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pas séparé de son esprit les tribunaux de commerce des tribu naux civils; qu'il a voulu, au contraire, leur rendre communes les règles générales tracées dans les 24 premiers titres de ce livre, et qu'il s'est borné à tracer dans le dernier titre les règles spéciales qui ne peuvent convenir qu'aux tribunaux de commerce; que cela est tellement vrai, que si les juges vou¬ laient se renfermer strictement dans les dispositions du tìt, xxv, livre 11, du code de procédure civile, la marche de la justice serait entravée à tout instant; que c'est ce qui a été reconnu par de nombreux arrêts de la cour de cassation, lesquels établissent que les règles générales du code de procédure civile sont applicables aux tribunaux de commerce, dans tous les cas où leur application n'est pas contraire à l'institution de ces tribunaux et aux règles particulières de procéder devant eux;

Attendu qu'on ne trouve rien, dans le titre xxy du livre 11 du code de procédure civile, qui s'oppose à ce que les règles sur la péremption soient appliquées devant les tribunaux de commerce; que dès lors elles peuvent y être admises;

Attendu que cette doctrine est enseignée par MERLIN, FAVART, DE LANGLADE et LOCRÉ ; qu'elle est consacrée par divers arrêts de cours royales, et que telle a été aussi, jusqu'à ce jour, la jurisprudence suivie par le tribunal de commerce de Bordeaux;

Attendu que l'objection fondée sur ce qu'il n'y a pas, près les tribunaux de commerce, d'officiers ministériels chargés de veiller à la conservation des droits des parties, n'est pas assez puissante pour détruire les considérations qui précédent et pour faire repousser la péremption, puisque, d'une part, des déchéances, bien plus rigoureuses encore, sont admises devant les tribunaux de commerce; qué, d'autre part, les justiciables sont prévenus par une disposition de la loi, que la procé dure se fait sans le ministère d'avoués; conséquemment, qu'ils doivent veiller par eux-mêmes à la conservation de leurs droits; que, d'ailleurs, le législateur n'a pu voir dans l'absence des avoués un obstacle à la péremption, puisque, par le dernier

paragraphe de l'art. 97, il l'admet en matière civile, lorsqu'il n'y a pas eu constitution de nouvel avoue, et qu'elle a lieu aussi devant les tribunaux civils, dans les causes où le ministère des avoués n'est pas exigé;

Que c'est vainement qu'on dirait que la péremption ne peut être admise devant les tribunaux de commerce, parce que ce serait priver le porteur d'une lettre de change ou d'un billet à ordre de la faculté d'exercer pendant cinq ans l'action récursoire lui accorde l'art. 189 du code de commerce, et faire que commencer au bout de trois ans une prescription pour laquelle le législateur a voulu accorder cinq ans ;

Qu'en examinant cette objection de près, on voit qu'elle est plus spécieuse que solide : que d'abord, par rapport au tireur, l'objection n'est pas applicable; que, par rapport aux endosseurs, la conservation des actions du porteur n'est pas seulement soumise à la condition de ne pas laisser périmer l'instance, qu'elle l'est aussi à d'autres déchéances bien plus rigoureuses et à l'égard desquelles on pourrait faire un raisonnement analogue; qu'ainsi le bénéfice de l'art. 189 est perdu, si dans les 24 heures de l'échéance, le porteur n'a pas soin de faire un protết; qu'il en est de même si, après le protêt, il n'assigne pas les endosseurs dans la quinzaine; qu'il ne faut pas perdre de vue d'ailleurs, que la péremption ne s'acquiert pas de plein droit, qu'elle doit être demandée et que, si elle ne l'est pas, l'action du porteur envers les endosseurs est conservée jusqu'à l'expiration du délai fixé par l'art. 189;

Qu'ainsi l'objection puisée dans cet article ne saurait être accueillie, et laisse dans toute leur force les motifs précédemment donnés pour établir que la péremption doit être admise devant les tribunaux de commerce.

Appel de la part du sieur Astruc devant la cour royale de Bordeaux.

Le 16 juillet 1834, arrêt confirmatif, par les motifs suivans:

Attendu que si le code de procédure civile n'a pas statué d'une manière expresse, que toute instance existant devant les tribunaux de commerce serait éteinte par discontinuation de poursuites pendant trois ans, il' l'a implicitement voulu, en rangeant le titre de la Péremption sous le livre 11, portant pour rubrique : des Tribunaux inférieurs, expressions qui comprennent la juridiction civile et commerciale; qu'on a dû réunir les tribunaux civils et de commerce, pour qu'ils se trouvent sur une ligne parallèle et forment un même degré de juridiction ; que dès lors il a pu paraître superflu de déclarer textuellement que la péremption était applicable aux uns comme aux autres;

