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prétendue société ou compagnie, aipsi qu'au jugement de toutes les contestations nées et à naître entre les parties.

Le sieur Louis Cayol, l'une des parties citées, déclare donner son adhésion aux fins prises par les demandeurs, et il prend des conclusions conformes.

Les sieurs Tassy, Pey et Gazelle déclinent la juridiction du tribunal de commerce, par le motif qu'il s'agit, dans l'espèce, d'une société civile régie par les principes du droit civil,

Les sieurs Brochier, Cayol et consorts contestent le déclinatoire.

Ils soutiennent que l'association dont il s'agit est commerciale, puisqu'elle a lieu entre gens patentés; que l'exercice de la profession d'emballeur de morues exige l'achat et l'emploi d'une quantité considérable de cordes, cercles et corbeilles, dont la revente est ajoutée aux frais d'emballage; et qu'enfin, sur les morues qui s'emballent, une part dévolue à chaque emballeur devient pour lui l'objet d'un

commerce,

JUGEMENT.

Attendu qu'il s'agit, dans l'espèce, d'une association entre divers individus, tous sujets à patente, et pour l'exercice d'une industrie purement commerciale;

LE TRIBUNAL se déclare compétent et ordonne aux parties de plaider au fond à une audience suivante, condamne Tassy et consorts aux dépens.

Plaid.

Du 25 janvier 1836. Pres. M. BENSA. MM. BERTHOU pour Brochier et consorts, LAGET de Podio pour Louis Cayol, MonFRAY pour Tassy et consorts.

Appel de la part de Tassy et consorts devant la cour royale d'Aix.

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Sur les conclusions de M. DESOLLIERS, premier avocat-général : Attendu que l'industrie des emballeurs ne constitue point une opération commerciale, mais simplement l'exercice d'un métier, et que l'emploi qu'il exige de cordes, cercles ou corbeilles n'est que l'accessoire de ce métier;

Attendu que la société qui a existé entre les parties, supposée commerciale, ne saurait appartenir à aucune des espèces de sociétés reconnues par le code de commerce;

Attendu, enfin, que la réception d'une portion très minime des morues qui s'emballent ne peut être considérée que comme le salaire de l'emballeur, et ne constitue pas, de la part de celuici, l'achat d'une marchandise pour la revendre; que, dès lors, le tribunal de commerce de Marseille était incompétent, sous tous les rapports, pour connaître de l'action intentée par les intimés;

LA COUR, émendant, déclare le jugement dont est appel nul comme incompétemment rendu, et renvoie les parties et matière devant qui de droit; condamne les intimés à tous les dépens.

Du 15 février 1836. Cour royale d'Aix; première chambre.-Prés. M. MONGIN de ROQUEFORT, conseiller. Plaid. MM. MOUTTE pour Tassy et consorts, PERRIN pour Brochier, Cayol et consorts, LAGET de PODIO pour Louis Cayol.

En suite du renvoi prononcé par cet arrêt, les sieurs Brochier et consorts se sont pourvus devant le tribunal civil de Marseille.

Le 1er mars 1836, ils ont assigné les sieurs Louis Cayol, Michel Pey, Denis Gazelle et Barthélemy Baudin, tous qualifiés de maîtres emballeurs de

morues ou chefs des quatre compagnies réunies des emballeurs de morues, et, en tant que de besoin serait, le sieur Joseph Tassy, se disant président de la compagnie, à fins de condamnation solidaire au paiement du montant des parts revenant aux demandeurs, dans les travaux et bénéfices faits à raison du triage, empilage et emballage des morues et stokfichs pendant la dernière campagne, commencée à la fin d'août 1835 et terminée le 15 janvier 1836, et sur les fonds en réserve dans la caisse de la compagnie pour les vieillards et les infirmes.

Les demandeurs requièrent, en outre, acte des déclarations par eux faites et signifiées aux défendeurs, en leurs qualités, de ne plus faire partie de la compagnie générale ou réunion des emballeurs de morues et poissons salés, et que défenses seront faites à leurs adversaires et à tous autres faisant partie de la compagnie de les troubler et de les inquiéter dans leurs travaux et leur industrie, à peine de tous dépens, dommages-intérêts, etc.

