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partie de la cargaison qui est arrivée à Cayenne, lieu du reste, est tout à la fois non recevable et inadmissible: puisque, d'une part, cela a déjà été décidé par le jugement du 25 mars ; et que, d'autre part, ce serait rendre les assureurs responsables de la non réussite de la spéculation de l'assuré, ce qui est évidemment contraire aux principes qui régissent le contrat d'assurance.

Au surplus, les sieurs Bobillier père et fils ont eux-mêmes déjà fait justice de ce premier chef de leur demande, par les fins subsidiaires qu'ils ont prises.

Relativement à ces fins subsidiaires, les assureurs conviennent que la faute commise par le capitaine Vailhen, en vendant, sans nécessité, des marchandises à la Pointe-à-Pître, au delà des besoins constatés du navire, est aujourd'hui hors de toute discussion, puisque le jugement du 25 mars a prononcé sur ce point.

Mais, quelle est la réparation que le capitaine Vailhen, ou soit les assureurs, qui ont pris sa baratterie à leur charge, doivent à raison de cette faute?

Cette réparation est indiquée et fixée par l'art. 236 du code de commerce qui porte que : << Le capitaine qui a vendu des marchandises sans nécessité, en cours de voyage, est tenu du remboursement de l'argent ou du paiement des objets vendus. >>

Or, il est établi par les comples produits par les sieurs Bobillier père et fils, que les marchandises vendues à la Pointe-à-Pitre ont produit net une somme de 30,530 fr. 65 c.

Si cette somme ne représente pas la valeur que les marchandises vendues avaient d'après la facture originaire et dans la proportion de l'évaluation donnée à la cargaison entière, dans la police d'assurance, les assureurs reconnaissent qu'ils sont tenus, d'après l'article précité, de payer cette somme; mais la justification de cette moins-value est à la charge des sieurs Bobillier père et fils, demandeurs en règlement d'avaries.

Loin de là, les assurés, pour fixer cette moins value, veulent prendre pour base non point le produit des marchandises vendues à la Pointe-à-Pitre, mais le produit des retraits opérés de la Pointe-àPitre à Marseille; c'est ce que les assureurs ne sauraient admettre, par la raison toute simple, que l'assurance ne porte ni sur la spécialité des denrées en retraits de la Pointe-à Pître à Marseille, ni même sur ancun voyage d'aucun navire de la Pointe-àPître à Marseille; qu'ils ne sont assureurs que sur facultés chargées à bord de la Fleur de la Mer, et que, par conséquent, ils n'ont à répondre d'autres pertes que de celles qui ont frappé ces facultés.

Dès lors, la prétention émise par les sieurs Bobillier père et fils, dans leurs fins subsidiaires, de faire supporter aux assureurs une somme de 27,274 f. 55c. qui serait, suivant eux, la perte que la vente à la Pointe-à-Pitre leur avait fait éprouver, ne saurait être accueillie.

Car, il est établi par les pièces produites au procès, que, sur la vente opérée à la Point-à-Pitre, le capitaine Vailhen a employé une somme de 7,791 fr.

pour payer les dépenses occasionées par forcée et les réparations faites au navire.

la relâche

Or, en faisant ce paiement, le capitaine est resté dans les limites de son mandat, puisque la relâche avait été nécessitée par la réparation des avaries souffertes par le navire, à la suite des tempêtes qu'il avait essuyées, et que ces réparations avaient été jugées nécessaires par les experts. La somme employée l'a donc été dans l'intérêt du corps et ne peut concerner les assureurs sur facultés, mais bien les assureurs sur corps et l'armateur..

D'autres sommes encore ont été employées par le capitaine Vailhen à payer des adjudications obtenues contre lui par des passagers; ces dépenses concernent l'armement et non les facultés assurées; les assureurs y sont complétement étrangers.

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De sorte qu'en définitive, la somme dont les assureurs doivent remboursement aux sieurs Bobillier père et fils se réduit à 12,405 fr., résultant de la moins-value des marchandises vendues à la Pointe-àPitre comparativement à leur valeur d'après la police, déduction faite des sommes employées par le capitaine pour le corps et pour l'armement.

Quant à la franchise stipulée dans la police, au profit des assureurs, elle doit incontestablement être déduite, avec la prime, de la somme à payer.

A cet égard, l'analogie que les sieurs Bobillier père et fils ont prétendu établir entre le destourbier et l'hypothèse de la cause ne peut être admise.

En effet, quel motif Emerigon, invoqué par eux, donne-t-il au soutien de l'opinion qu'il émet, que, malgré la clause franc d'avaries, les assureurs, danş

le cas d'un destourbier, sont tenus de la totalité de

la perte.

C'est que, dit-il, le destourbier est d'une nature toute différente de l'avarie proprement dite.

Or, si d'après Emerigon lui-même, la baratterie de patron est considérée comme une fortune de mer et par conséquent comme une avarie, on ne peut pas appliquer à celle-ci des principes qui ne concernent que le destourbier qui n'est pas une avarie.

Pour se convaincre que la baratterie est une fortune de mer, il suffit de rapporter ce que dit cet auteur sur ce point (1).

<< Valin dit que par la nature du contrat d'assu rance, l'assureur n'est chargé de droit que des pertes qui arrivent par cas fortuit, par fortune de mer, ce qui est tout a fait étranger aux fautes que peuvent commettre le maître et les mariniers.

<< Pothier tient le même langage.

« Il est vrai, poursuit Emerigon, que ce n'est pas ici un dommage qui procède ex marinæ tempestatis discrimine; mais la baratterie n'est pas moins un risque et un très grand risque maritime, puisqu'on est obligé de confier son bien aux gens de mer, qui' peuvent quelquefois oublier les devoirs de leur état, ou qui, par imprudence occasionent des pertes.

« Voilà pourquoi le guidon de la mer avait mis la baratterie sur le compte des assureurs; voilà encore pourquoi notre ordonnance permet aux assureurs de se charger de la baratterie du patron, ce

(1) Asssurances, tom. 1er, chap. XII, sect. 1, § 11.

qu'elle ne permettrait pas, si, du moins en un sens, ce cas n'était pas une fortune de mer.

<< Si une personne, que j'avais lieu de croire honnête, me trompe et emporte l'argent que je lui ai confié, cet événement sera pour moi un cas fortuit, suivant la loi 20 D. Commodati,

« Si cet événement arrive sur mer, ce sera alors une fortune de mer qui sera à la charge des assureurs, à moins qu'ils n'en soient déchargés par quelque loi particulière. »

Les sieurs Bobillier père et fils ont invoqué le jugement du 25 mars 1836, comme ayant jugé la question en leur faveur; mais ce jugement ne vientil pas plutôt à l'appui de la défense des assureurs?

Les sieurs Bobillier père et fils avaient plusieurs voies pour obtenir de leurs assureurs le dédommagement du préjudice que la faute du capitaine Vailhen leur avait causé; ils ont opté pour celle d'avarie; le tribunal a fait droit à leur demande et a ordonné le règlement d'avarie.

Or, en suivant ce mode, n'ont-ils pas qualifié leur action et implicitement reconnu que tous les principes relatifs aux avaries leur étaient applicables.

Le tribunal lui-même, en sanctionnant leur choix et en ordonnant le règlement, n'a-t-il pas décidé que ce règlement serait régi par les règles ordinaires à ces sortes d'actions?

Au surplus, la distinction que les sieurs Bobillier père et fils ont voulu établir entre la garantie légale et la garantie conventionnelle, n'est d'aucune portée dans la cause, puisque les assureurs, en demandant à jouir de la franchise, invoquent la loi du contrat autant que la loi positive.

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