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juin, et que par suite la vente est comme non avenue. Le 20 juillet, le sieur Luce assigne le sieur Cohen devant le tribunal de commerce, pour entendre or donner que que l'exhibition qui lui a été faite du connaissement délivré par le capitaine Pineau sera déclarée bonne et valable, nonobstant le refus fait par le sieur Cohen de l'agréer; qu'en conséquence, il sera tenu de prendre livraison des mille charges blé dont il s'agit, le cas échéant, à l'époque convenue.

Le sieur Cohen demande que la vente soit déclarée résolue.

JUGEMENT.

Attendu qu'en réponse à l'acte qui a été signifié le 20 juin dernier par le sieur Cohen fils de Samuel au sieur Jean Luce, celui-ci a désigné les noms de deux navires sur lesquels les blés qui ont fait l'objet de la vente qui a eu lieu entre eux étaient en chargement, avec offre de livrer lesdits blés par le premier des deux navires désignés qui arriverait;

Attendu qu'avant toute demande de la part du sieur Cohen fils de Samuel, et le 16 du courant, ledit sieur Jean Luce a exhibé à son acheteur le connaissement constatant le chargement desdits blés sur l'un des deux navires désignés;

Attendu que les parties ne sont point convenues que là où de vendeur n'exhiberait pas le connaissement, au plus tard fin juin, la vente serait par ce seul fait résolue;

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Que, de l'absence de cette clause, il résulte évidemment la preuve que les parties n'ont pas entendu mettre à cette condition l'importance que le sieur Cohen fils de Samuel voudrait y attacher aujourd'hui;

Attendu qu'en l'état de l'exhibition qui a été faite par le sieur Jean Luce du connaissement constatant le chargement des blés vendus, le maintien de la vente ne saurait plus être mis en question;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter aux exceptions proposées par le sieur Cohen fils de Samuel faisant droit au contraire

à la demande du sieur Jean Luce, maintient la vente des mille charges blé dont il s'agit, pour être exécutée, s'il y a lieu, à l'arrivée du navire le Maine, capitaine Auguste Pineau, suivant sa forme et teneur; condamne le sieur Cohen fils de Sa muel aux dépens.

Du 22 juillet 1836.-Prés. M. BENSA.-Plaid. MM. MASSOL-D'ANDRÉ pour Luce, LECOURT pour Cohen. Le 15 août passe sans que le navire le Maine soit arrivé.

Le 29 du même mois, le sieur Cohen assigne à son tour le sieur Luce, il demande que, faute d'accomplissement de la condition. sous laquelle la vente des milles charges blé de Saint-Gilles · avait été convenue, la livraison au 15 août, cette vente soit déclarée comme n'ayant jamais existé qu'en simple projet et, par suite, annulée.

Le sieur Luce demande le délai d'un mois pour effectuer la livraison.

JUGEMENT.

Attendu que les ventes, lorsqu'elles sont parfaites, doivent être réalisées à l'époque convenue; que décider le contraire serait faire manquer les spéculations que se sont promises les parties;

Attendu que le sieur Jean Luce s'était obligé de livrer la marchandise lors de l'arrivée du navire le Maine, capitaine Pineau, laquelle devait avoir lieu, au plus tard, le 15 du courant; que cette condition était substantielle de la vente, qui, jusques alors, restait en simple projet;

Attendu que l'arrivée du navire, ou soit l'accomplissement de la condition sans laquelle la vente ne pouvait être parfaite, ne s'étant pas réalisée, il n'y a pas eu vente;

LE TRIBUNAL, faisant droit à la demande du sieur Cohen fils de Samuel, déclare simple projet de vente les accords verbaux convenus entre les parties, et, en conséquence, replace lesdites parties dans le même état où elles étaient avant lesdits accords; condamne le sieur Jean Luce aux dépens.

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Du 29 août 1836. Prés. M. BENSA.-Plaid. les mêmes défenseurs.

Assurance. Police non signée.

Serment.

La formalité de l'écriture dans le contrat d'assurance est-elle tellement substantielle, qu'elle ne puisse être suppléée par le serment décisoire? (Rés. aff.)

