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En conséquence, les conclusions des assureurs tendent:

A ce qu'il soit procédé au règlement d'avaries ordonné par le jugement du 25 mars 1836, d'après les bases ci-après, savoir: que les assureurs sur facultés ne seront tenus que de la moins-value des marchandises vendues à la Pointe-à-Pitre, en comparant le produit de cette vente au prix de ces marchandises d'après la facture, et dans la proportion de l'estimation des facultés assurées, portée dans la police d'assurance; à la charge par les sieurs Bobillier père et fils de justifier de cette moins-value et sous réserve expresse, en faveur des assureurs de la déduction de la prime et de la franchise stipulées, les frais du règlement joints au capital contribuable, . pour, la répartition en être faite entre tous les assureurs signataires de la police.

Enfin, à ce qu'il soit déclaré que les assureurs sur facultés demeureront complétement étrangers à toutes les opérations de ventes de retraits opérées à Marseille, ainsi qu'à l'emploi fait par le capitaine Vailhen du produit des marchandises vendues à la Pointe-à-Pitre, sauf aux sieurs Bobillier père et fils leur recours à cet égard, soit contre les assureurs sur corps, soit contre l'armateur du navire la Fleur de la Mer, ou le capitaine Vailhen lui-même.

JUGEMENT.

QUESTIONS.

1o Les sieurs Bobillier père et fils sont-ils fondés à faire ad-. mettre dans le règlement d'avaries à intervenir, à la charge de leurs assureurs sur facultés de la Fleur de la Mer, la perte qu'ils ont éprouvée par le résultat de la vente faite tant à la

Pointe-à-Pitre qu'à Cayenne et le produit des retraits à Marseille; ou bien, leur droit se borne-t-il à réclamer de leurs assureurs la perte par eux éprouvée sur la vente faite à la Pointe-à-Pitre, en comparant le produit de cette vente avec la valeur des marchandises vendues, d'après la facture qui a servi de base à l'assurance ?

2o Les assureurs sont-ils fondés à laisser pour le compte des ieurs Bobillier père et fils l'emploi fait par le capitaine Vailhen du produit des marchandises par lui vendues à la Pointe-àPître ?

30 Les assureurs sont-ils également fondés à déduire des sommes qui seront mises à leur charge, la franchise convenue dans la police?

4° Quid quant aux dépens?

JUGEMENT.

Sur la première question: Attendu qu'en déboutant les sieurs Bobillier père et fils de leur demande en délaissement, le tribunal, par son jugement du 25 mars dernier, a implicitement reconnu que les assureurs sur facultés de la Fleur de la Mer étaient entièrement étrangers à la vente de la partie de la cargaison de ce navire, qui était arrivée à Cayenne, lieu de sa destination;

Que les conclusions principales prises aujourd'hui par lesdits sieurs Bobillier père et fils, auraient pour but, si elles étaient accueillies, de revenir indirectement contre la chose jugée;

Attendu que ce jugement, tout en reconnaissant le capitaine Vailhen en faute, pour avoir vendu à la Pointe-à-Pître, sans nécessité, au delà des besoins constatés, et alors que ces mêmes besoins n'existaient pas encore, une partie de la cargaison de la Fleur de la Mer, a limité la responsabilité des assureurs, à 'raison de cette même faute, aux dommages directs et immédiats qu'elle a occasionés aux sieurs Bobillier père et fils;

Que, pour fixer le chiffre de ces dommages, il suffit de comparer la valeur qui avait été donnée aux marchandises vendues

dans la facture qui a servi de base à l'assurance, avec leur produit à la Pointe-à-Pitre, déduction faite des retraits expédiés par le capitaine Vailhen aus sieurs Bobillier père et fils, et que ceux-ci ont vendus du consentement des assureurs et d'autorité de justice;

Qu'il résulte des documens qui ont été produits, que la valeur, d'après facture, des marchandises qui ont été vendues à Ja Pointe-à-Pitre était de 42,936 fr.; que le produit net de la vente à la Pointe à-Pitre, et sur lequel les sieurs Bobillier père et fils n'ont reçu que 15,661 fr. 35 cent. s'est élevé à 30,530 fr. 75 cent., d'où il résulte une différence de 27,274 fr. 65 cent. dont les assureurs leur doivent le remboursement;

Sur la deuxième question: Attendu que l'emploi qu'a pu faire arbitrairement, et contrairement à son mandat légal, le capitaine Vailhen, des 14,869 fr. 40 cent. formant le solde des 30,530 fr. du produit net de la vente à la Pointe-à-Pître, est étranger aux sieurs Bobillier père et fils;

