteur. On admira comment un Espagnol avoit pu écrire en italien avec tant d'élégance; on admira surtout comment un homme seul avoit pu réunir tant de matériaux, les disposer avec tant d'ordre et en faire un tout si complet. Ses Lettres à son frère sur ses voyages parurent en espagnol à Madrid, 1791-1795, 5 vol. in-12; elles furent traduites en allemand par Smith, et imprimées à Weymar Notre compatriote Millin, qui dédia à l'abbé Audres son Voyage en Savole et en Prémont, fait l'éloge du savoir qui brille dans ces Lettres, accuse le traducteur allemand d'une extrême infidélité, et s'étonne que cet ouvrage n'ait pas été traduit en français. L'abbé Mercier de Saint-Léger avoit entrepris ce travail; mais la révolution l'empêcha de le continuer,

Dans le peu de temps où l'Italie fut délivrée du joug francais, en 1799, l'empereur d'Autriche avoit formé le projet de rétablir l'université de Pavie sur de meilleures bases; il y appela l'abbé Andres, le nomma directeur suprême des études, et le chargea d'y mettre l'enseignement sur un autre pied. Cette importante fonction, confiée à un étranger, montre quelle haute idée on avoit de la capacité d'Andres, et un tel choix honoroit la sagesse de l'empereur. Les évènemens politiques ayant replacé la Lombardie sous la domination française, Andres se retira à Parme, où le duc l'accueillit et le fit son bibliothécaire. C'est là que le savant critique publia un recueil des Lettres d'Antoine-Augustin, archevêque de Tarragone. Le roi de Naples ayant rétabli les Jésuites en 1804, Andres quitta tout pour aller sc réunir à ses confrères et reprendre les habitudes de la vie religieuse. Trois pensions dont il jouissoit, ses goûts littéraires, son âge avancé, rien ne put le retenir : il étoit trop heureux, disoit-il, de finir sa carrière dans les pratiques du cloître, et loin des plaisirs trop vifs, peut-être, qu'il avoit goûtés dans la culture des lettres. Ferdinand IV le nomma censeur royal et membre de la junte de la Bibliothèque royale. Avec ces emplois, le pieux Andres aimoit à faire le catéchisme, à visiter les prisons, et à remplir les autres fonctions du ministère que ses supérieurs lui confioient. Le roi de Naples ayant été forcé, en 1806, de se retirer en Sicile, le premier soin de l'usurpa

teur fut de supprimer les Jésuites; mais la réputation d'Andres le protégea contre toutes les préventions; on le nomma préfet de la Bibliothèque royale. Dans cette place, il se rendoit utile aux jeunes gens et les guidoit dans leurs études, en même temps qu'il savoit trouver le temps de s'occuper des fonctions du ministère. Sur la fin de ses jours, il devint aveugle; on lui fit l'opération de la cataracte, qui ne réussit point. Il supporta cette épreuve avec patience. Toujours fidèle à ses exercices de piété, il aimoit à s'entretenir de matières spirituelles.. Ayant résigné son emploi, il obtint de se retirer à Rome, où il mourut réuni à ses confrères, dans la nuit du 12 au 13 janvier 1817, après avoir reçu tous les sacremens. M. l'abbé Baraldi, que nous suivons ici, termine sa Notice par la liste des ouvrages d'Andres. Ces ouvrages sont en grand nombre, et traitent de matière de littérature, d'érudition et de critique. Il y a de plus des opuscules inédits, un Traité non fini de l'autorité pontificale, un Abrégé de la vie du duc de Parme don Philippe, et des Dissertations et Notices. Voyez les Mémoires de religion, de morale et de littérature, Modène, 3o. année, tome VI, 18°. cahier.

Des crimes de la presse considérés comme générateurs de tous les autres (1).

