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mérite d'être remarquée; elle est due à une pieuse fille, Marguerite Rousselet, qui gagnoit sa vie par le travail de ses mains, et qui trouvoit encore le moyen de s'appliquer aux bonnes œuvres. Tous les jours avant de se mettre au travail, elle pansoit des infirmes; ses soins réussirent à en guérir plusieurs. Son zèle et sa charité attiroient auprès d'elle grand nombre de pauvres qu'elle accueilloit avec bonté. Des personnes pieuses la secondèrent en lui apportant des aumônes et du linge pour secourir les malheureux. Bientôt elle reçut chez elle, à demeure, des malades qui n'avoient pas d'asile, elle leur procura des lits et leur rendit tous les soins d'une garde attentive. De pieuses filles s'associèrent à elle. D'abord elles étoient obligées d'aller quêter dans la ville pour leurs pauvres, et les habitans favorisoient à l'envi cet établissement naissant. On obtint de Louis XIV des lettres-patentes pour ériger l'hospice, et M. Le Tellier, archevêque de Reims, réunit Marguerite Rousselet et ses Sœurs en communauté et leur donna des réglemens. Marguerite fut nommée supérieure, gouverna long-temps la maison et eut la consolation de la voir s'accroître et s'affermir. L'hospice Saint-Marcoul est un de ces précieux établissemens que fit éclore la charité dans un siècle si fécond en beaux exemples de zèle et de dévoû

ment.

Pour en revenir à la visite du Roi à Saint-Marcoul, il paroît qu'à l'époque du sacre de Charles X, plusieurs personnes avoient été d'avis de supprimer une cérémonie qu'on regardoit peut-être comme superstitieuse et comme ridicule. Il falloit, disoit-on, éviter de fournir un prétexte aux dérisions de l'incrédulité. On fit donc dire aux religieuses que le Roi n'iroit pas toucher les écrouelles, et il y eut ordre de renvoyer les scrofuleux. Cependant il en arrivoit de tous côtés, et l'ordre qu'on leur transmit les affligea et les émut sensiblement. Les plus patiens se désoloient, d'autres se plaignoient avec amertuine, et le trouble étoit dans toute la maison. On le fit savoir au Roi qui envoya à la supérieure de l'hospice une somme d'argent pour la distribuer entre les plus malheureux. Mais ce n'étoit point là ce que souhaitoient le plus les malades réunis à Saint-Marcoul. M. l'abbé Desgenettes, curé de la paroisse des missions étrangères à Paris, qui étoit logé à Saint-Marcoul, plaida la cause de ces pauvres gens; il en parla à M. l'archevêque de Reims. Ce prélat

peignit au Roi la désolation des malades; plusieurs personnes pieuses réunirent leurs efforts dans cette circonstance, et le Roi annonça, le 30 mai, qu'il iroit le lendemain à SaintMarcoul; mais il y eut défense d'admettre, aucun étranger. On commença les préparatifs, la chapelle fut décorée avec pompe et les malades furent visités par M. Noël, médecin de l'hospice, et par M. Dupuytren, premier chirurgien du Rot, afin de ne présenter que des malades atteints d'écrouelles.

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Le 31 mai, à dix heures, le Roi partit à cheval de l'archevêché, accompagné de M. le Dauphin, des princes et des grands-officiers; il descendit de cheval à la porte de SaintMarcoul où il fut reçu par la communauté. M. l'aumônier y étoit avec son clergé et présenta l'eau bénite. On s'achemina vers la chapelle aux acclamations de la foule. Dès le matin, une neuvaine à Saint-Marcoul avoit été commencée par des chapelains du Roi qui dirent la messe à cette intention. Le Roi étant arrivé dans la chapelle, on chanta l'Exaudiat et on récita diverses prières, et M. l'abbé Delaunois, aumônier de la maison, donna la bénédiction du saint Sacrement. Le Roi montra, pendant la cérémonie, le plus grand recueillement, et retourna dans la salle Sainte-Agnès qu'il avoit déjà traversée et où étoient réunis environ 130 malades de la maison ou du dehors; c'étoit tout ce qui restoit d'un grand nombre de malades qui étoient venus de divers côtés, mais que les premiers ordres reçus avoient obligé de s'éloigner. Le Roi toucha les scrofuleux en prononçant la formule: Dieu te guérisse, le Roi te touche. Les Sœurs qui entendirent ces paroles, admirèrent en même temps la piété, la modestie et la bonté du monarque. Une pauvre femme, privée depuis long-temps de l'usage de ses jambes, s'efforçoit inutilement d'approcher du Roi; attendez, bonne mère, lui dit le prince, j'irai à vous. S. M. adressa à d'autres malades des paroles pleines de bonté. M. l'abbé Delaunois précédoit immédiatement S. M., et lui présentoit les malades; comme les religieuses, il a entendu la formule que le Roi prononçoit à mi-voix, mais distinctement; comme elles il admiroit la piété du prince.

