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chéris, du port Navalo, commandé par le capitaine Letallec, parti, le rer du même mois, de Toulon et Bandol pour Rouen, avec un chargement de vin et de sumac, est assailli par une violente tempête qui lui cause des dommages considérables. Les deux mâts sont arrachés, le gui et le bâton du foc cassés et emportés le long du bord, la chaloupe qui se trouvait sur le pont, renversée.

A la suite de ces dommages et après délibérations de l'équipage, les haubans et cordages qui retenaient les mâts sont coupés et abandonnés, la chaloupe jetée à la mer, ainsi que divers autres objets du navire.

Du 18 au 20, le navire reste dans cette position, exposé à être englouti.

Le capitaine fait mettre deux pavillons de détresse. Ces signaux sont aperçus du brick français la Liberté du commerce, commandé par le capitaine Bertaud.

Ce capitaine descend aussitôt dans son canot et se rend à bord des Enfans chéris.

Après délibération des deux capitaines entr'eux et avec les principaux de l'équipage, il est reconnu que le navire les Enfans chéris ne peut être remorqué.

Le capitaine Letallec et son équipage se décident, en conséquence, à abandonner le navire, et se rendent à bord de la Liberté du commerce qui les transporte à Marseille.

Le capitaine Letallec fait son rapport au greffe du tribunal de commerce.

Dans les vingt-quatre heures qui suivent l'aban

don des Enfans chéris, ce navire est rencontré en mer par le navire anglais Aurora, commandé par le capitaine Stiven, qui le prend à la remorque et le conduit dans le port de Marseille.

A l'arrivée, il est mis en la possession de l'administration de la marine, qui y fait apposer les scellés et y établit un gardien.

Le 25 janvier, le capitaine Letallec, en qualité de copropriétaire et armateur du navire les Enfanschéris, assigne devant le tribunal de commerce les sieurs Pierre et Hypolite Gros frères, chargeurs des vins embarqués sur ce navire, la compagnie d'assurances de Marseille, assureur sur la cargaison, le capitaine Stiven, sauveteur du navire abandonné, et le sieur d'Heureux, commissaire à l'inscription maritime.

il demande que le capitaine Stiven soit tenu dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir, de lui faire la remise du brickgoëlette les Enfans chéris et de sa cargaison; plus, de tous les agrès, objets, marchandises et autres appartenans à ce navire, qui auraient pu être transbordés sur le navire Aurora; qu'à défaut, le capitaine Letallec soit autorisé à s'en faire mettre en possession par les voies de droit, sous réserve, toutefois, des droits du capitaine Stiven, tant sur le navire les Enfans chéris que sur la cargaison, à raison de leur sauvetage.

Le capitaine Letallec demande en outre, qu'il soit nommé d'office un expert pour procéder à la description et estimation du navire les Enfans chéris et de sa cargaison, ainsi que des divers agrès

et marchandises en dépendant, qui ont été transbordés sur le navire Aurora, indiquer et évaluer les réparations qu'il faudrait effectuer pour remettre le navire en état de reprendre son voyage pour Rouen, indiquer et évaluer les divers agrès et objets quelconques sacrifiés pour le bien et le salut communs; le tout sous la réserve des droits de toutes les parties.

Enfin, le capitaine Letallec demande la nomination, d'office, d'un tiers consignataire chargé de recevoir et emmagasiner la cargaison du navire les Enfans chéris et de procéder, pour compte de qui il appartiendra, à son bénéficiement.

Le 26 janvier, le capitaine Stiven, de son côté, s'appuyant sur l'art. 27, du tit. Ix, liv. Iv de l'ordonnance de 1681, assigne le commissaire à l'inscription maritime, le capitaine Letallec et les sieurs Gros frères, à fins de condamnation contre le capitaine Letallec au paiement du tiers du navire sauveté et contre les sieurs Gros frères, au paiement du tiers de la cargaison sauvetée, le tout d'après l'estimation qui en sera faite par trois experts nommés d'office.