Tous les bons esprits s'effraient aujourd'hui de l'essor qu'a, pris la licence de la presse, et des résultats qu'elle doit amener. L'ouvrage que nous annonçons a pour but d'appeler l'attention des gouvernemens sur un si grave sujet. Il est divisé en deux parties, dont l'une expose le mal, et l'autre propose le remède; le tout comprend trenteneuf chapitres, qui traitent la matière avec tous les développemens qu'elle mérite. La gravité des crimes de la presse, les conséquences de leur impunité, l'impuissance de la législation présente, le choix des moyens à prendre contre un tel fléau, tels sont les principaux points que l'auteur considère successivement. Ce que nous avons pu parcourir de son livre, qui ne fait que paroitre, nous autorise à le regarder comme une production aussi originale qu'honorable. L'auteur, déjà connu par d'autres essais, fait de nouveau dans celui-ci preuve de cette sagacité qui voit le mal, de ce zèle qui le signale, et de cette fermeté de principes qui lutte avec courage contre l'esprit de son siècle, et contre les erreurs et les abus.

(1) In-8°. A Paris, chez Potey; et chez Ad. Le Clere et compagnie, au bureau de ce journal.

(Mercredi 17 août 1825.)

(No. 1150.)

Notice sur M. de Boulogne, archevêque, évéque de Troyes. (Suite du no. 1146)

M. de Barral, dans ses Fragmens relatifs à l'histoire ecclésiastique des premieres années du 19°. siècle, 1814, in-8°., dit que M. l'évêque de Troyes fut chargé, il y a quelques années, de tenir la plume au nom des évêques qui demandoient au Pape un indult pour les dispenses de mariage, et il cite la lettre du 25 mars 1810, comme l'ouvrage de M. de Boulogne. Mais il est juste de dire que, si celui-ci rédigea d'abord cette lettre, il la soumit ensuite à ses collègues, qui proposèrent divers changemens, de sorte que la rédaction définitive s'éloignoit peutêtre beaucoup du premier projet. Peu après cette lettre, l'évêque de Troyes retourna dans son diocèse, et, le 16 juin, il fit l'ordination dans sa cathédrale, et adressa aux jeunes ecclésiastiques une exhortation touchante, qui fut reproduite dans les Mélanges, tome IX, page 78. L'hiver suivant, une indisposition longue et douloureuse l'empêcha de donner à l'entrée du carême, comme il se le proposoit, une instruction développée, et il se borna, comme pour le carême de 1810, à des avis généraux. Nous savons que, comme tous les hommes sincèrement religieux, il étoit alors fort affecté de la situation de l'Eglise. Il n'avoit pu se dissimuler les vues d'un dominateur ambitieux, et il confioit à un estimable ecclésiastique ses alarmes sur le sort de l'Eglise. C'est dans ces circonstances qu'il fut appelé à Paris pour faire le discours d'ouverture du concile qui venoit d'être convoqué. Ce discours, prononcé le 17 juin, traitoit de l'influence de la religion catholique sur l'ordre social et sur le bonheur des empires; ce discours n'a pas été imprimé, mais il existe en manuscrit, et on se propose de le publier; on pourra apprécier le jugement, au moins fort singulier, qu'en a porté M. de Pradt, dans ses Quatre Concordats; l'ancien archevêque laisse percer dans tout cet ouvrage un âcre ressentiment contre un collègue qui a suivi en effet une route bien différente de la sienne.

Buonaparte ne fut pas moins mécontent du discours que
Tome XLV. L'Ami de la Religion et du Ro1. B

