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(Sampolo contre assureurs.)

LE 20 décembre 1831, le sieur Damiano Bernardini, capitaine en second de la goëlette les Trois Sœurs, commandé par le capitaine Guagno, fait assurer à Marseille, sur corps de ce navire, pour compte des intéressés, la somme de huit mille francs, de sortie de Marseille à Ajaccio.

Le même jour, le sieur Bernardini fait assurer, pour son compte particulier, une autre somme de huit mille francs sur facultés chargées à bord du navire les Trois Sœurs.

Le 22 décembre, le navire assuré part de Marseille.

Le 24, il périt à la hauteur de Cargesi (Corse), à la suite d'une voie d'eau manifestée subitement.

Dès que cette perte est connue à Ajaccio, les personnes du pays intéressées à l'arrivée du navire dirigent contre le sieur Bernardini une plainte en baratterie.

L'instruction de cette plainte est poursuivie 'devant le juge d'Ajaccio.

Pendant ce temps, et le 12 février 1832, le sieur Sampolo, négociant à Ajaccio, agissait en qualité de porteur de la police d'assurance sur corps de la goëlette les Trois Sœurs et de propriétaire de ce navire, signifie délaissement aux assureurs et les assigne devant le tribunal de commerce de Marseille, à fins de paiement de la somme de huit mille francs, assurée et perdue par suite du naufrage et sombrement de la goëlette.

Les assureurs excipent des poursuites en baratterie, dirigées contre le sieur Bernardini.

Ils soutiennent qu'il existe des indices qui ne laissent aucun doute sur la réalité de la baratterie commise par Bernardini; qu'un des principaux, c'est le défaut d'embarquement de partie des marchandises qu'il avait fait assurer;

Que si Bernardini est reconnu coupable de baratterie, ils n'auront point à payer la perte du navire les Trois Sœurs, lors mênie que le sieur Sampolo prouverait qu'il est l'unique propriétaire de ce navire, ce qui ne peut, en l'état, être tenu pour constant;

Que, dès lors, l'action civile sur le délaissement doit être suspendue jusqu'après le jugement de l'action criminelle relative à la baratterie,

En conséquence, les assureurs demandent par leurs conclusions que sans préjudice de leurs droits au fond, notamment de contester au sieur Sampolo sa qualité de propriétaire du navire les Trois Sœurs et de porteur de la police d'assurance, il soit sursis à statuer sur l'action en délaissement formée par le sieur Sampolo jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la plainte en baratterie dirigée contre le sieur Bernardini.

JUGEMENT.

Attendu que, dans l'esprit de l'art. 3 du code d'instruction criminelle, ce n'est que dans le cas où l'action civile et l'action criminelle sont intentées contre la même personne, que le sursis à l'action civile peut être demandé et obtenu, ainsi qu'il a été jugé par la cour suprême;

Que, dans l'espèce, les poursuites criminelles qui sont dirigées

par le ministère public d'Ajaccio et dont excipent les assureurs n'ont pas lieu contre le sieur Sampolo envers lequel on demande, le sursis, mais bien contre le sieur Bernardini;

Attendu néanmoins que, d'après les circonstances que présente la cause et les diverses qualités que l'on attribué à Ber¬ ́ nardini, lesquelles, quoique non pleinement justifiées, sont cependant de nature à être prises en considération par le tri-, bunal, les résultats du procès criminel pourraient ne pas être, sans influence sur la décision au fond de la question qui est soumise au tribunal;

Que, d'un autre côté également, le titre dont le sieur Sampolo est porteur et qui ne saurait être tout à fait paralysé entre ses mains par de seules présomptions, mérite la protection de la justice;

Qu'en l'état de ces considérations, il est de la justice du tribunal de prendre des mesures qui puissent, tout en respectant les droits du sieur Sampolo, sauye-garder en même temps les intérêts des assureurs,

· LE TRIBUNAL ordonne qu'il sera sursis au jugement de la demande formée par le sieur Sampolo contre les assureurs au procès jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur la plainte en baratterie poursuivie par le ministère public d'Ajaccio contre e sienr Bernardini; condamne néanmoins, provisoirement, les assureurs, chacun en droit soi, au paiement de la somme assurée, s'élevant à huit mille francs, à la charge, toutefois, par le sieur Sampolo de donner bonne et suffisante caution, les dépens réservés.

