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CORRESPONDANCE

ARCHIVES DU CONSISTOIRE DE ST-JEAN DU GARD

Cher Monsieur,

Saint-Jean du Gard, 11 septembre 1876.

Appelé d'une manière fortuite à faire quelques recherches à la mairie de Saint-Jean du Gard, j'y ai trouvé bien des documents concernant l'histoire de cette Eglise. Je vais vous en faire l'énumération; si plus tard vous pensiez que quelques extraits pussent être insérés avec profit dans le Bulletin, je vous les enverrais avec plaisir.

II y a d'abord six registres du Consistoire commençant le 20 juin 1605 et allant sans interruption jusqu'au 29 octobre 1684, époque où le pasteur Jean Combes dut s'expatrier, comme tous ses collègues. Ces registres sont parfaitement conservés, les délibérations bien rédigées pour le temps et généralement très-lisibles. Je les ai tous parcourus; trèsimportants pour l'histoire particulière de l'Eglise de Saint-Jean du Gard, ils ne renferment guère, à quelques exceptions près, que des mentions ou même simplement des allusions aux événements qui se passaient sur un plus grand théâtre.

En revanche, on peut y suivre pas à pas la tenue de tous les colloques et de tous les synodes de la province; je les ai notés au fur et à mesure, le nombre en est très-grand. En tête de chaque séance se trouve aussi le nom du pasteur qui préside, « qui conduit ou modère l'action,» comme on disait alors, et, quand c'est un pasteur étranger, à son nom particulier est généralement ajouté celui de son Eglise.— Pour la Cène, quatre fois par an, pendant ces quatre-vingts années, on assiste à la nomination des anciens qui doivent aider au pasteur « à bailher la coupe, » qui doivent «< conduire le peuple » à la sainte table, qui doivent « donner ou recevoir les marques. » Le mot marque est toujours employé, sauf une fois, le 14 avril 1677, où on se sert de l'expression

masreaux.

Enfin ces registres se terminent par les lignes que voici, ajoutées par le dernier secrétaire du Consistoire, M. Josué Cardonnet, chez qui les archives étaient restées en dépôt :

« Le 10o février 1685, par jugement du présidial de Nîmes, assistant monseigneur d'Aguesseau, intendant, — a été jugé que notre temple serait démoli et l'exercice de la religion interdit; la cloche et matériaux appartiendront à l'Eglise; démoli à nos frais et condamné en 1,000 fr. d'amende.

XXV. 36

« Le 21o dudit, ledit temple a été rasé.

« Le 8e octobre audit an, on nous a fait changer de religion. »

Ces lignes ont quelque chose de brutal comme les faits qu'elles racontent; j'ai pensé qu'il valait la peine de les reproduire.

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A côté de ces registres des délibérations du Consistoire, se trouvent parfaitement conservés aussi six registres de baptêmes commençant en l'an 1560 ou 1561 (les deux dates peuvent être soutenues), et se poursuivant jusqu'en novembre 1684, avec une seule interruption de 8 ans et demi, du 19 août 1615 au 3 janvier 1624. Le livre qui contenait les baptêmes de ces huit années était déjà perdu à la Révocation, ainsi que le constate un inventaire de tous les actes appartenant au Consistoire dressé à cette époque par ordre du gouvernement, qui voulait s'emparer des rentes des pauvres de l'Eglise, croyant à tort ou à raison que celleci en avait. Cette pièce, datée du 5 août 1686, écrite et signée par le secrétaire du consistoire supprimé, permet d'être fixé sur les documents existant à cette époque. Rien n'a été perdu que les liasses de comptes. J'ajoute qu'à partir de l'année 1668, ces registres ne contiennent pas seulement les actes des baptêmes, mais aussi les mariages et les mortuaires. Sur papier libre d'abord, le tout se trouve à la fin, comme dans les autres Eglises, sur papier timbré.

