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Lettre VIII. 22 nov. 1709. Remerciments pour l'envoi de deux exemplaires de la nouvelle édition de la Vie de Saint-Evremond. Le presse de travailler à la vie de Bayle que les successeurs de Leers imprimeront.

J'emprunte à la lettre IX un paragraphe très-curieux sur les événements politiques. Il va sans dire que Basnage commence par pousser l'épée dans les reins à Desmaizeaux, selon son habitude, au sujet de la vie de Bayle. C'est là son delenda Carthago ordinaire.

On ne pense plus à la paix; au contraire, M. Cardonnel m'écrit de Lille du 23 que l'armée se mettoit en marche pour aller droit à l'ennemi; ainsy nous attendons le succès d'une bataille qui sera sanglante, car M. de Villars est environné de marais, et son armée est presque aussy nombreuse que la nôtre. (1) Nous ne devrions pas avoir naturellement un grand regret à la rupture des négociations, ĉar nous n'y aurions pas eu beaucoup de part. Dès le moment que toutes les puissances réformées donnent les mains aux catholiques, et leur promettent de ne faire point entrer la religion dans les préliminaires, je compte les belles promesses qu'on nous fait de soutenir nos intérêts dans les négociations pour peu de chose. La France, qui n'a rien à espérer ni à craindre des Réformés dès le moment que les préliminaires sont fixés, sera d'autant plus ferme qu'on agira froidement, et qu'alors l'Empereur se joindra à elle pour traverser les bons desseins, si tant est qu'on en eût. J'ay vu tout ce manège, mais je n'ay pas laissé d'agir comme je le ferois encore en pareille occasion, afin de n'avoir rien à me reprocher..... Ce 25 août (1709).

Il était assez naturel que Desmaizeaux, écrivant la vie de Bayle, tînt à éclaircir tous les points douteux et à ne donner que des particularités absolument authentiques. Il s'adressa donc encore une fois à Basnage pour tâcher de débrouiller le problème de la Lettre aux réfugiés et voici la réponse qui lui fut envoyée. Je supprime au commencement et à la fin deux phrases insignifiantes:

« J'avoue que j'ay toujours été persuadé que M. Bayle n'étoit point l'auteur de la Lettre aux réfugiés, et qu'il avoit Seulement composé la préface ou le projet d'une réponse. J'avois écrit en Languedoc pour savoir si M. Bohm ne s'étoit pas trompé en disant qu'il avoit lu dans un journal de M. Bayle que j'avais envoié à son neveu avec ses papiers qu'il avouoit cet ouvrage; on ne me répond pas positivement sur le fait, mais on dit seulement que ceux qui ont répandu ce bruit ont tort, et qu'ils ont eu dessein de ternir la mémoire de M. Bayle. On charge Delorme, libraire, d'avoir répandu ce bruit. Mais je vous avoue que j'ay été détrompé depuis par une preuve positive, et qu'il est très-vrai que M. Jurieu avoit raison d'être ferme dans son accusation; car il avoit entre ses mains une preuve sans réplique, et je ne sçay comment il a eu la discrétion de ménager assez son ami pour ne la produire pas, Je

(1) Ce fut la bataille de Malplaquet.

vous confie ce secret que je vous prie de garder aussy, parce que je crois que vous devez ménager cette affaire, et laisser plutôt le public dans quelqu'espèce de doute, que de faire voir qu'un si grand homme a eu la foiblesse de nier publiquement une chose sur laquelle son ennemi pouvoit le convaincre... »

Ce 13 février (1714).

Voilà qui est clair, ce me semble, et si l'assertion de Basnage mérite confiance, l'histoire de la Lettre aux réfugiés serait une triste page dans la vie de Bayle.

(Suite.)

GUSTAVE MASSON.

CORRESPONDANCE

QUESTION BIBLIOGRAPHIQUE

Mer (Loir-et-Cher), 14 février 1876.

A Monsieur le Directeur du BULLETIN DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DU PROTESTANTISME FRANÇAIS.

Cher Monsieur,

Dans les premières années du Bulletin on rencontre parfois des demandes de renseignements sur des ouvrages où le titre manque, ou bien anonymes. Me permettrez-vous de renouveler cet usage et de vous demander si vous pourriez me dire quelque chose à propos des deux ouvrages suivants :

10 Union des sentences de philosophie. A Paris. De l'imprimerie de Philippe Danfrie, et Richard Breton, rue Saint-Jacques, à l'Escrevisse, 1559. Avec privilége du roy. In-12. Caract. civilité.