M. de Pradt, et il est probable que ce fut ce discours qui commença à l'irriter contre l'évêque de Troyes; celui-ci ayant été nommé un des secrétaires du concile, et membre de la congrégation chargée de répondre au message, retoucha en quelques endroits le rapport que l'évêque de Tournai fit au concile dans la congrégation du 10 juillet. La commission ayant été d'avis que le concile étoit incompétent pour prononcer sur l'institution des évêques sans l'intervention du Pape, Buonaparte furieux rendit un décret pour dissou'dre le concile. Il en vouloit surtout à l'évêque de Troyes, qu'il savoit avoir voté contre la compétence, et il prétendoit que ce prélat, étant attaché à son service comme aumônier, étoit encore plus coupable d'avoir contrarié ses vues. La nuit du 12 juillet 1811, les évêques de Troyes, de Gand et de Tournai furent arrêtés et conduits à Vincennes, où on les mít au secret le plus rigoureux. Séparés les uns des autres, et privés de livres et de plumes, ils ne virent personne pendant quatre mois. A la fin de novembre, on vint leur demander la démission de leurs sièges, et on leur fit souscrire de plus une promesse de ne point se mêler du gouvernement de leurs diocèses. Alors ils sortirent du donjon, et furent envoyés dans différens exils. Le 13 décembre, M. l'évêque de Troyes fut conduit à Falaise, où il devoit rester en surveillance. Dès le 23 novembre, le ministre des cultes avoit écrit au chapitre de Troyes pour lui annoncer la démission de l'évêque; par conséquent, disoit-il, le siége étoit vacant, et le chapitre devoit prendre la juridiction et nommer des grands-vicaires. Quelques-uns disoient qu'un acte signé dans un donjon ne paroissoit pas avoir grande force; qu'en tout cas il devoit être accepté par l'autorité, et qu'enfin il étoit étonnant qu'on ne voulût pas leur communiquer l'original de cette démission. Toutefois on crut parer à tous les inconvéniens en choisissant pour grands - vicaires des chanoines qui l'étoient déjà de l'évêque; MM. Tresfort et Arvisenet furent nommés, et ce choix tranquillisa d'abord les consciences. On sembloit gouverner au nom du chapitre, tandis que c'étoit réellement au nom du prélat. Tout alla ainsi assez paisiblement jusqu'en avril 1813, que Buonaparte nomma un ecclésiastique à l'évêché de Troyes, et fit ordonner au chapitre de lui conférer des pouvoirs.

Cette mesure devint une source de troubles. Le chapitre

de Troyes hésita d'abord, et demanda des éclaircissemens au ministre; puis, sur une nouvelle lettre de ce dernier, on arrêta d'envoyer des pouvoirs à l'évêque nommé; sur huit chanoines, cinq furent de cet avis. L'inquiétude se répandit dans le diocèse. Un curé, mort depuis, l'abbé Henry, fit le voyage de Fontainebleau pour consulter le Pape et les cardinaux; la réponse fut que les droits de M. de Boulogne étoient entiers, et que le chapitre n'avoit aucune juridiction. Un autre ecclésiastique du diocèse, l'abbé de Bourdeille, qui est mort il y a quelques années, alla pour le même objet à Fontainebleau, et obtint la même réponse. Un troisième ecclésiastique, M. l'abbé Godot, fut envoyé à Falaise pour consulter le prélať, qui déclara simplement que, dans la situation rigoureuse où il se trouvoit, il ne pouvoit rien répondre à la demande qui lui étoit adressée. Il étoit clair que M. l'évêque ne vouloit pas se compromettre par une réponse qui fût devenue bientôt publique, et qui eût attiré sur lui de nouvelles rigueurs; mais les sentimens du prélat étoient bien connus, et il paroît même qu'il avoit trouvé le moyen d'entretenir quelque correspondance avec l'abbé de Latour, archiprêtre de la cathédrale et son grand-vicaire. Il jouissoit à Falaise d'une assez grande liberté; il présidoit à quelques cérémonies, et, au commencement de 1813, il conféra le baptême et la confirmation à un jeune Africain, et prononça en cette occasion un petit discours.

Dès le 6 août, M. l'abbé Arvisenet, chanoine et grand-vicaire de Troyes, avoit publié sa rétractation, et déclaré qu'il ne reconnoissoit point les pouvoirs du chapitre. Cette démarche d'un homme si pieux et si révéré fit une grande sensation dans le diocèse. Le chapitre de Troyes se trouvoit également partagé d'opinions; quatre chanoines croyoient pouvoir exercer la juridiction, quatre autres ne reconnoissoient que celle de l'évêque. Les premiers publièrent des circulaires, le 4 octobre et le 10 novembre, pour soutenir leurs prétentions, mais la majorité du diocèse se déclara pour l'évêque; le séminaire resta vide, les jeunes gens n'ayant pas voulu se soumettre au chapitre. L'abbé de Latour, grand- vicaire du prélat, gouvernoit assez publiquement en son nom. Le gouvernement crut faire cesser cette opposition en demandant à M. de Boulogne un nouvel acte de démission; sur son refus, il fut arrêté de nouveau, le 27 novembre 1813, et reconduit

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