Enfin j'ai vu aussi les registres curiaux peu importants jusqu'à la Révocation, le pays avant cette époque ne comptant pas ou presque pas de catholiques, mais curieux à consulter à partir du 8 octobre 1685, jour où, selon le secrétaire du Consistoire, « on fit changer de religion » à la population entière. J'ai compté jusqu'à 1,200 abjurations et il en restait encore un assez grand nombre. Comme vous le pensez bien, un acte si humiliant et si douloureux ne se fit pas en un seul jour; îl prit le 8, le 9, le 10, le 11, le 12, etc.,- sans compter les récalcitrants qui ne vinrent que difficilement et assez tard. Le cas le plus frappant est celui de la femme et des trois filles du ministre François Dumas, ancien pasteur de Vézénobres, qui, pendant que leur mari et père était sans doute sur la terre d'exil, furent contraintes de paraître à leur tour et d'abjurer comme les autres. Quels puissants convertisseurs que les dragons!

Le premier de ces registres curiaux a servi à deux Eglises, toutes deux portant le nom de Saint-Jean : Saint-Jean de Courbessac, près de Nîmes, je pense, et Saint-Jean du Gard. Il renferme un peu de tout, jusqu'à un extrait de baptême de l'Eglise réformée d'Orange avec le nom des deux pasteurs et d'un ancien.

Pour en finir avec ces registres de baptêmes, mariages et sépultures, j'ajouterai qu'ils recommencent au désert en l'année 1744 et se poursuivent jusqu'à la Révolution. Ceux-ci, je n'ai pas encore eu l'occasion de les consulter. J'ai vu seulement que chaque acte portait la signature du pasteur qui l'avait accompli.

Il ne reste plus, afin de vous donner une idée de ce que peuvent

valoir ces documents, qu'à vous envoyer quelques extraits que j'emprunte tous aux registres des baptêmes. Je vous ai déjà dit que ces registres étaient restés en dépôt chez le dernier secrétaire du Consistoire, M. Josué Cardonnet. Il vécut longtemps après la Révocation et était très-probablement un homme soigneux, ordonné, aimant à noter ses impressions au jour le jour, comme à consigner tout ce qui se passait d'un peu saillant dans la localité. De là des additions qu'en dépit du « ne varietur » habituel, il faisait aux actes qu'il avait sous les yeux. Ainsi, quelqu'un mourait-il sans être enterré par le curé, il le consignait en marge à côté de son acte de naissance. Voici les plus intéressantes de ces annotations; comme elles concernent toutes des fidèles ayant souffert ou s'étant expatriés pour cause de religion, j'ai pensé que peut-être vous les inséreriez dans le Bulletin.

ANNOTATIONS A LA MARGE

Mort à l'Amérique. Envoyé pour fait de religion en 1689.

Mort à l'Amérique. Envoyé pour fait de religion en 1689 ou environ.

Est mort à l'hôpital de Montpellier, prisonnier pour fait de religion, le 20 avril 1703.

Décédé à Perpignan le.... 1703, prisonnier pour fait de religion (1).

ACTES DE NAISSANCE.

Etienne, fils de Pierre Bordarier et de Jeanne Fontanes, est né le second de février 1627, porté à baptême par David Bordarier et Marie Bordarière le 19e dudit mois et an.

Henri, fils de Abraham Durand et de Su

zanne Delaporte, est né le 1er décembre 1632, présenté à baptême par M. Me Jean Mazel Dret Marguerite Deleuzière le 4o mai 1633. Abraham, fils de Jacques Espagniac et de Anne Campesvalle, est né le 18o octobre 1633, présenté à baptême par Abraham Poussielgue et Antoinette Espagniac le 20e novembre audit an. Abraham, fils de Abraham Espagniac et de Jeanne Puech, est né le 12 septembre 1660, présenté à baptême par Jean Fontanes et Marie Puech le susdit jour 23e novembre.

Décédée à Genève le.... Marguerite, fille de Jacques Delaporte et mars 1712.

de Marie Rossarière, est née le 5o décembre 1631, présentée à baptême par Jean Delaporte et marquise Carrieyresse le dernier jour dudit mois et an.

(1) De ces quatre premiers noms, un seul, que je sache, se trouve dans les listes de la France protestante, c'est le second, Henri Durand, sans indication de son lieu d'origine. Les deux Espagnac doivent être le père et le fils.

ANNOTATIONS A LA MARGE

Décédé à Genève le 25o octobre 1707, sorti du royaume pour fait de religion.

A été ministre, est décédé le.... 1709, en Brandebourg.