Cet ouvrage me paraît être d'un protestant. C'est une sorte de recueil, par ordre alphabétique, de différentes sentences tirées des philosophes anciens, des auteurs sacrés et des Pères. Il se compose: 1o d'un Dixain; 2o d'un Brief advertissement à tous amateurs de vertu. Vient ensuite l'ouvrage lui-même, XLVI fol. - A la fin (après le mot fin), il y a: Le mien désir n'est point mortel. Cette devise, qu'il me semble avoir rencontrée déjà quelque part, pourrait-elle faire connaître l'auteur? 2o Au second ouvrage le titre manque, donc aussi la date, et le lieu d'impression. Mais voici ce qu'il contient :

Vingt-trois chapitres composés entièrement ou presque entièrement de passages de l'Ecriture, des Pères, et de quelques canons de différents conciles; mais surtout de passages bibliques. Parfois une courte expli

cation de l'auteur. Les vingt-trois chapitres ou sections portent les titres suivants: De Dieu et de ses propriétez; De Christ et de ses propriétez; Du Saint-Esprit et de ses propriétez; De la loy; Du franc arbitre; Des causes de nostre justification; Du mérite; D'un seul Médiateur; De l'Eglise et de sa puissance; Du baptesme; De la confession à Dieu et de la reconciliation avec le prochain où est aussi parlé de la confession auriculaire; De la Cène; De l'Escriture sainte; De l'assemblée des fidèles; Du mariage; Des vœux; Du jeusne et des viandes; De l'honneur des saints; Des images; Du purgatoire; De ne contraindre personne à croire; Des magistrats qui persécutent les fidèles; Du magistrat civil et de sa puissance. En tout sans compter les Indices 562 p. in-32. L'ouvrage paraît être du XVIe siècle. Pourrais-je savoir ce que c'est, et quel en est l'auteur?

Veuillez agréer, Monsieur le Rédacteur, avec mes remercîments anticipés, l'assurance de ma considération bien distinguée.

Paul de Félice, pasteur.

DATE DE LA NAISSANCE DE MATHIEU MAJAL

Monsieur le président,

Vernoux, le 10 juin 1876.

En compulsant les registres de l'état civil de la commune de Vernoux, pour répondre à l'invitation que m'avait adressée M. le pasteur Benoit de Montmeyran, j'ai trouvé la date exacte de la naissance du pasteur Mathieu Majal, dit Desubas, l'un des derniers martyrs de nos Eglises.

Voici l'extrait textuel du document en question :

« Mathieu Majal, fils naturel et légitime à Jacques et à Marie Chapon, habitants au lieu des Hubats, paroisse de Vernoux, est né le vingthuitième février, et a été baptisé le quatrième mars mil sept cents vingt. Son parrain a été Sr Jean Vincent, et sa marraine Delle Louise de Ste Aggrève, du lieu de Chateauneuf. Illetré enquise le parrain signé avec nous. »

DELICHERES, Vicaire.

CLIZON.

VINCENT.

J'ai parcouru les registres de l'état civil à partir de l'année 1680 pour avoir tous les noms des frères et sœurs de Desubas. Les voici tous, sauf omission peu probable, car nous étions deux à examiner le répertoire :

Majal, Isabeau, fille de Jacques et de Marie Chapon, est née aux Ubas, le 11 aoust 1709. (Deux fois enregistrée.)

Majal, Jean-Pierre, fils naturel, etc... de, etc......., né aux Ubas, le 7 janvier 1712.

Majal, Mathieu. (Voir ci-dessus.)

Majal, François, fils, etc... né aux Hubats, le 17 janvier 1722.
Marie-Anne Majal, fille, etc..... id., née le 15 juillet 1724.

Nous n'avons trouvé aucun autre Majal jusqu'en 1745, époque à laquelle se sont arrêtées nos investigations,

J'ai cru devoir vous communiquer ces renseignements dans la pensée qu'ils pourront vous servir pour la réédition de la France protestante. Les registres de notre commune remontent jusqu'à la fin du XVe siècle; en sorte que s'il était utile d'y faire de nouvelles recherches pour la Société de l'Histoire du Protestantisme français, je vous prierais de compter sur mon entier dévouement.

Veuillez agréer, Monsieur le président, mes salutations fraternelles les plus respectueuses.

PAUL DE MAGNIN.

P. S. Nous avons reçu de notre excellent correspondant, M. Teissier d'Aulas, une nouvelle copie de la complainte de Mathieu Majal, qui contient d'assez nombreuses variantes au texte imprimé dans le Bulletin de mars et avril. Nous y reviendrons. (Réd.)

