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Dans l'une comme dans l'autre, le navire et la cargaison sont arrêtés, et les mêmes intérêts souffrent de la même manière.

La jouissance du fréteur est suspendue, le løyer doit l'être également.

Les termes de l'art. 300 sont donc plutôt énonciatifs que limitatifs.

Vainement encore objecterait-on que le contrat d'affrétement est un contrat aléatoire.

Sans doute, tant que le navire est sous voile, la route qu'il tient, les vents contraires qu'il rencontre, sont à la charge de l'affréteur au mois, en ce sens qu'il ne peut prétendre à aucune diminution sur le fret: là est l'aléatoire.

Mais lorsque le navire est en relâche, lorsqu'il est certain qu'il ne fait pas route, et qu'il est matériellement impropre à l'usage prévu par le contrat, l'affréteur ne peut être tenu de payer un loyer, surtout si la relâche a pour cause l'entretien du navire mis en mauvais état par des avaries.

Ce serait, évidemment, mettre indirectement ces avaries à la charge de l'affréteur, si on lui faisait payer un loyer.

Dans l'espèce, le fret doit d'autant mieux être suspendu, que l'événement qui a nécessité la relâche est un événement à la charge du navire, et que la charte-partie a mis spécialement à la charge du sieur Cauvin.

Les art. 403 et 404 du code de commerce, en déclarant un tel événement avarie particulière au navire, mettent cette perte au compte du navire, sans recours ni contribution contre le chargement,

Le navire s'est trouvé momentanément innavigable, sans emploi ; dans cet état peut-il légitimement gagner un fret?

S'il eût été dans cet état au moment du départ, non seulement le fret eût été perdu, mais des dommages-intérêts auraient été dus à l'affréteur, aux termes de l'art. 297 du code de commerce.

L'innavigabilité momentanée, survenue pendant le voyage, par cas fortuit, absout le fréteur des dommages-intérêts; bien plus, l'affréteur supporte, sans recours, tous les retards qui proviennent de cet état de choses, tous les dommages que sa marchandise souffre dans un navire abîmé, ceux de déchargement, magasinage, rechargement, la perte de temps, le fret, depuis le moment où l'on a rétrogradé et depuis la sortie du lieu de relâche, jusqu'au retour au point d'où l'on a rétrogadé.

Mais il est juste que l'affréteur soit dispensé de payer le prix d'une jouissance impossible pendant la réparation.

Cette solution est une conséquence logique et nécessaire du droit commun.

Ici, les sieurs Segur s'appuient de la doctrine de POTHIER (Traité des chartes-parties, no 83, 84) et de M. PARDESSUS (Cours de droit commercial, tom. III. n. 914, troisième édit.).

Quant aux stipulations de la charte-partie relativement à l'époque à compter de laquelle le fret de2,850 f. par mois doit courir, et à l'époque à laquelle il doit finir, dans l'espace de douze mois au moins; ces stipulations laissent les parties dans les termes du droit commun pour les cas légaux de suspension.

Si l'intention commune des contractans avait été d'excepter les cas légaux, il était facile d'ajouter que le fret courrait sans interruption; c'est ce qui n'a pas été stipulé.

Une fois établi que les 2,850 fr. par mois ne sont pas dus pour le temps de la relâche, il en résulte, par une conséquence nécessaire, que les salaires et nourriture de l'équipage pendant le même temps doivent être à la charge du fréteur; que, dès lors, le remboursement en doit être fait aux affréteurs, qui en ont fait l'avance.

Le sieur Cauvin combat vivement le système des sieurs Segur frères sur la suspension du fret pendant la relâche et les conséquences qu'ils en tirent.

Il soutient qu'en matière de contrats d'affrétement pour lesquels le code de commerce contient un titre spécial, ce n'est point par les dispositions du code civil qu'il faut se diriger pour la solution des questions qui peuvent s'élever à raison de ces contrats, mais bien par la loi spéciale;

Or, que le code de commerce, qui est cette loi spéciale, contient bien des dispositions relatives aux cas où le navire est retardé, arrêté ou empêché d'accomplir son voyage, et aux droits du fréteur et de l'affréteur dans ces divers cas (art. 296, 299, 300), mais qu'on chercherait en vain dans ce code une disposition favorable au système de la cessation du cours du fret, pendant les relâches forcées pour cause d'avaries;

Qu'adopter ce système, ce serait se jeter dans l'arbitraire et exposer les armateurs aux préjudices les plus graves;

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Qu'en effet, si l'armateur est privé de fret pendant les relâches qu'une tempête, une voie d'eau ou autre cas fortuit oblige le navire à faire, il pourra en résulter, qu'obligé de nourrir et payer l'équiil dévorera non seulement le fret, mais encore page, le navire lui-même, si les relâches sont longues et multipliées ;

Que, bien certainement, telle n'a été l'intenpas tion du législateur, lorsqu'il s'est occupé des contrats maritimes;

Que ces sortes de contrats sont aléatoires, quant à tous les événemens de mer qui peuvent prolonger le voyage, et que les parties ont pu prévoir ; Que ces événemens restent par cela même à la charge de celui qui en souffre ;

Qu'une exception à ce principe a été établie par l'art. 300, pour un cas unique que les parties n'ont pu prévoir au moment du contrat, celui de l'arrêt de Prince;

Mais que cet article est limitatif et ne saurait s'étendre par analogie à des cas autres que celui qu'il prévoit;

Qu'au surplus, le code de commerce porte, art. 286, que le fret est réglé par les conventions des parties;

le

Et que, dans l'espèce, les stipulations de la chartepartie règlent le cours du fret à compter de l'expiration des cinq jours de staries accordés pour départ, jusqu'au jour du retour du navire à Marseille, sans aucune exception à raison des événemens de mer qui pourraient survenir:

Inutile donc d'aller chercher dans le droit civil et dans des analogies un système contraire à la loi spéciale et à la loi du contrat ;

Que ce système est réprouvé par VALIN, sur l'art, 16 de l'ordonnance de 1661, correspondant à l'art. 300 du code de commerce;

Enfin, que

les sieurs Segur frères sont les premiers qui soient venus le mettre en avant devant la justice.

QUESTIONS POSÉES PAR LE TRIBUNAL.

10 Parmi les articles qui composent l'état d'avaries signifié par le sieur Cauvin, y en a-t-il qui constituent des avariés communes, et, dans ce cas, y a-t-il lieu de procéder au régle ment desdites avaries et quelles sont les dépenses qui doivent y être admises?

2o Comment doit-être composé le capital contribuable qui doit servir à la répartition des dépenses admises en avaries communes ?

3o Quels sont les articles de l'état d'avaries, signifié par le sieur Cauvin, qui constituent des avaries particulières au corps et dont les assureurs lui doivent, en conséquence, le rembour sement?

4o Les affréteurs doivent-ils au propriétaire le fret convenu pendant le temps de la relâche à l'île Maurice?

5o Les assureurs doivent-ils le remboursement, au sieur Cauvin, de la totalité ou de la demie seulement de la contribution du fret aux avaries communes?

60 Enfin, quels sont les articles de l'état d'avarie dont les affréteurs doivent le remboursement aux sieurs Cauvin frères qui ont payé le montant du billet de grosse?

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