Sortie du royaume pour fait de religion en 1687, allée à Genève, y étant décédée le 26e novembre 1710.

ACTES DE NAISSANCE.

André, fils de André Cabrit et de Jeanne
Roux, est né le 12e novembre 1643,
présenté à baptême par Henri Roux et
Marie Monnier le 22e du susdit mois et

an.

Jean, fils de Jean Dumas et de Marguerite Gautier, est né le 29 septembre 1647, présenté à baptême par Antoine Pascal et Suzanne Dumas le 15e octobre audit

an.

Jeanne, fille du sieur Jean Deleuzière et. de Débora Guisard, est née le dernier juillet 1653, présentée à baptême par sieur Jean Deleuzière et damoiselle Jeanne Coste le 8e août audit an.

Décédée à Vevey (Suisse), Marie, fille de Jean Counil et de Jeanne en janvier 1711.

Est mort à Magdebourg, en Brandebourg, en 1694.

Décédé à la Haye, en Hollande, le 13o décembre 1704.

Boudon, est née le 12 septembre 1659, présentée à baptême par Jacques Counil et Marie Boudon, à la place de Suzanne Counil, le susdit jour 16o décembre audit an.

Louis, fils de Jean Marion et de Nimphe de Lafon, est né le 22 octobre 1666, présenté à baptême par Jean Coste et Jeanne de Lafon le 7e novembre audit

an.

Le 20e jour du mois de février 1671 est né un fils à Antoine de Salvaire et Nimphe de Lafon, présenté à baptême par Henri Sabatier, sieur de Leiris, et Marguerite de Salvaire, le 10° jour de mars et a été appelé Henri.

H. D.- Envoyé à Ge- Marie, fille de Henri Roux et de Jeanne nève (1).

Delaporte, est née le 4o février 1659, présentée à baptême par Henri Campesvals et Marie Pauc et à sa place Marie Delaporte, le 2e mars 1660.

(1) Ces deux lettres h. d. m'ont d'abord embarrassé, lorsque, une fois, au lieu des simples initiales, j'ai trouvé les mots au complet: heu double, comme nous dirions aujourd'hui : donné extrait. Selon toute probabilité, Marie Roux et Jeanne Pic s'étaient réfugiées à Genève, seules ou avec leur famille, et, ayant besoin de leur acte de naissance, elles en demandèrent un extrait au secrétaire du Consisoire, qui le leur envoya.

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ANNOTATIONS A LA MARGE

ACTES DE NAISSANCE.

H. D. Envoyé à Genève. Jeanne, fille de Marcelin Pic et de Isabeau Marazel, est née le 6 juillet 1660, présentée à baptême par Etienne Cazalet et Françoise Pic le 1er jour d'août audit an.

Voilà, cher Monsieur, ce que j'ai cru devoir vous envoyer pour aujourd'hui; si vous pensiez que la liste des pasteurs de l'Eglise de Saint-Jean que j'ai dressée, comme celle, fort considérable, des pasteurs étrangers, qui, de temps à autre, ont présidé les séances du Consistoire, ou tenu des enfants en baptême, pussent être de quelque utilité, vous n'auriez qu'à les demander, je me ferais un plaisir de vous les faire parvenir.

En attendant, veuillez agréer l'assurance de mon entière et chrétienne

considération.

VARIÉTÉS

J. VIEL, Pr.

L'INSCRIPTION DES BAUX

Au milieu des ruines étranges de l'antique ville des Baux, près d'Arles, dans ce site de désolation où les rochers excavés et fantastiques s'entremêlent aux constructions seigneuriales des temps. féodaux, se dresse un pan de mur que le voyageur ne peut manquer de contempler avec curiosité. Il est percé d'une croisée à meneaux d'un bon style du XVIe siècle, et au-dessous en grandes capitales, mais d'une forme un peu lourde, on lit ces mots : POST TENEBRAS LUX 1571.

L'examen attentif du mur et de l'inscription ne permettent pas de douter que l'un et l'autre soient du temps de la Réforme, et on se demande pourquoi la devise genevoise se trouve là, en Provence et en terre catholique.

Essayons de répondre à la question que nous avons naguère entendu poser dans une tournée du congrès archéologique.

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