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droits sont tellement fournies de raisins que, depuis un pareil temps, on n'a vu une aussi belle apparence. J'ai des souches en espalier près d'une maison que j'ai dans un de mes jardins, où il y a des grappes et magnifiques, en profusion.

Les sieurs Lalause et Serres vous font leurs compliments. Le premier vous prie, comme je le fais aussi, de vouloir, par le moyen de MM. Rigail, faire en sorte que M. son frère lui envoie quelques secours. Il en a besoin. Le sieur Lanis (?) n'est plus ici depuis longtemps. Je lui ferai tenir la lettre de M. de Montméja en Saxe, où il est. J'ai reçu le billet de M. Dubois. Je vous en remercie. Son frère qui est ici m'a promis de me faire payer. Il peste comme un diable contre sa sœur et sa dureté, ne lui envoyant aucun secours.

Ma famille est, grâces au Seigneur, en bon état. Votre filleule eut le printemps passé la fièvre tierce. Elle s'est si bien rétablie qu'elle croît à vue d'œil et est presque aussi grande que moi. Elle, sa sœur et son frère Charles vous assurent, ainsi que leur chère tante, de leurs respects et embrassent leurs chers cousins et cousine. Le petit de deux ans est un drôle bien éveillé et robuste. Après avoir tant souffert, ma femme et moi vous souhaitons toutes sortes de prospérités, ainsi qu'à votre chère famille que nous embrassons bien tendrement.

J'ai écrit à MM. Lugandi depuis la réception de votre lettre et fait vos compliments. Ils me chargent de vous faire les leurs (1). M. de Caumont habite ici depuis un an. Il vous salue. Il se plaint de n'avoir pas reçu depuis longtemps des nouvelles de ses parents. Adieu, mon cher frère, aimez-moi toujours et croyez que je suis jusqu'à la mort votre très-dévoué et très-obéissant frère,

Signé : MILA.

Cette lettre part sous le couvert de M. Serres de Prat qui vous la fera rendre.

Copie d'une lettre écrite par Madame de Péchels, femme de M. de Péchels, lieutenant-colonel d'un régiment anglais, à Jean de Bessey la Sorbonne, garde du corps du roi, compagnie de Noailles, à Montauban.

Cette lettre est datée de Dublin, du 13 mai 1740.

Monsieur,

Je reçus, il y a deux jours, votre lettre du 4 mai pour mon époux et je me charge avec plaisir d'y répondre, puisque, pour mon mal

(1) MM. de Lugandi, dont il est question dans la lettre ci-dessus, étaient l'un l'oncle et l'autre cousin de Jean Milà. M. de Caumont était aussi son parent, une de ses grand'tantes ayant épousé le capitaine Mila, bisaïeul de Jean.

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heur, il y a plus d'un an qu'il est en Engleterre (sic) et que je n'ose espérer son retour, qu'il ne plaise à Dieu de nous donner la paix. Personne après lui ne le peut mieux justifier de l'oubli dont vous l'accusez que moi, qui conçois les sentiments d'estime et de tendresse qu'il a pour tous ses dignes parents. Je suis persuadée, Monsieur, qu'ils sont invariables et que s'il ne vous en a pas assuré plus souvent, ses occupations et la situation désagréable où il est toujours, lorsqu'il est éloigné de sa famille, en sont cause.

Il n'a pas tenu à moi que vous n'ayez été instruit des changements qui sont faits en sa faveur. J'eus l'honneur d'écrire à Mesdemoiselles de Péchels, sous couvert de M. Vialètes, au commencement de l'année, pour les assurer de mon respect et des voeux que je faisais pour elles et leur mander l'avancement de mon époux. Au mois de novembre dernier, le Roy eut la bonté de lui donner la lieutenance colonelle du régiment où il sert depuis treize ans, vacante par un régiment donné à son prédécesseur. La manière dont Sa Majesté lui fit cette faveur est des plus flatteuses pour un homme dont les seuls services sollicitaient pour lui. Il ne fit pas un pas pour l'obtenir et resta tranquillement à son quartier, pendant que tout ce qu'il y avait de prétendants était en foule à Londres à faire leur cour. Notre second fils eut aussi part à la bonté royale. Il eut une seconde lieutenance dans les nouveaux régiments de marine. Son père y a fait joindre l'aide majorité. Il a le bonheur d'être très-bien avec son colonel qui est celui à qui M. de Péchels a succédé. Si Dieu le conserve, il pourra s'avancer, mais non pas sans me donner mille et mille alarmes sur son compte. Par les dernières nouvelles que j'en ai eu, ils étaient en marche pour s'embarquer pour l'Amérique, à ce qu'on croit.

Mon fils aîné, qui était ma plus grande consolation dans les fréquentes absences de son père, vient de me quitter pour aller finir ses études à Londres et y être reçu avocat. Il faut qu'il y soit trois ans avant que de pouvoir plaider. Si on ne le flatte pas, il y réussira avec l'assistance de Dieu.