Le capitaine Stiven demande que ces condamnations soient exécutoires, nonobstant la prise de possession du navire les Enfans chéris et de sa cargaison par l'administration de la marine, déclarant rester étranger à toutes contestations sur ce point.

Il déclare, sous réserve de son privilége, n'empêcher que le navire soit provisoirement reçu par le capitaine Letallec, et la cargaison par les sieurs Gros frères, comme séquestres et dépositaires de justiceet à charge de représentation.

Enfin, le capitaine Stiven déclare consentir sur l'indemnité qui lui sera allouée, la compensation de quinze litres de vin qu'il a pris sur une barrique de vin défoncée, placée sur le pont, de cinquante kilogrammes biscuits, de deux barriques à eau et du bout de greling avec lequel il avait commencé à remorquer le navire; plus, de six barriques de vin de la cargaison, le tout d'après estimation à faire par les experts.

Le capitaine Letallec demande la jonction de l'instance par lui introduite avec celle introduite par le capitaine Stiven.

Les sieurs Gros frères ne s'opposent point à cette jonction et ils déclarent, sous la réserve de tous leurs droits et actions, même de faire délaissement aux assureurs sur les vins, ne point s'opposer aux mesures provisoires et conservatoires que l'état du navire et de la cargaison pourra exiger, au moyen de lanomination d'un tiers consignataire et d'un expert estimateur, sous la réserve de tous droits respectifs.

La compagnie d'assurances de Marseille, s'oppose à toute mesure préparatoire, comme inutile, attendu que, par l'abandon fait en mer du navire les Enfans chéris par le capitaine Letallec, ce dernier a rompu le voyage, et que les avaries, s'il y en a, doivent être supportées par les propriétaires des objets qui les ont éprouvées, sans répartition.

A tout événement, et dans le cas où les mesures préparatoires dont il s'agit seraient ordonnées, la compagnie demande que ce soit sous la réserve très expresse de ses droits, moyens et exceptions contre la demande du capitaine Letallec.

Le commissaire à l'inscription maritime déclare être prêt à faire remise du navire les Enfans chéris à qui justice ordonnera, moyennant remboursement à l'administration de la marine des frais et droits à elle dus à raison de la séquestration du navire et de l'apposition des scellés.

Le 30 janvier, jugement ainsi conçu:

Attendu que la jonction des demandes n'est pas contestée; Attendu que si une indemnité est due au capitaine Stiven, pour avoir sauvé et ramené à Marseille le corps du navire les Enfans chéris et sa cargaison, il est convenable de renvoyer la fixation de cette indemnité après le rapport d'expert, sans retardation toutefois de la restitution du navire et de sa cargaison;

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Attendu que dans l'intérêt de tous les intéressés, quels qu'ils soient, et sous la réserve de tous droits, il est convenable, par mesure provisoire, de nommer un expert pour vérifier et constater l'état du navire et de la cargaison, et fixer la valeur actuelle du tout;

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Qu'il est convenable aussi, conservatoirement, de nommer un tiers, consignataire d'office, pour soigner la cargaison pour compte de qui il appartiendra et sous la réserve de tous leurs droits,

LE TRIBUNAL, ayant tel égard que de raison aux fins et conclusions de toutes les parties sous la réserve de tous leurs droits et exceptions généralement quelconques, même ceux des propriétaires de la cargaison pour faire abandon à leurs assureurs, s'il y a lieu, joint l'instance introduite par le capitaine Stiven à celle introduite par le capitaine Letallec;

Ordonne que dans les vingt-quatre heures de la signification du présent jugement, le capitaine Stiven fera remise au capitaine Letallec en sa qualité du brick-goëlette les Enfans chéris, ensemble de sa cargaison et encore de tous les objets généralement quelconques ayant fait partie, soit de ladite cargaison

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