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loutier aîné et comp., privilége qui seul suffirait pour écarter les exécutions des sieurs Grandval et

Girard.

Les sieurs Pelloutier et consorts affirment, en fait, que le montant de leurs créances sur le sieur De la Chevallerie est supérieur à la valeur des noirs en leur possession, et ils soutiennent qu'en fût-il autrement les droits des sieurs Grandval et Girard se réduiraient à faire saisie-arrêt.

Les sieurs Pelloutier et consorts insistent à réclamer des dommages-intérêts à raison du préjudice que leur ont causé les exécutions que les sieurs Grandval et Girard ont faites et continuées malgré la connaissance qu'ils avaient des droits de Pelloutier aîné et comp. et les protestations de ceux-ci.

Le préjudice causé résulte de la suspension de l'affrétement de deux navires destinés à l'expédition des noirs, de l'empêchement où les sieurs Pelloutier et consorts se sont trouvés de contracter d'autres affrétemens à des prix avantageux, et de l'impossibilité où ils ont été de faire arriver la marchandise au lieu d'emploi en temps opportun.

Les sieurs Grandval et Girard, de leur côté, soutiennent d'abord que la procédure qu'ils ont suivie est régulière; sur ce point, leurs moyens de défense sont suffisamment indiqués dans la première partie des motifs du jugement ci-après.

Ensuite, sur le fond, ils soutiennent:

Que le nantissement dont se prévalent les sieurs Pelloutier et consorts n'est pas suffisant pour leur donner un droit exclusif à la marchandise;

Qu'en effet, l'acte qui leur a conféré ce nantisse

ment ne contient pas l'état des qualités, poids et mesures de l'objet constituant le gage, ainsi que l'exige l'art. 2074 du code civil; qu'il se réfère à un objet dont la possession n'est pas réalisée au moment du contrat, à une chose future;

Que le nantissement est donc imparfait;

Que la possession actuelle dont excipent les sieurs Pelloutier et consorts ne saurait suppléer à l'imperfection du nantissement pour leur donner privilége sur le prétendu gage, puisque les noirs dont il s'agit existent dans un local loué au sieur De la Chevallerie, que le sous-bail qu'il aurait passé à Pelloutier n'a pas été signifié, que la remise des clés aux sous-locataires n'est constatée par aucun acte authentique, et que, même après la notification de l'acte de nantissement, faite seulement parte in quá, tout s'est passé, quant aux livraisons des noirs par les raffineurs, et aux paiemens de la marchandise et du loyer, comme auparavant, la maison Bousquet ayant continué à recevoir et payer pour compte du sieur De la Chevallerie.

Les sieurs Grandval et Girard ajoutent que vainement les sieurs Pelloutier et consorts réclament le droit attribué aux commissionnaires à raison de leurs avances; que cette disposition ne leur est pas applicable, puisqu'il s'agit de deux maisons habitant la même place;

Enfin, ils soutiennent que Pelloutier et consorts fussent-ils commissionnaires et nantis, le nantissement, quelque parfait qu'il fût, ne serait pas un obstacle à l'action des sieurs Grandval et Girard; que Pelloutier et consorts ne sont pas propriétaires

des marchandises dont il s'agit, et qu'ils prétendent affectées à leur privilége; qu'il ne dépend pas d'eux de garder un nantissement qui pourrait absorber la fortune entière du débiteur commun; que, dès lors, Grandval et Girard ont le droit de faire vendre, sauf à régler le rang respectif de chacun sur le produit.

Les sieurs Grandval et Girard concluent, en conséquence, à être mis hors d'instance et de procès sur les demandes des sieurs Pelloutier et consorts.

JUGEMENT,

QUESTIONS.

1o Faut-il, ou non, accueillir les moyens de nullité proposés par Pelloutier et consorts, envers l'ordonnance de M. le président, du 29 juin dernier ?

20 Au fond, Pellontier aîné et comp. sont-ils, ou non, commissionnaires nantis des noirs résidus exécutés par Grandval et Girard; et s'ils sont commissionnaires nantis, peuvent-ils s'opposer à ces exécutions?

3o Que faut-il statuer sur les dommages-intérêts?

4o Y a-t-il lieu d'ordonner l'exécution provisoire sous caution? Sur la première question.