Je n'ai auprès de moi que mon plus jeune fils et ma fille qui sont, Dieu merci, de fort bons enfants. Voilà, Monsieur, un long détail de l'état de M. Péchels et de sa famille. Vous avez la bonté de lui demander de mes nouvelles. Je vous en suis obligée. Depuis longtemps ma santé est fort dérangée; ce qui y contribue le plus est d'être presque toujours éloignée de mon époux. Vous savez s'il mérite qu'on l'aime. Ce dernier voyage me cause une inquiétude de plus. Il se plaint souvent de sa santé. Il est à présent à Bristol pour prendre les eaux qu'on dit lui être fort bonnes.

Il faut, Monsieur, que M. Pelras ne soit pas établi à Dublin. Je m'en suis informée et n'en ai pu savoir de nouvelles. Si je pouvais savoir en quel endroit d'Irlande il habite je prendrais des rensei

gnements. M. Lescure se porte fort bien. Il n'a pas quitté Dublin, mais bien le marchand chez qui il s'était engagé, qui n'avait pas assez d'affaires pour l'occuper. Le pauvre garçon a pris le parti de se mettre commis chez un banquier, où il a beaucoup de peine et un très-petit salaire. C'est dommage; il s'est fait aimer et estimer de tous ceux qui le connaissent. Il y a à peu près un an que nous vîmes arriver ici les demoiselles Valada, à la grande surprise de Madame Brassard, qui leur avait mandé qu'elle ne pouvait leur être d'aucun`secours. Elle les reçut pourtant fort bien et voulut bien payer leur pension pendant trois mois, durant lesquels elles auraient eu le loisir de prendre un parti. La cadette fut presque toujours incommodée et ne put se résoudre à se mettre en condition, quelque avantageuse qu'elle fût. Elle aima mieux s'en retourner. L'aînée a eu plus de fermeté. Elle est chez un seigneur de ce pays sur le pied de gouvernante de ses filles. On y a beaucoup d'égards pour elle et elle paraît très-contente de son sort. Elles plurent toutes deux en arrivant à tous ceux qui les virent. Leur conduite a été très-régulière et je vous puis assurer qu'on n'en a jamais parlé qu'en bien. Elles avaient compté que Madame leur mère aurait soin d'elles; mais, dès qu'elles furent ici elle leur déclara qu'elle ne pouvait rien faire pour elles. C'est, à ce qu'on croit, ce qui a déterminé la cadette à s'en retourner. Elles sont fort aimables, l'une et l'autre.

Permettez-moi, Monsieur, après tout ce détail, d'assurer de mes respects et compliments les dames qui ont eu la bonté de mettre leur seing à votre lettre et toutes les autres personnes qui composent une famille que j'honore infiniment. J'en ai eu quelquefois des nouvelles par M. Colom, de Hollande, qui me fait l'honneur de m'écrire de temps en temps. Je serais bien aise d'apprendre ce qu'est devenu notre cousin de Garrisson qui a passé quelque temps avec nous. Nous n'en avons pas eu la moindre nouvelle depuis qu'il passa par Londres. Je serais charmée d'apprendre qu'il est content de son sort.

Je rendrai compte de votre lettre à M. Péchels la première fois que je lui écrirai, et je suis sûre qu'il ne me dédira pas lorsque je vous assurerai, aussi bien que toutes les personnes qui ont la bonté de s'intéresser à lui, de la parfaite reconnaissance et de la tendre estime qu'il a pour elles. Je pense comme lui et vous prie de me croire très-parfaitement, Monsieur,

Votre très-humble et très-obéissante servante,

Signé : J. PÉCHELL (Sic.)

MÉLANGES

NOTICE SUR L'ÉGLISE RÉFORMÉE DE JOSNES

ET SES ORIGINES

Josnes, appelé Vicus de Jaonna dans quelques titres anciens, paraît avoir une origine très-reculée; car, d'après le témoignage de l'auteur d'une Histoire de Beaugency (1), on y aurait trouvé beaucoup de briques à rebords, de fragments de vases en terre et de médailles romaines; un petit hameau, nommé Isy, situé près du bourg, ne porterait même ce nom qu'à cause d'un ancien temple païen, qui y aurait été dédié à la déesse Isis.

Mais, si telle est l'antiquité du lieu lui-même, en revanche l'Eglise réformée de Josnes est de création toute récente, ne s'étant vraisemblablement formée que des débris d'Eglises environnantes.