Attendu qu'il est reconnu par une jurisprudence constante, que les règles générales de la procédure, qui ne sont pas incompatibles avec l'organisation des tribunaux de commerce, y doivent être observées; que la péremption est une de celles dont le besoin peut être le mieux senti, dont l'usage peut être le plus. utile dans les tribunaux qui ont remplacé des juridictions établies pour l'abréviation des procès et différents entre marchands, ainsi que l'expose le préambule de l'édit de 1563; qu'on est donc conduit, par l'esprit comme par la lettre de la loi, à permettre d'invoquer la péremption devant les tribunaux de commerce; qu'elle peut y être aussi facilement demandée que devant les tribunaux civils, jugeant les procès instruits sans le ministère d'avoués; qu'il ne faut pas perdre de vue que la péremption a été instituée pour éteindre les procès, qu'elle est fondée sur des considérations de bien public; qu'on doit être naturellement porté par ce motif à écarter la supposition qu'elle a été retranchée du nombre des règles dont la pratique est une nécessité légale devant les tribunaux de commerce comme devant es tribunaux civils;

Attendu qu'un argument exclusif de cette conséquence ne peut être puisé dans l'art. 189 du code de commerce; que cet article, en déclarant que la prescription qu'il établit partira du protêt, lorsqu'il n'existera pas d'autre poursuite juridique, statue en dehors des conditions à l'accomplissement desquelles

est attachée la conservation de la garantie; qu'il en est de la péremption comme de tout autre moyen, qui, frappant de nullité la procédure, détruirait aussi le résultat de l'exercice des actions récursoires; que, dans cette hypothèse, on alléguerait en vain que ces actions ne se prescrivent que par cinq ans.

Pourvoi en cassation par le sieur Astruc, pour fausse application de l'art. 397 du code de procédure civile."

ARRÊT.

Sur les conclusions conformes de M. HERVÉ, avocat-général : Attendu que la péremption d'instance (ce mode utile de mettre fin aux procès et de mettre obstacle encore à la perpétuité des actions imprescriptibles, tant qu'elles demeurent sub judice) fut d'un usage constant dans la jurisprudence française et admise indistinctement par tous les tribunaux, même ceux de commerce, avant la publication du code de procédure civile;

Attendu que l'art. 397 du code de procédure civile, qui consacre cette règle du droit français, est conçu dans des termes généraux, absolus, qui en font une disposition toute décisoire, comme celles du même genre: telles, par exemple, que celles des art. 378, 379 et suivans, relatives à la récusation des juges, des art. 1012, 1028, relatives aux arbitrages volontaires, et lesquelles, écrites dans divers titres du code étrangers à la procédure devant les tribunaux de commerce (quoiqu'elles ne soient reproduites ni dans le tit. xxv, liv. 11, de ce code, sur la procédure spéciale devant les tribunaux de commerce, non plus que dans le code de commerce), doivent, néanmoins, s'appliquer et s'appliquent habituellement aux instances commerciales comme aux instances civiles, par le motif que ce sont des règles positives qu'on doit suivre toutes les fois qu'elles ne sont ni exclues par d'autres dispositions expresses, ni incompatibles avec celles spéciales aux tribunaux de commerce;

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Attendu que, de l'absence du ministère des avoués dans les tribunaux de commerce, on ne peut induire la répulsion de la péremption des instances commerciales, puisque des termes mêmes de l'art. 397 il résulte explicitement que la péremption doit avoir lieu, soit qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas d'avoués constitués dans ces causes;

Attendu qu'on ne peut pas non plus se prévaloir, pour rejeter la péremption des instances commerciales, de ce que le législateur ayant pris soin de prescrire la péremption dans les justices de paix, par l'art. 15 du code de procédure civile, et dans les cours d'appel, par l'art. 469 du même code, l'on doit conclure de son silence, soit dans le tit. xxv, liv. 11, du code de procédure, soit dans le code de commerce, qu'il n'a pas voulu qu'elle soit applicable aux instances commerciales, parce que, d'abord, l'art. 15 n'a pas d'autre but que d'empêcher une longu instruction devant les justices de paix, en décidant que toutes instances, après interlocutoires, seront périmées, si elles n'ont pas été jugées dans le délai de quatre mois ; quant à l'art. 469, il n'introduit pas la péremption dans les cours d'appel, où, au contraire, il la suppose admise par l'art, 397, puisqu'il se borne à déclarer quels en seront les effets en cause d'appel;

Attendu qu'il importe autant, et peut-être davantage, d'ad mettre la péremption des instances commerciales que celle des instances civiles, puisque, de leur nature, les instances commerciales doivent être promptes, brièvement instruites et jugées; dans l'intérêt même du commerce;

Attendu que ce serait mal argumenter que d'opposer à la péremption d'instance devant les tribunaux de commerce, l'article 189 du code de commerce, qui proclame la prescription des actions commerciales pour lettres de change, billets, etc., dans le délai de cinq ans, à dater des protêts ou dernières poursuites (sous prétexte que, par l'admission de la péremption, qui annule tous les actes de la procédure, la prescription des actions se trouverait hâtivement encourue), puisqu'il faudrait

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