Aitendu que l'art. 417 du code de procédure civile, qui attribue au président du tribunal de commerce le droit d'accorder, sur requête, une saisie provisoire et conservatoire, n'établit pas, pour ce droit, la compétence exclusive du juge du domicile personnel du débiteur; que s'agissant de mesures d'urgence, il est plus raisonnable d'admettre qu'elles sont dans les attributions du juge du lieu dans lequel se trouvent ces objets sur lesquels porte la saisie conservatoire;

Attendu que le président de céans était d'autant mieux compétent pour ordonner cette saisie contre le sieur De la Cheyal

lerie, que c'était à ce tribunal que devait étre portée la connaissance du fond de la contestation entre celui-ci et les sieurs Grandval et Girard;

Attendu que l'art. 417 n'exige pas que le juge détermine dans son ordonnance la somme pour laquelle il autorise la saisie; que si telle eût été la volonté du législateur, il s'en serait formellement expliqué, ainsi qu'il l'a fait dans l'article, relatif aux saisies-arrêts; qu'au surplus, en admettant cette détermination nécessaire, elle résulterait suffisamment de ce que, en accordant la saisie aux fins requises, M. le président s'en est référé implícitement à l'exposé de la requête dans laquelle les sieurs Grandval et Girard se disent créanciers de 7,000 fr. du sieur De la Chevallerie ;

Attendu que les sieurs Grandval et Girard ont accompli, autant qu'il était en eux, la condition de l'ordonnance, de citer le sieur De la Chevallerie pour la première audience; qu'au surplus, le défaut d'accomplissement de cette condition, de la part de Grandval et Girard, n'a porté aucun préjudice à Pelloutier aîné et consorts, puisqu'ils ont eu le droit de s'opposer immédiatement à la saisie, sans attendre l'accomplissement des formalités ordonnées contre De la Chevallerie;

Attendu qu'il résulte suffisamment de la correspondance produite par Grandval et Girard, qu'ils sont, en effet, créanciers du sieur De la Chevallerie;

Sur la seconde question:

Attendu qu'il est prouvé par l'acte de nantissement passé devant notaire, le 7 mars 1835, signifié aux sieurs Grandval et Girard, le 24 novembre dudit mois, et par l'intervention des sieurs Pelloutier aîné et consorts dans la réception et le paiement des marchandises livrées postérieurement à cette signification, que lesdits sieurs Pelloutier aîné et Ulric Sellier, et pour eux, les sieurs Jeanbernat frères sont devenus les commissionnaires du sieur De la Chevallerie pour l'opération des noirs résidus achetés par celui-ci des raffineurs de Marseille; Qu'il est de principe que le commissionnaire qui reçoit et

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paye une marchandise pour compte de son commettant est privilégié à l'instar du vendeur;

Qu'il a été décidé par la jurisprudence qu'il n'était pas nécessaire, pour que le privilége fût accordé au commissionnaire, que celui-ci résidât sur une place autre que celle où réside le commettant et qu'il suffisait que l'opération sé passât sur une autre place (1), que cette dernière circonstance se rencontre dans l'espèce, en faveur de Pelloutier aîné et consorts, puisqu'il s'agit de marchandises reçues à Marseille pour être expédiées à Nantes;

Attendu, au surplus, que les sieurs Jeanbernat frères, comthissionnaires eux-mêmes de Pelloutier aîné et consorts, et par conséquent, commissionnaires de la Chevallerie, auraient, dans tous les cas, à invoquer le bénéfice de la résidence sur une autre place et que, par conséquent, ce bénéfice serait par eux transmis aux sieurs Pelloutier aîné et consorts, puisque ceux-ci ont payé et paient les traites de Jeanbernat frères qui se remboursent ainsi de leurs avances;

Attendu qu'il est de principe que les droits du commissionnaire, ainsi qualifié, sont ceux du créancier nanti d'un gage;

Que, sans s'occuper en conséquence de l'effet du contrat de nantissement du 7 mars 1835, qui paraît n'avoir eu pour objet que les noirs à livrer, et de donner à Pelloutier aîné et consorts le droit d'en exiger la livraison, il suffit donc que leur privilége comme commissionnaires, soit reconnu sur la marchandise livrée, qu'ellé soit à leur disposition ou à la dispositiou de leur préposé

Ft sur ce, attendu qu'il est établi que Pelloutier aině et consorts sont sous-locataires de l'enclos loué par Grandval et Girard au sieur De la Chevallerie; que Grandval et Girard en

(1) Voy.ce Recueil, tom. x11, re part., pag. 225, et 11 part., pag. 1; tom. XIV, Ire part., pag. 65. Voy. Arrêt de Bordeaux, du 24 décembre 1824. Annales de Roger et Garnier, tom. 11., pag. 118; et Sirey, 1825, me part., pag. 103.

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