En conséquence, l'assuré est-il sans droit pour réclamer les effets d'une police non signée de l'assureur, et pour déférer à celui-ci le serment décisoire sur l'acceptation de l'assurance? (Rés. aff.)

(Homsy contre Salabert.)

EN novembre 1836, le sieur Homsy propose au cercle d'assurances, à Marseille, une assurance de 7,500 fr. sur facultés en soies chargées en Syrie à bord du navire français Mont-Liban, de sortie de Chypre à Marseille.

Une police, à raison de cette assurance, est rédigée, mais elle n'est pas signée par l'agent de la compagnie du cercle d'assurances.

Le 29 novembre, le sieur Homsy assigne le sieur Salabert, agent de cette compagnie; il demande que, dans le jour du jugement à intervenir, le cercle d'assurances soit tenu de lui remettre la police que le sieur Homsy prétend avoir été consentie le 23 novembre par cette compagnie pour l'assurance dont il s'agit; qu'à défaut, l'agent de la compagnie

T. XVI. Ire P.

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soit condamné à lui payer la somme de 7,500 fr., à titre de dommages-intérêts.

Le sieur Salabert oppose que la police d'assurance réclamée n'a point été signée; que, dès lors, le contrat n'a point été formé, et le sieur Homsy est sans droit ni action contre la compagnie.

Le sieur Homsy défère subsidiairement au sieur Salabert le serment décisoire, sur le fait de savoir s'il n'a pas accepté l'assurance et s'il ne l'a pas reconnue postérieurement au 23 novembre.

Le sieur Salabert refuse le serment; il soutient qu'il n'y a pas lieu d'ordonner le serment, puisque la loi n'accorde aucune force à l'assurance qui ne résulte pas d'un contrat rédigé par écrit.

JUGEMENT.

Vu l'art. 332 du code de commerce et attendu que la disposition de cet article exige que le contrat d'assurance soit rédigé par écrit, que cette formalité substantielle manque dans l'espèce, puisque la police dont il s'agit n'a pas été revêtue de la signature de l'agent de la compagnie du cercle d'assurances;

Attendu que si, en règle générale, le serment décisoire peut être déféré en tout état de cause et sur quelque espèce de contestation que ce soit, ce principe reçoit une exception pour les cas où la loi exige impérieusement que la convention soit rédigée par écrit, que telle est l'opinion des auteurs et notamment celle d'Emérigon, dans son Traité des assurances ; que, s'il en était autrement, il serait par trop facile d'éluder les dispositions de la loi;

Attendu, d'ailleurs, que le serment décisoire ne saurait jamais faire l'objet de fins subsidiaires;

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter à la demande tant principale que subsidiaire du sieur George Homsy, dans laquelle il est déclaré tout à la fois non recevable et sans action, met la com

pagnie du cercle d'assurances hors d'instance et de procès, avec dépens.

Du 2 décembre 1836.-Prés. M. BENSA-Plaid. MM. MASSOL-D'ANDRÉ pour Salabert, SERMET pour Homsy.

OBSERVATIONS.

L'opinion d'EMÉRIGON, dont le tribunal de commerce de Marseille s'est étayé dans le jugement que nous venons de rapporter, est formelle sur la nécessité de l'écriture dans le contrat d'assurance, d'où cet auteur conclut qu'on no pout roi déférer Ե le serment décïsoire à celui qui dénie l'assurance verbale, ni le faire répondre catégoriquement, ni moins encore admettre la preuve testimoniale, sous prétexte, soit de la modicité de la somme, soit d'un commencement de preuve par écrit (1).

Toutefois, cette opinion d'Emérigon n'est pas adoptée comme règle absolue par les auteurs qui ont écrit depuis la publication du code de com

merce.

ESTRANGIN professe, avec Pothier et Valin, que l'écriture n'est requise que pour la preuve et non pour la substance de l'acte, et il ajoute : « Le «< contrat d'assurance est un contrat de bonne foi, <«< dans lequel les formes ne peuvent être requises « pour la validité de l'accord en lui-même, mais << seulement pour en constater l'existence; si l'ac<< cord est obligatoire, quoique verbal, celui qui s'en «< défend ne peut le faire qu'en le niant et en se

(1) Traité des Assurances, tom. 1er, chap. 11, 1re sect.

II,

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