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Il réclame, en outre, des surestaries pour tout le temps employé au débarquement au delà des dix jours accordés par la charte-partie, c'est-à-dire depuis le 16 juin.

L'administration militaire conteste les conclusions du rapport des experts et demande le rejet en avarie particulière des dommages résultans du forcement de voiles, ainsi que des frais de relâche.

Et, quant aux surestaries, l'administration réclame l'exécution de la disposition de la charte-partie, portant que le règlement en serait fait par l'intendant de l'armée.

Le 14 juillet 1835, jugement ainsi conçu:

En ce qui concerne les avaries :

Considérant que, d'après le vœu et l'esprit de la loi, l'avarie commune ne résulte et ne doit résulter que d'un sacrifice volontairement souffert; que le forcement de voiles ne constitue point un sacrifice, mais seulement une manœuvre ayant trait à l'accomplissement des devoirs du capitaine à qui la conduite du navire est confiée ;

Considérant que la relâche à Malte et les frais qu'elle a occasionnés ne sont que le résultat de la voie d'eau et des autres dommages que le navire avait éprouvés dans sa navigation, et qui, n'étant que des événemens fortuits, classés dans les avaries particulières, ne peuvent eux-mêmes constituer des avaries

communes ;

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En ce qui touche les surestaries:

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Attendu que le contrat de nolisement passé entre le capitaine Brignetti et M. Prunière, sous-intendant militaire, stipule qu'il est accordé, pour le débarquement à Alger, dix jours de starie, après lesquels le capitaine aura droit à des surestaries, fait la loi des parties; qu'il est évident qu'une indemnité de surestaries est due au capitaine Brignetti, si les dix jours accordés n'ont pas suffi;

Mais, attendu que la disposition qui laisse à l'intendant de l'armée la faculté de régler lui-même ces surestaries est une condition prohibée par la loi, aux termes de l'art. 1174 dụ code civil, puisqu'en effet, par cette condition, une des parties se trouverait à la merci de l'autre ;

Attendu qu'il est constant que, le 10 juin, l'intendant de l'armée avait connaissance officielle qu'il pouvait faire opérer le débarquement;

LE TRIBUNAL, sur le chef relatif aux avaries, dit qu'il y a lieu de retirer de l'état des avaries communes, dressé par les experts, tout ce qui a trait à la réparation et à l'expertise du navire et aux frais de chancellerie, pour lesdits objets être portés en avarie particulière; maintient l'évaluation faite par les experts des objets jetés et renvoie aux experts pour opérer le redressement du rapport;

Sur le chef relatif aux surestaries :

Fixe au 20 juin inclusivement le commencement des suresta→ ries, et les règle à cinquante francs par jour, pour être payés jusques et y compris l'entier déchargement.

Appel envers ce jugement, devant le tribunal supérieur d'Alger, de la part du capitaine Brignetti, sur les deux chefs, et incidemment, de la part de l'administration militaire, sur le chef relatif au règlement des surestaries.

Le capitaine Brignetti soutient que, la relâche for cée à Malte ayant été le résultat d'une délibération prise pour le salut commun, toutes les dépenses de séjour ont été une conséquence nécessaire et inséparable de cette relâche, d'où il suit qu'elles doivent être classées en avaries communes.

Pour ce qui concerne la fixation des surestaries, le capitaine soutient qu'ayant procédé, dès le 6 mai, aux actes prescrits par les lois et règlemens pour

la constatation des avaries 'et le débarquement de la cargaison, les dix jours de starie convenus expiraient le 15; que, dès lors, les surestaries lui étaient dues à compter du 16;

Que le chiffre des surestaries arrêté par les pre miers juges n'est point proportionné à la portée du navire et au personnel de l'équipage;

Que le montant de ces surestaries ne devait même point être limité seulement à la durée du déchargement, mais à celle du procès, qui prolonge le séjour du navire dans le port d'Alger, et cela, avec d'autant plus de raison qu'aucun nolis n'a encore été payé au capitaine;

Enfin, que le règlement des surestaries ne peut point être opéré par l'intendant de l'armée sans l'intervention de la justice; que la clause de la chartepartie sur ce point est une clause illicite, dont l'exécution ne peut être réclamée : qu'autrement, ce serait vouloir qu'une partie fût juge dans sa propre cause; que l'intendant n'a et ne saurait avoir aucune juridiction; que les compétences sont d'ordre public.

A l'appui de cette partie de sa défense, le capitaine Brignetti cite des ordonnances qui ont cassé des arrêtés par lesquels des préfets avaient revendiqué le droit de juger des contestations qui leur avaient été soumises en vertu de clauses semblables.

En conséquence, le capitaine demande la réformation du jugement dont est appel, soit sur le règlement des avaries, soit sur la fixation des surestaríes, et qu'il plaise au tribunal supérieur déclarer avaries communes la relâche forcée et les dépenses qui en

ont été la suite, telles que frais de quarantaine, loyers et nourriture de l'équipage, et, en outre, toutes les autres dépenses désignées par les experts comme avaries communes; et, ayant tel égard que de raison à leur rapport, dire qu'ils devront procéder à une nouvelle répartition sur les bases qu'il plaira au tribunal d'adopter; condamner, en outre, l'administration militaire à payer les surestaries à raison de 150 fr. par jour, à compter du 16 mai 1835, jusqu'à telle époque de droit.

L'administration militaire, représentée par M. Laperlier, agent comptable, demande le maintien du jugement attaqué, quant au règlement des avaries; Et, quant au règlement des surestaries, elle répond:

En règle générale, l'administration, pour les marchés qu'elle fait, n'est pas justiciable des tribu

naux.

Un arrêté du gouvernement consulaire, du 19 thermidor (7 août 1801), porte que les contestations relatives au paiement de fournitures faites pour le compte du gouvernement, entre les particuliers et les agens du gouvernement, sont de la compétence des préfets.

Le décret du 11 juin 1806, sur l'organisation et les attributions du conseil d'état, porte, art. 14, que le conseil d'état connaîtra de toutes contestations relatives aux marchés passés avec les ministres ou en leur nom.

L'arrêté du directoire exécutif du 2 germinal an v (22 mars 1797) ordonne au commissaire du

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directoire près le tribunal de cassation de dénoncer à ce tribunal deux jugemens rendus par des tribunaux civils, qui avaient condamné un agent du gouvernement au paiement de lettres de voiture pour un transport effectué par un voiturier pour compte du gouvernement. Ce même arrêté enjoint encore aux commissaires du directoire près les tribunaux civils des'opposer à toutes poursuites qui seraient dirigées devant ces tribunaux contre des agens du gouvernement, en leur nom, pour raison d'engagemens par eux contractés en leur qualité.

Voy. MERLIN, Nouveau Répertoire, 4 édition, Yo Pouvoir judiciaire, § II, n° 12.

De toutes ces autorités, il faut conclure qu'il n'est pas vrai qu'en principe, l'administration ne puisse connaître des contestations qui la concernent, et qu'il y ait, en cela, immoralité; l'ordre public, au contraire, veut que le service général de l'administration ne puisse être entravé, interrompu, ce qui arriverait si les caisses de l'état étaient saisissables.

Dès l'instant que, par la force des choses, les tribunaux sont impuissans pour ordonner des paiemens à faire par le trésor, leur juridiction tombe, car que signifierait un jugement dépourvu de sanction?

Aussi est-ce par ces motifs que la législation a déféré au pouvoir exécutif les contestations nées des marchés passés avec l'état ou ses agens.

Les tiers ne peuvent s'en plaindre, puisqu'ils connaissent à l'avance les conséquences des marchés qu'ils contractent.

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