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être considéré comme en étant l'objet ou l'aliment, ce qui rend l'assurance nulle et sans effet;

Que si l'erreur a été la cause de cette fausse indication, elle est le fait de l'assuré, et il doit en subir toutes les conséquences; Attendu, d'ailleurs, que le défaut de déclaration faite aux assureurs du chargement opéré à Lisbonne, port différent et plus éloigné, constituerait une réticence ou dissimulation qui suffirait à elle seule pour faire annuler l'assurance;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter aux fins de la demande en abandon des sieurs Crozet et Roullet de Blanchenay, faisant droit aux fins prises par les assureurs, déclare l'assurance dont il s'agit nulle et sans effet, et met lesdits assureurs hors d'instance et de procès; condamne les sieurs Crozet et Roullet de Blanchenay aux dépens.

Du 8 mai 1835.

Pres. M. W. PUGET.-Plaid, MM. MAURANDI pour les assurés, COURNAND et SERMET pour les assureurs.

Appel de la part des sieurs Crozet et Roullet.

ARRÊT CONFIRMATIF.

Adoptant les motifs des premiers juges,

LA COUR met l'appel au néant et confirme, etc.

Du 22 mai 1836. Cour royale d'Aix, chambre correctionnelle. Prés. M. D'ARLATAN-LAURIS.Plaid. MM. MOUTTE pour

pour les assurés.

les

assureurs, DEfougères

DEUXIÈME AFFAIRE.

(Brelaz et comp. contre Crozet et Roullet.)

Après la décision que nous venons de rapporter et qui laisse à la charge des assurés, à l'encontre des assureurs, la perte des facultés en blé dont il s'agit, les sieurs Brelaz et comp., pour compte de qui

l'assurance avait été faite, rejettent la responsabilité de ce résultat sur les sieurs Crozet et Roullet, leurs commissionnaires.

Le 31 octobre 1836, ils assignent les sieurs Crozet et Roullet devant le tribunal de commerce de Marseille et demandent contre eux condamnation au paiement de la somme de 31,160 fr. assurée, sous déduction de la prime, de l'escompte, des commissions d'assurance et de recouvrement et des frais de délaissement, avec intérêts à compter du 16 mars 1835, échéance de la citation en délaissement. Les sieurs Brelaz et comp. soutiennent que les faits qui ont motivé le jugement du tribunal de commerce de Marseille et l'arrêt de la cour royale d'Aix sont personnellement imputables aux sieurs Crozet et Roullet, puisque ces commissionnaires, qui connaissaient le chargement opéré à Lisbonne, l'arrivée du navire et du chargement à Cadix et la continuation du voyage à Marseille, n'ont pu, sans commettre une faute lourde, laisser croire aux assureurs que le chargement avait été ou serait effectué à Cadix, ni leur dissimuler le chargement opéré à Lisbonne et la navigation réalisée de Lisbonne à Cadix;

Que les sieurs Crozet et Roullet, mandataires sala-riés, responsables à ce titre de leurs fautes, même légères, doivent l'être, à plus forte raison, d'une faute aussi grave que celle qu'ils ont commise et qui a donné lieu à l'annulation de l'assurance;

Qu'il en résulte naturellement que les sieurs Brelaz et comp. doivent être placés dans la même position que si l'assurance qu'ils avaient commise était sortie à effet.

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Les sieurs Crozet et Roullet assignent en cause et

en garantie Me Rambaud, courtier, par l'entremise

de qui l'assurance dont il s'agit a été faite.

Ils soutiennent qu'ils se sont conformés littéralement, à raison de cette assurance, à la lettre contenant leur mandat et aux usages de la place;

Que si une erreur a été commise relativement au lieu où les facultés qu'il s'agissait d'assurer avaient été chargées, cette erreur a eu pour cause l'absence du connaissement au moment de l'assurance;

Que les sieurs Brelaz et comp. doivent donc s'imputer de n'avoir pas joint à leur ordre d'assurance cette pièce essentielle, dont les énonciations auraient prévenu l'incertitude dans laquelle la lettre d'ordre laissait les commissionnaires;

Que, dès lors, s'il y a eu faute, elle a été plutôt du fait des commettans, ce qui exclut toute action de leur part contre les commissionnaires, sauf leur recours contre l'officier public, mandataire légalement substitué.

En conséquence, les sieurs Crozet et Roullet demandent dans leurs conclusions:

Principalement le rejet de la demande des sieurs Brelaz et comp., tant comme non recevable que comme mal fondée;

Subsidiairement: garantie contre le courtier.