On sait que la Réforme s'est propagée assez rapidement dans l'Orléanais. Au seizième et au dix-septième siècle, on comptait jusqu'à cinq Eglises protestantes aux environs de Josnes; il n'en reste plus qu'une : celle de Mer, où naquit le célèbre Pierre Jurieu. Les quatre autres sont: Marchenoir, Beaugency, Briou et Lorges. Nous ne parlerons pas de celle de Marchenoir, pour laquelle nous renvoyons le lecteur aux documents déjà publiés ici même, au tome XII, page 42 et suivantes. Quant à celle de Beaugency, tout ce que nous en savons est relatif à la guerre civile du XVIe siècle : « La ville de Beaugency, dit l'historien Lemaire, fut la dernière de la province à écouter les prédications des ministres envoyés par les pasteurs de Genève; mais dès que les calvinistes en furent maîtres, on y mit une garnison composée d'infanterie et de cavalerie; et le prince de Condé mit les prêtres catholiques sous sa sauvegarde, ce qui n'empêcha pas qu'ils ne fussent persécutés et obligés de se cacher.» En 1568, éclata une émeute causée par un moine, nommé Perrocelli, qui, après avoir prêché le Carême dans l'église de l'Abbaye, déclara tout à coup, le vendredi saint suivant, qu'il n'avait dit que des mensonges pendant tout le Carême, et que la doctrine des religionnaires était la seule véritable. Ce fut comme un signal pour les protestants, dont plusieurs assistaient à cet étrange sermon: ils mirent le feu à l'église de l'Abbaye, ce qui la réduisit en l'état où on la voit encore aujourd'hui. Comme on peut bien le penser, le parti catholique ne laissa pas cet acte impuni; il s'en vengea l'année même de la Saint-Barthélemy: un des chefs du parti protestant, nommé Sainte-Livrade, fut poignardé, son corps exposé aux regards de la foule et puis jeté dans la Loire. On pourrait citer bien d'autres traits de ce genre, dont Beaugency fut

(1) Jacques Pellieux, Beaugency, an VII de la république.

témoin pendant les guerres de religion. Cependant l'église réformée de Beaugency, comme celle de Marchenoir, n'a pas moins continué d'exister jusqu'à la révocation de l'édit de Nantes, époque à laquelle il y eut tant d'abjurations et d'émigrations. Mais quels étaient les noms des pasteurs et des principaux protestants de Beaugency? Sur ce point il ne reste, à notre connaissance, aucun document particulier. La tradition seule a conservé le souvenir des Eglises de Briou et de Lorges. Dans chacun de ces villages, situés l'un à 4 et l'autre à 3 kilom. de Josnes, il y avait, dit-on, une chapelle protestante. En effet, à côté des ruines du château de Briou dont nous avons déjà parlé (aut. XXIII, p. 278 du Bulletin) comme ayant appartenu à des protestants, on montre encore un bâtiment qui servait de lieu de culte aux réformés ; et non loin de là, s'élevait aussi le château de Fontenailles, propriété, aux dixseptième et dix-huitième siècles, de la famille Du Candal, également protestante. Enfin, le château de Lorges appartenait aux Montgommery; Gabriel de Lorges, comte de Mongommery, ce fameux huguenot, qui tua, par accident, le roi Henri II dans un tournoi, et qui fut condamné plus tard à mort et exécuté comme rebelle, était seigneur de Lorges. De plus, la France protestante cite un pasteur de Lorges parmi les membres d'un synode, ce qui semble bien indiquer qu'il y avait là une Eglise réformée. Il n'est donc pas impossible que les Mongommery aient eu une chapelle à leur disposition, comme à celle de plusieurs des habitants du village. Au reste Lorges comptait encore, il y a peu d'années, deux ou trois protestants, et aujourd'hui même il y en a quelques familles à Briou.

A la fin du dernier siècle, « ceux de la religion » qui avaient échappé aux persécutions essayèrent de se reconstituer en Eglise; pour n'être pas troublés dans leurs exercices religieux, ils se réunirent dans les souterrains de Prenay, petit hameau très-voisin de Josnes; et, à leur demande, un pasteur d'Orléans y venait de temps en temps célébrer le culte. Plus tard, quand les protestants de France rentrèrent en possession de leur liberté, une place ayant été créée à Mer, où les protestants étaient restés plus nombreux et moins dispersés, le pasteur qui y fut nommé vint chaque mois présider le service dans une grange de Josnes; en son absence, il était remplacé par un ancien. Mais ce ne fut qu'en 1839 qu'on créa à Josnes un poste d'évangélisation, et les premières démarches tentées alors pour la reconnaissance de l'Eglise par l'Etat ne devaient aboutir qu'en 1847.

Maintenant, si l'on considère que des cing Eglises mentionnées plus haut, quatre ont disparu presque entièrement, qu'à Josnes même il y a fort peu de protestants, et que le troupeau se recrute en grande partie dans les hameaux disséminés de ses alentours, il faudra en conclure que l'Eglise actuelle de Josnes, dont la plupart des membres sont des huguenots de vieille date, s'est formée des débris d'anciennes Eglises, qui au temps de la Réforme et jusqu'à la Révocation étaient très-florissantes.

LÉON STAPFER, pasteur.

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