Le sieur Baudin déclare ne prendre aucune part aux contestations existantes entre Brochier et consorts et Tassy et consorts.

Le sieur Louis Cayol se réunit aux défendeurs, les motifs qui l'avaient obligé à s'en séparer ayant

cessé.

Les sieurs Tassy, Cayol et consorts soutiennent que les demandeurs sont non recevables en l'état, parce qu'ils n'ont pas mis en cause tous les membres de la société ou compagnie; que les défendeurs, tout en se reconnaissant comme chefs distributeurs de travail dans la compagnie, ne peuvent

assumer sur eux les actions et exceptions de tous les emballeurs de morues et poissons sales de Marseille et de son territoire; qu'il ne suffit donc pas aux demandeurs, pour l'exercice de leur action, d'avoir cité les défendeurs comme chefs et représentans des autres membres de l'association; qu'ils doivent appeler dans le procès chaque intéressé.

JUGEMENE

Sur les conclusions de M. Bours, substitut de M. le procureur du roi,

Attendu, en droit, que nul en France, si ce n'est le roi, n'est admis à plaider par procureur ; que cette maxime, suivie sous l'ancienne législation et qui a continué d'être admise sous la nouvelle, ne doit pas être entendue seulement dans ce sens, que nul ne peut agir en partie pour autrui, en qualité de negotiorum gestor, et qu'il ne le peut qu'en vertu d'un mandat; mais qu'elle signifie encore que, pour intenter ou soutenir une action judiciaire, il faut figurer en nom dans les qualités de Pinstance;

Que si des associations et corporations sont quelquefois admises à citer en jugement collectivement, sous le nom de leurs chefs ou syndics, ce n'est que par suite de la capacité qui est conférée à ceux-ci, soit par le mandat exprès des associés, šõit par une disposition spéciale de la loi, soit par un acte de l'autorité, qui reconnaît et constitue le corps moral de l'association et lui donne l'existence civile;

Attendu, en fait, qu'une société non autorisée dans la formé légale par le gouvernement existe à Marseille entre les emballeurs de morues et autres poissons salés ; que les dematidears ont souserit aux réglemens et statuts de cette société, et les birt exécutés ;

Qu'ils de contiennent pour les président et chefs de la société que des attributions limitées à des objets de surveillance, de

discipline et d'administration et qui n'embrassent pas l'exercice des actions, soit actives, soit passives, qui peuvent naître de l'association; qu'il est de principe, en effet, que le pouvoir d'administrer ne donne pas le droit d'agir en justice lorsque le fond des droits et intérêts, objet de l'administration, est mis en question;

Attendu que l'action dirigée contre les chefs des emballeurs de morues a pour objet le paiement réclamé par les demandeurs des parts leur revenant sur les travaux, profits et bénéfices faits par la société pendant la dernière campagne et sur les fonds en provenant et mis en réserve'; qu'elle tend encore à leur faire concéder acte de la déclaration qu'ils font qu'ils entendent se retirer de la compagnie, pour exercer librement leur profession et industrie;

"Attendu qu'une telle action attaque dans son principe même l'existence de l'association, et qu'elle peut avoir pour effet son entière dissolution; qu'en admettant qu'elle soit illégale, ce que le tribunal ne peut examiner en l'état, il est certain néanmoins, et il ne peut être décidé par les demandeurs qui ont souscrit à sés statuts et lés ont éxécutés, qu'elle existe en fait et qu'elle est en plein exerciec;

Qu'une demande contraire à ces statuts et aux droits et devoirs qu'ils consacrent n'a pu être dirigée légalement contre les chefs seuls, qui n'ont d'autres attributions que d'en surveiller l'exécution;

LE TRIBUNAL, faisant droit à l'exception proposée par les défendeurs, déclare, en l'état, les demandeurs non recevables, et les condamne aux dépens envers toutes les parties.

Du 2 mai 1836: Tribunal civil de Marseille; deuxième chambre. - Prés. M. TAXIL.

Plaid. MM. MONFRAY pour Tassy et consorts, AUDIFFRET pour Brochier et consorts.

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