Me Rambaud, courtier, soutient qu'aucune action ne peut être dirigée contre lui, puisqu'il n'a traité l'assurance que conformément à la note que les sieurs Crozet et Roullet lui avaient remise.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est établi, en fuit, par les pièces produites,

que le sieur Ellermann, de Cadix, en chargeant, d'après les ordres de Brelaz et comp. de Lisbonne, les sieurs Crozet et Roullet de faire assurer pour deux mille livres sterlings le chargement de blé dont il s'agit, en destination de Cadix pour Marseille, ajoutait, dans sa lettre du 9 janvier 1835 : ma prochaine vous portera le connaissement, et le capitaine sera porteur de la charte-partie;

Que ce ne fut, en effet, que quatre ou cinq jours après, que le connaissement fut envoyé par le sieur Ellermann auxdits sieurs Crozet et Roullet, mais que cette pièce ne leur parvint • qu'après l'arrivée de la nouvelle du sinistre et lorsque l'ordre d'assurance ne pouvait plus être rempli ;

Attendu que c'est à l'absence de cette pièce, que le commettant avait négligé de faire parvenir à ses commissionnaires en même temps qu'il leur transmettait l'ordre de faire l'assurance, que l'on doit attribuer l'erreur dans laquelle ceux-ci sont tombés sur le lieu où le blé avait été chargé;

Qu'en effet, les sieurs Crozet et Roullet n'ayant reçu ni le connaissement ni la charte-partie, alors que rien ne s'opposait à ce qu'ils fussent joints à la lettre d'ordre, ont dû penser que de nouvelles expéditions devaient être faites pour le voyage de Cadix à Marseille;

Que, dans une pareille circonstance, les sieurs Crozet et Roullet ont fait ce qu'un commissionnaire prudent et avisé devait faire, lorsque, en recevant la lettre d'ordre, ils ont dressé la note portant de sortie de Cadix en ce port, cinquante-un mille francs sur trois cent cinquante-quatre moyos et vingt-six alquières blé du nord, chargés sur le navire Nostra-Senora-del-Rosario, capitaine Castellano le navire doit être parti le quinze courant;

Attendu que la prudence commandait aux sieurs Crozet et Roullet, dans l'intérêt de leur commettant, de ne pas faire assurer des blés chargés à Lisbonne, parce que, dans le cas où les expéditions auraient été chargées à Cadix, comme ils devaient le croire, il n'y aurait plus eu harmonie et conformité entre le connaissement et la police d'assurance, et les assureurs n'au

raient pas manqué de s'en prévaloir pour se dispenser de payer

la perte ;

Que si ensuite le sieur Ellermann s'est borné à leur endosser le connaissement de Lisbonne à Cadix et si cette pièce n'a plus concordé avec l'énonciation de la police, c'est là un événement indépendant de toute faute de la part des commissionnaires, et qui n'est dû, au contraire, qu'à l'erreur dans laquelle ils ont été induits par leur commettant;

Attendu que la clause, insérée dans la police, que l'assurance est faite sur marchandises chargées ou à charger est une formule adoptée par l'usage pour faire porter l'assurance, tant sur les marchandises chargées avant le contrat que sur celles chargées après, n'importe à quelle époque, pourvu toutefois qu'au moment où le risque commence, l'aliment se trouve à bord ;

Attendu, en droit, que s'il est du devoir du commissionpaire de se conformer littéralement aux termes du mandat, le commettant, de son côté, est dans l'obligation de le donner dans des termes qui ne laissent aucune obscurité ni incertitude dans son exécution, lors surtout qu'il est de nature à ne pas laisser le temps au commissionnaire de demander ou d'attendre d'autres explications;

Qu'en matière de mandat et lorsque la bonne foi du commissionnaire ne peut être mise en doute, c'est par les circonstances et la nature de l'affaire que l'on doit décider quand le mandataire a bien ou mal agi;

Que, dans l'espèce et en l'état des faits ci-dessus établis, aucune faute ne pourrait être imputée aux sieurs Crozet et Roullet ;

Attendu que le rejet de la demande principale dispense le tribunal de s'occuper de la demande en garantie;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter à la demande des sieurs Brelaz et comp., met les sieurs Crozet et Roullet hors d'instance et de procès, et, au moyen de ce, déclare n'y avoir lieu de s'occuper de la garantie par eux introduite contre Me Rambaud; Condamne Brelaz et comp. aux dépens.

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