Que si cette somme a été appliquée utilement, soit au profit du navire, soit à celui de l'armement, c'est aux assureurs à en demander le remboursement à qui de droit, à leurs risques et périls;

Sur la troisième question: Attendu qu'il faut distinguer le droit de l'assuré, vis à vis de ses assureurs, à raison de l'avarie que peut éprouver l'objet assuré, de celui qui résulte pour lui de la clause par laquelle les assureurs prennent à leur charge la baratterie de patron;

Que si le premier est régi par les principes généraux de l'assurance, il n'en saurait être de même du second, qui ne prend sa source que dans la convention et est soumis seulement aux règles du droit commun;

Que bien que la baratterie soit une fortune de mer, il ne s'ensuit pas que l'on doive la considérer comme une avarie lors, surtout, qu'elle n'a pas pour résultat un dommage matériel et fortuit;

Que les dommages résultans de la baratterie sont des dommages-intérêts, proprement dits, entièrement indépendans de

l'état et de la valeur des objets assurés, et qui soumettent celui qui les a causés à rendre celui qui les éprouve indemne, non seulement de la perte qu'ils lui occasionent, mais encore du bénéfice dont elle le prive;

Que c'est ainsi que le tribunal les a déjà considérés dans le jugement du 25 mars, en décidant que les assureurs devaient aux sieurs Bobillier père et fils le dédommagement entier et complet du préjudice que la baratterie du capitaine Vailhen leur occasione ainsi et de la manière qu'ils auraient été en droit de l'obtenir du capitaine lui-même ;

Que ce dédommagement ne serait pas entier et complet si les assureurs pouvaient être fondés à demander la déduction d'une franchise que le capitaine Vailhen n'aurait pas été en droit d'exiger lui-même, et à raison de la privation de laquelle il ne saurait avoir action que contre le capitaine;

'Sur la quatrième question: Attendu que la prétention élevée par les assureurs de joindre les frais de l'instance en règlement d'avaries, ainsi que ceux réservés par le jugement du 25 mars, au capital contribuable, pour en faire la répartition au marc le franc entre tous les signataires de la police d'assurance, ne saurait être accueillie par le tribunal;

Que les dépens, étant la peine du téméraire plaideur, ne sauraient être supportés par des assureurs étrangers à la contestation

1

LE TRIBUNAL, sans s'arrêter à la demande principale des sieurs Bobillier père et fils, dont il les a démis et déboutés, faisant droit seulement aux fins subsidiaires par eux prises, ordonne que par l'expert répartiteur déjà nommé, il sera procédé, aux formes de droit, entre les assureurs au procès et les sieurs Bobillier père et fils, aux règlement et répartition entre les assureurs, et au marc le franc des sommes par eux respectivement prises en risque, de la somme de vingt-sept mille deux cent septante-quatre francs soixante-cinq centimes, montant de la perte éprouvée par les sieurs Bobillier père et fils, par suite de la baratterie commise par le capitaine Vailhen, en

vendant, sans nécessité, à la Pointe-à-Pitre, une partie de la cargaison du navire la Fleur de la Mer, et c'est avec intérêts et dépens, tant de l'instance en règlement d'avarie, que de ceux réservés par le jugement du 25 mars; le tout, sous la déduction de la prime seulement, si elle n'a été payée ; réserve aux assureurs tous leurs droits, tant contre le capitaine Vailhen, le propriétaire et armateur du navire la Fleur de la Mer, et contre tous autres qu'il appartiendra, à raison de l'emploi fait par le capitaine Vailhen, de la somme de quatre mille huit cent soixante-neuf francs quarante centimes formant le solde du pro duit des marchandises vendues à la Pointe-à-Pitre; pour les exercer et faire valoir à leurs risques et périls, ainsi et de la manière qu'ils aviseront; leur réserve également leurs droits contre le capitaine Vailhen, à raison de la privation de la franchise.

Du 23 février 1837.- Prés. M. BENSA.- Plaid. MM. FRAISSINET pour Bobillier, ROBERTY pour les assureurs (1).

Acte de commerce. → Revente. Cheval.

Compétence.

La revente d'une marchandise est-elle, comme l'achat pour revendre, comprise dans ce que la loi repute acte de commerce? (Rés. aff.) Spécialement : Le marchand de chevaux, qui vend un cheval à un propriétaire non commerçant, est-il, à raison de cette vente, justiciable du tribu nal de commerce? (Rés, aff.)

(1) Les assureurs ont émis appel de ce jugement, mais ils s'en ont, ensuite, désistés.

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