Page images
PDF
EPUB

L'archevêque a répondu :

Mes révérends frères,

J'ai reçu, par les mains du docteur Forbes, de Paris, l'excellente adresse signée de vos noms. Je vous prie d'être assurés du profond intérêt que je prends au bonheur de l'Eglise réformée de France. La connexion qui existe entre cette branche de l'Eglise du Christ et l'Eglise établie d'Angleterre, m'a toujours paru être exprimée d'une manière significative par le maintien, dans la cathédrale métropolitaine d'Angleterre, de ce service réformé français qui a existé depuis le temps du roi Edouard VI, et je vous envoie l'assurance de mon ardent désir d'user de toute l'influence que je possède pour maintenir des relations fraternelles entre l'Eglise dont je suis le primat et les frères protestants de France.

Je suis fidèlement en Jésus-Christ votre

A.-C. TAIT, arch. (Journal de Genève, 17 juin 1876.)

NÉCROLOGIE

M. LE PASTEUR GERMAIN

Les Eglises protestantes de la Vendée sont en deuil de leur vénérě président, M. Jean-René Germain, pasteur à Pouzauges, décédé le 17 juin dernier, après un ministère de cinquante-trois ans, dans la quatre-vingtième année de son âge. Nul ne contribua plus activement que lui à la reconstitution du protestantisme dans un pays où il ne compte que des paroisses très-disséminées. Doué d'un zèle infatigable, «< il faisait tout, écrit un de ses collègues (1), avec maturité, avec intérêt, avec soin. Il unissait à un esprit juste et fin, un jugement sûr, des connaissances étendues, une longue expérience des hommes et des affaires.» Son aspect vénérable inspirait le respect, et sa bonté gagnait bientôt l'affection. J'en ressentis le charme en traversant la Vendée, il y a huit ans, et je ne me rappelle pas sans émotion les heures trop courtes qu'il me fut donné de passer avec ce pieux pasteur sous le toit hospitalier d'un ami, aux Roches-Baritaud. M. Germain appréciait tout naturellement les travaux de notre Société poursuivant dans le passé une œuvre de restauration analogue à celle qu'il faisait lui-même dans le présent, et le Bulletin était toujours sûr de trouver bon accueil à la Chauvinière où se sont écoulés ses derniers jours. MM. les pasteurs Vaurigaud, de Nantes, et Good, de la Rochelle, ont payé un juste tribut d'hommages à cet homme excellent, qui fut un humble chrétien, et dont le nom vivra dans le souvenir reconnaissant des Eglises qu'il édifia pendant plus d'un demi-siècle. J. B.

(1) Article de M. Meyer, dans le Christianisme au XIXe siècle, du 30 juin 1876,

Paris. Typ. de Ch, Meyrueis, 13, rue Cujas. -- 1876.

SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE

DU

PROTESTANTISME FRANÇAIS

ÉTUDES HISTORIQUES

MADELEINE DE MAILLY

COMTESSE DE ROYE

En publiant aujourd'hui, d'après les textes conservés aux archives royales de Stuttgart, diverses lettres de Madeleine de Mailly, comtesse de Roye, on croit devoir d'abord appeler l'attention du lecteur sur la femme éminente de laquelle sont émanées ces lettres, et sur les circonstances qui la portèrent à les écrire.

Issue de l'une des premières maisons de France, Louise de Montmorency avait épousé, en 1505, un gentilhomme d'une grande famille de Picardie, Ferry II de Mailly, baron de Conty, chambellan du roi, capitaine de cent hommes d'armes de ses ordonnances, et sénéchal d'Anjou. De son union avec lui étaient nés, les 28 avril 1508 et 13 septembre 1509, deux enfants, Jean et Louise de Mailly. Ferry de Mailly, alors qu'il se signalait, à côté de Bayard, sur les champs de bataille d'Italie, avait reçu une blessure mortelle et était décédé près de Milan, en décembre 1511, laissant sa veuve enceinte d'un

[blocks in formation]

troisième enfant, auquel elle donna le jour, le 16 juin 1512. Cet enfant était Madeleine de Mailly.

Louise de Montmorency épousa en secondes noces Gaspard, premier du nom, comte de Coligny, seigneur de Châtillon-surLoing, connu dans l'histoire sous le nom de maréchal de Châtillon. De cette nouvelle union naquirent quatre fils, Pierre, Odet, Gaspard, François. Le maréchal de Châtillon mourut le 4 août 1522.

Le 27 août 1528, à l'âge de seize ans, Madeleine de Mailly épousa le comte Charles de Roye, qui n'avait que trois ans de plus qu'elle. Elle alla se fixer avec lui au centre de ses diverses seigneuries de Roye, de Muret, de Buzancy, de Ñisyle-Comte, d'Aulnay, de Pierrepont et de Coulommiers. De son mariage avec Charles de Roye naquirent deux filles, Eléonore et Charlotte, qui devinrent, l'une, princesse de Condé, l'autre, comtesse de Larochefoucault.

Charles de Roye, à peine âgé de quarante-trois ans, mourut, au château de Plessis, le 29 janvier 1552. Si sa courte carrière n'a laissé que peu de traces dans l'histoire, on sait du moins qu'elle fut honorable. Nommé, dès sa jeunesse, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, il devint plus tard vidame de Laôn, et porta dignement, dans sa vie publique, de même que dans sa vie privée, le nom recommandable qu'il tenait de ses ancêtres. Il était réservé à Madeleine de Mailly, héritière de ce nom conjointement avec ses filles, d'en rehausser l'éclat, par le rôle considérable qu'elle joua, depuis son veuvage, dans les principaux événements d'une époque agitée, ét de s'élever, en qualité de comtesse de Roye (1), au rang des grandes personnalités historiques du seizième siècle. Eléonore et Charlotte devaient aussi concourir largement au soutien du nom que leur avait légué leur père.