Pendant ce temps, Mme la Dauphine s'entretenoit familièrement avec une des Soeurs et lui nommoit avec bonté les princes et les grands-officiers qui accompagnoient le Roi. Quand les malades eurent été tous touchés, M. l'abbé De

launois prit la liberté de dire au Roi que les Sœurs, étaui toujours avec les scrofuleux, étoient exposées à cette maladie, qu'elles avoient la confiance que l'attouchement du Roi pouvoit les en préserver, et que ses prédécesseurs leur avoient toujours accordé la même grâce. Qu'elles s'avancent, dit le Roi. M. le Dauphin, qui n'avoit pas entendu ces mots, fit observer que les Soeurs n'étoient pas atteintes d'écrouelles et ne devoient pas être touchées; on lui représenta que l'usage étoit contraire; mais pendant cette discussion, le Roi trancha la difficulté et présenta sa main à l'une des Sœurs qui la baisa; toutes furent admises au même honneur, et le Ror leur dit en se retirant: Je vous remercie, mes Sœurs ; vous avez bien soin de mes pauvres.

Les jours suivans, l'hospice fut visité par un grand nombre de personnes de tout rang; chacun félicitoit les Sœurs de l'éclatant exemple de charité que le Roi venoit de donner. De pieux fidèles venoient adresser leurs vœux à saint – Marcoul, et on distingua deux gardes du corps qui édifièrent toute la maison par leurs exemples et par leurs discours. La neuvaine commencée par deux chapelains du Roi fut continuée; tous les malades de la maison y prirent part. M. l'aumônier les disposa à s'approcher des sacremens; le dernier jour, il y cut communion générale et on chanta le Te Deum. Les pauvres de la maison firent, entre eux une collecte, et déposèrent entre les mains de la supérieure une somme, en la priant de faire dire des messes pour le Roi et pour

royaume.

le

Telle est la relation fidèle de la visite du Roi à SaintMarcoul; il importe de conserver le souvenir de cette pieuse cérémonie dont nous n'avions parlé que brièvement daus notre no 1129. Il importe surtout de faire connoître les suites qu'a eues cette visite. Les Soeurs de Saint-Marcoul conservoient autrefois des procès-verbaux de guérisons opérées aux sacres précédens; elles les ont perdus lorsqu'elles furent chassées de l'hospice pendant la révolution. Elles ont pris des précautions pour que les guérisons nouvelles qui pouvoient avoir lieu fussent bien certifiées, et elles ont dressé un procès-verbal de cinq guérisons qui sont dûment constatées. La première est celle d'un enfant de cinq ans et demi, nommé Jean-Baptiste Camus, qui étoit à l'hôpital depuis plus de deux ans; quatre plaies qu'il avoit

au Brás sembloient faire craindre un accroissement de son mal, mais, après le 51 mai, elles donnèrent des espérances de guérison qui se sont confirmées; on avoit voulu laisser un cautère à ce bras, mais il s'est guéri comme les plaies; 2o Marie-Clarisse Faucheron, âgée de 12 ans, admise le 23 novembre 1824, pour une plaie scrofuleuse qu'elle avoit à la joue depuis l'âge de cinq ans, a été parfaitement guérie dans la quinzaine qui a suivi le 31 mai; 3° Suzanne Grevisseaux, âgée de 11 ans, admise depuis un an, étoit traitée depuis son enfance; elle avoit tantôt des plaies, tantôt des tumeurs scrofuleuses; aujourd'hui il n'existe ni plaies ni tumeurs, et la guérison est parfaite; 4° Marie-Elisabeth Colin, âgée de neuf ans, entrée il y a deux ans, avoit, avant le 31 mai, plusieurs plaies qui sont parfaitement guéries; 5o Marie-Anne Mathieu, âgée de 15 ans, admise à l'hospice depuis plus de quatre ans, avoit une tumeur scrofuleuse qui diminua sensiblement après le 31 mai, et elle en est guérie aussi bien que d'une plaie au cou.