Du 24 mai 1832. Prés. M. BENSA, Plaid, MM. ROUVIÈRE pour Sampolo, SERMET pour les

assureurs.

Le sieur Sampolo ne poursuit pas l'exécution de ce jugement,

Le 27 juin 1833, arrêt de la cour d'assises du département de la Corse, par lequel Damiano Ber nardini, déclaré coupable d'avoir fait périr volon

tairement et avec intention frauduleuse, le navire les Trois Sœurs, est condamné, par contumace, à la peine de mort.

Postérieurement à cet arrêt et le 6 septembre 1835, Damiano Bernardini, décède en Sardaigne, en état de contumace.

Le 6 août 1836, le sieur Sampolo assigne de nouveau les assureurs sur corps du navire les Trois Sœurs devant le tribunal de commerce de Marseille.

Il demande que le paiement provisoire, ordonné par le jugement du 24 mai 1832, et non encore effectué, soit et demeure converti en paiement définitif, et que, par suite, les assureurs soient définitivement condamnés à lui payer la somme assurée, avec dispense de toute caution de sa part.

Les assureurs, au contraire, se fondant sur la baratterie constatée à l'encontre de Bernardini, demandent que la police d'assurance du 20 décembre 1831, soit déclarée nulle; qu'en conséquence, la condamnation provisoire prononcée contre les assureurs, par le jugement précité, soit révoquée et le sieur Sampolo débouté avec dépens.

Le sieur Sampolo soutient que l'assurance doit à son égard ressortir tout son effet :

1° Parce que la condamnation pour cause de baratterie, prononcée contre Bernardini, ne peut plus être invoquée, puisque celui-ci étant décédé en état de contumace, il est réputé avoir été innocent;

2° Parce que l'inculpation de baratterie ne peut .atteindre le sieur Sampolo, propriétaire légal du navire assuré, porteur de la police d'assurance, pour compte de qui l'assurance a été prise, et à qui l'on ne peut reprocher aucune mauvaise foi, aucune intention de fraude, à raison de cette assurance.

JUGEMENT.

Attendu que, par police du 20 décembre 1831, enregistrée, Damiano Bernardini, capitaine en second du navire les Trois

Sœurs, s'était fait assurer pour comple des intéressés, et par conséquent sans désignation expresse de pour compte, une somme de huit mille francs sur corps du navire les Trois Sœurs, de sortie de Marseille à Ajaccio.

Que, le même jour et par une autre police, ledit Damiano Bernardini s'était également fait assurer pour son propre compte sur facultés dudit navire et pour le même voyage, une somme de huit mille francs, assurance qui a été reconnue avoir été faite sans aliment;

Attendu qu'après la perte du navire les Trois Sœurs, arrivée dans la matinée du 24 dudit mois de décembre, et le 11 février 1832, le sieur Sampolo, agissant en qualité de porteur de la police d'assurance du 20 décembre, et de propriétaire du navire les Trois Sœurs, fit abandon aux assureurs de ladite police du navire les Trois Sœurs et les cita devant le tribunal, en paiement de la somme assurée ;

Que, sur cette citation, et par jugement du 24 mai 1832, le tribunal, attendu la poursuite criminelle dirigée contre Damiano Bernardini, sursit au jugement de la demande du sieur Sampolo, jusqu'à ce que le procès au criminel fût vidé, et condamna toutefois les assureurs au paiement provisoire de la perte, moyennant caution; jugement dont le sieur Sampolo n'a pas poursuivi l'exécution;

Attendu que, par arrêt de la cour d'assises du département de la Corse, du 27 juin 1833, Damiano Bernardini a été déclaré coupable d'avoir fait périr volontairement et avec intention frauduleuse le navire les Trois Sœurs et a été condamné, par contumace, à la peine de mort;

Que, postérieurement à cet arrêt, et le 6 septembre 1835, Damiano Bernardini est décédé en Sardaigne, en état de contumace;

Attendu que, le 6 août 1836, le sieur Sampolo a fait citer les assureurs en paiement définitif de la somme assurée;

Attendu qu'en l'état de ces faits établis au procès et des débats qui ont eu lieu à l'audience, le tribunal a à examiner : lo si

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