(1) Madeleine de Mailly qui, du vivant de son mari, avait porté parfois le titre de comtesse de Roucy, emprunté au comté de ce nom, qui appartenait à Charles de Roye, prit, à dater du décès de celui-ci, la qualité, soit de dame de Roye, soit de douairière de Roye, et ne tarda pas à adopter définitivement le titre de comtesse de Roye, sous lequel elle est surtout connue.

La supériorité d'esprit et de cœur s'alliait, chez la comtesse de Roye, à un zèle soutenu pour la causé de l'Evangile qu'elle avait adopté de bonne heure. Elle se signala notamment, en 1559, par son intervention en faveur des réformés, près de la reine mère très-défavorablement prévenue contre eux (1). Elle ne craignit pas de lui dire en cette circonstance : « Il est facile d'imputer toutes sortes de crimes à des gens qui ne peuvent se défendre. Si la reine connaissait mieux ceux dont il s'agit, et la cause en question, elle en jugerait tout autrement.» Témoin des efforts de Madame de Roye, François de Morel écrivait, le 11 septembre 1559, à Calvin: « Madame de Roye, une de tés compatriotes, est une véritable héroïne (2).

L'année suivante, lors de l'arrestation et de la captivité à Orléans, du prince de Condé, son gendre, elle déploya le plus beau caractère. Brutalement arrachée de son château d'Anisy et enfermée dans celui de Saint-Germain en Laye, elle ne consentit à en sortir, après la mort de François II, que sous la réserve expresse du droit d'exercer, ainsi que le prince de Condé, un recours en déclaration d'innocence. Le parlement, à la barre duquel elle comparut, la vengea dans son honneur, par un arrêt du 13 juin 1561, qui la déclara « pure et innocente des cas à elle imposez; son recours luy estant réservé contre qui il appartiendroit pour telle réparation que la qualité de sa personne requéroit. » Justice fut ainsi faite du prétendu crime de lèse-majesté divine dont on l'avait accusée, uniquement à raison de sa franche adhésion à la religion réformée.

Revenue à la cour, en 1561, la comtesse de Roye s'y montra non moins fidèle que par le passé à ses convictions religieuses. De sympathiques hommages, de puissants encou

(1) Voir, sur cette intervention: Tavannes, Mémoires, ch. XV; Régnier de Laplanche, Histoire de l'Estat de France sous François II, édit. de 1576, p. 35, 37, 66, 67, 68; Th. de Bèze, Hist. eccl., édit. de 1580, t. I, p. 225, 228; Calendar of the State papers, foreign scries, vol. 1558-1559, p. 549.

(2) « Heroïna est quædam tua conterranea qua Roya dicitur. » Morellanus Calvino, 11 sept. 1559. Msc. de Genève.

ragements vinrent du dehors fortifier l'attitude chrétienne qu'elle y avait prise. Quelles paroles, entre tant d'autres, que celles que lui adressa Calvin en insistant sur sa piété et sur le courageux exemple qu'elle sut donner à ses filles! « Madame, lui écrivait-il, le 24 septembre 1561 (1), j'ay bien occasion de glorifier Dieu de la grande vertu qu'il a mise en vous pour advancer le règne de nostre Seigneur Jésus-Christ, en faisant protestation franche et pure de suivre la vérité de l'Evangile, en la vie et en la mort, comme c'est toute nostre félicité que d'estre disciples de ce grand maistre et subjects de ce souverain roy qui nous a esté envoyé du ciel pour nous retirer de perdition à l'espérance du salut éternel qu'il nous a acquis... Il y a encores un aultre bénéfice de surcroist, que tant Madame la princesse que Madame sa sœur, vos filles, vous tiennent compagnie à tendre et aspirer au droit but de nostre vie, s'adonnant d'un commun accord et se desdiant à l'obéissance de la pure vérité. »

Il n'est pas jusqu'à l'impression produite par Madame de Roye et par l'aînée de ses filles sur de simples étrangers, en passage à Saint-Germain, le 21 novembre 1561, qu'il ne soit intéressant de constater. « Nous fûmes (racontent les théologiens palatins et wurtembergeois (2), qui arrivèrent après la clôture du colloque de Poissy), reçus par la princesse de Condé son accueil fut des plus aimables. Elle nous fit part de ses vives préoccupations et de ses vœux ardens pour l'extension de la piété chrétienne dans les âmes, nous exhortant y concourir par des efforts soutenus. Ce qu'elle savait de l'étendue de ceux auxquels se livrait Frédéric III, la portait à désirer qu'il fût informé des prières qu'elle adressait au ciel en sa faveur. Nous vîmes, en même temps que la princesse, Madame de Roye, sa mère, femme d'une rare piété et d'un

à

(1) Calvin, Lettres françaises, t. II, p. 433 à 435.

(2) Voir une relation en langue latine, adressée en décembre 1561 par Diller et Boquin à l'électeur Frédéric III. (Kluckhon, Briefe Friedrich des Frommen, erst. Band, p. 224.)

« PreviousContinue »