Le certificat porte, en outre, que l'état actuel de ces malades ne laisse pas la crainte que le mal ait quitté un endroit du corps pour se porter ailleurs, et qu'on a différé exprès de elore le procès-verbal pour mieux constater la guérison. Ce procès-verbal a été lù à la communauté et adopté à l'unanimité; on en a dressé deux expéditions qui ont été envoyées à M. l'archevêque de Reims et à S. Em. M. le cardinal grand-aumônier. L'original est resté déposé aux archives de la maison. Ce procès-verbal est daté de Reims, le 8 octobre 1825, et signé au nom de la communauté par quatre religieuses, Sœur Marie (Françoise Menu), supérieure; Soeur Rosalie (Marie-Antoinette Lecareux), assistante; Sour Célinie, Soeur Agathe. Elles annoncent qu'elles ont visité plusieurs fois les malades et qu'elles se sont assurées, à plusieurs reprises, de la guérison. M. l'abbé Delaunois, chanoine honoraire de Reims et chapelain de l'hospice, affirme la vérité de l'exposé ci-dessus, et déclare qu'il a lui-même examiné et reconnu les plaies guéries des cinq individus qu'il a présentés au Roi le jour de sa visite; ce certificat est aussi daté du 8 octobre. Enfin, M. Noël, chirurgien et médecin de l'hospice depuis cinquante-six ans, certifie avoir examiné les plaies des cinq individus et avoir reconnu qu'elles étoient scrofuleuses; ii certifie de plus que ces mêmes

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plaies sont guéries depuis deux et trois mois, et qu'on n'a employé que le traitement en usage dans la maison. Ce certificat est de même date que les précédens.

Nous abandonnons ces faits aux réflexions des lecteurs, et nous nous contentons d'insérer ici une observation que les Sœurs ont mise à la tête de leur relation: Aucun des actes de piété autorisés par l'Eglise ne peut être regardé comme superstitieux; la croyance à telle relique, à tel pèlerinage, n'est pas nécessaire au salut, mais elle est autorisée par l'Eglise : elle mérite donc notre vénération, et elle offre aux malheureux des espérances consolantes.

NOUVELLES ECCLÉSIASTIQUES.

PARIS. M. l'abbé Baston, ancien grand-vicaire de Rouen, nommé sous Buonaparte à l'évêché de Seez, et auteur d'un assez grand nombre d'ouvrages, dont plusieurs assez curieux, est mort le 26 septembre, près Pontaudemer. Nous donnerons une notice sur cet ecclésiastique distingué par son esprit et par ses talens.

M. Pierre de Joux de la Chapelle, dont nous avons annoncé l'abjuration dans le no 1168, n'a pas survécu longtemps à cette démarche. C'est le mardi 11 octobre qu'il fit sa profession de foi entre les mains de M. l'archevêque de Paris, et il est mort les derniers jours d'octobre, après une courte maladie. Il a été assisté, dans ses derniers momens, par M. le curé de St-Germain-l'Auxerrois, et ses obsèques ont été célébrées le lundi 31 dans cette église. M. de Joux, autrefois pré sident du consistoire de la Loire-Inférieure et de la Vendée, publia, sous Buonaparte, quelques écrits à sa louange : La Providence et Napoléon, ou les Fêtes de l'Eglise et les triomphes de l'armée exposés dans une suite de discours, 1806, in-8°; trois Discours sur la guerre ou à l'occasion de victoires, en 1810 et 1813; la Vertu glorifiée, ou le Triomphe après la mort, discours prononcé le 21 janvier 1815, in-8°. M. de Joux avoit renoncé depuis long-temps à ses fonctions de ministre protestant; nommé recteur de l'université à Brême, les évènemens lui firent perdre cette place. I avoit refusé une chaire de professeur de théologie à l'uni

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