CHRONIQUE

INAUGURATION D'UNE STATUE DE FAREL

L'Eglise de Neuchâtel, qui célébrait en septembre 1865 l'anniversaire tri-séculaire de la mort de Farel (Bulletin, t. XIV, p. 337), a inauguré, le 4 mai 1876, une statue en marbre du réformateur, œuvre de M. Ilgel, artiste distingué, sur la place de la Collégiale voisine de l'église où il obtint ses plus beaux triomphes. Des députations de Lausanne et de Genève, des délégués de Paris, de Metz, de Montbéliard et de Gap, assistaient à cette fête qui rappelait les plus glorieux souvenirs de la réforme française.

L'émotion fut grande, dit un témoin, lorsque les voiles étant tombés, Guillaume Farel apparut tout à coup, ardent, impétueux, le corps légèrement penché en avant, comme un homme qui s'avance pour un saint combat. Ses mains levées tiennent la Bible, derrière laquelle le héros de la foi réformée semble s'effacer. Nulle attitude ne convient mieux au grand apôtre de la Suisse romande, au précurseur et à l'ami de Calvin, dont M. le pasteur Dhombres, délégué de l'Eglise de Paris, rappela éloquemment les titres au point de vue français:

« C'est, dit-il, à la France qu'appartient Farel. Il est à nous par ses origines; nos Alpes ont étendu leurs grandes ombres sur son berceau. C'est à Paris qu'il a reçu l'étincelle de vie. Puis c'est à Meaux qu'il prêcha d'abord et proclama la Bible, là où Bossuet devait lancer et perdre contre elle toutes les foudres de son génie. Farel a la vivacité, la fougue, ce qu'on a si bien nommé la furia francese.

« La Suisse nous l'a sans doute rendu avec usure. Ses presses nous ont donné la Bible; ses colporteurs nous ont apporté des écrits religieux; ses écoles nous ont fourni des pasteurs. Lors des persécutions, la Suisse fut la première à ouvrir ses bras à nos pères; il y a peut-être des fils de réfugiés qui m'écoutent en ce

moment... etc. »

D'autres hommages ont été rendus à Farel sur cette terrasse du château où dorment ses restes ignorés. On a remarqué dans le banquet qui a suivi la fête, un spirituel discours de M. le professeur Oltramare, de Genève, et un toast de M. F. Godet, à l'Eglise de France, cette Mater dolorosa de la Réforme. Enfin une médaille de M. Landry reproduisant la statue, et une lithographie de M. Bachelin représentant Farel, lors de son débarquement à Serrières, ont été offerts aux délégués, et perpétueront le souvenir de cette solennité historique.

J. B.

L'ÉGLISE FRANÇAISE DE CANTERBURY

L'archevêque de Canterbury a reçu d'un certain nombre de pasteurs de l'Eglise réformée de France l'adresse suivante :

Monseigneur,

Nous soussignés, pasteurs de l'Eglise réformée de France, désirons vous exprimer notre profonde reconnaissance pour votre sollicitude en faveur du culte français qui se célèbre dans la cathédrale de Canterbury.

Nous ne pouvons pas oublier avec quel amour fraternel nos ancêtres persécutés furent accueillis en Angleterre, et avec quelle bienveillance le roi Edouard VI leur accorda, en 1550, l'usage pour leur culte de la crypte de la cathédrale de Canterbury. Si, pendant le règne de Marie la Sanglante, cette faveur nous fut retirée, la reine Elisabeth nous la rendit, en y ajoutant de nombreux témoignages de sa sympathie. Plus de 5.000 réfugiés français vinrent, après la révocation de l'édit de Nantes, s'établir à Canterbury, et ils profitèrent avec gratitude du service établi dans la cathédrale, service qui, grâce à vos efforts, sera continué pour toujours. L'Eglise anglicane, en reconnaissant l'Eglise réformée de France comme Eglise sœur, attachée de cœur aux mêmes doctrines fondamentales, nous donne une preuve d'affection chrétienne que nous apprécions vivement. Nous avons la confiance que les liens qui nous unissent se resserreront toujours davantage, et que le service français de Canterbury, qui en est comme la vivante expression, pourra être maintenu,

Nous sommes heureux de confier au révérend docteur Forbes, cet ami dévoué de notre pays et de notre Eglise, la mission de vous remettre la présente adresse et de vous assurer de notre reconnaissance et de notre respect en Jésus-Christ notre Sauveur.

Paris, le 6 mai 1876.

(Suivent trente-deux signatures.)

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