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de voiles; que ce qui prouve que ce n'était là qu'une manoeuvre ordinaire, c'est qu'elle n'a pas été précédée de la délibération voulue lorsqu'il s'agit, pour le salut commun, de faire un sacrifice ou de courir un risqué; que d'ailleurs, cette délibération eût-elle été prise et le forcement de voiles eût-il eu lieu, on ne pourrait y voir qu'une mesure commandée par un événement de navigation et qui entrait dans la charge du capitaine; que si on décidait autrement, il ne serait aucun dommage résultant d'un cas fortuit et aucune réparation nécessitée par ce dommage, qui, malgré les dispositions positives de la loi, ne pussent être présentés comme un sacrifice fait et une opération commandée par l'intérêt commun, puisque, dans le cours d'une navigation et dans une tempête surtout, il n'est point de manœuvre qui ne soit faite pour le salut commun, et que, lorsqu'il survient des accidens, toute réparation est aussi nécessaire au salut commun;

Attendu qu'il importe peu qu'après les avarics, il ait été pris des délibérations qui aient ordonné les relâches pour le salut commun; que ces délibérations n'ont pu changer la nature des dommages préexistans, dont le caractère doit s'étendre à ce qui n'en est que l'accessoire ou la conséquence, et qui sont toujours appréciables par les tribunaux; que, d'ailleurs, il faudrait que ces délibérations eussent précédé le dommage, de manière que celui-ci en fût le résultat immédiat et nécessaire; que, loin d'en être ainsi, ces délibérations ne sont venues qu'après l'avarie et n'ont été suivies d'aucun dommage nouveau, en sorte que l'on peut dire que la relâche et les répararations ont eu pour résultat de mettre le navire à même de remplir son obligation de porter sa cargaison à Bourbon et non de sauver le navire et la cargaison;

Attendu qu'il résulte de ce que dessus que les relâches et les réparations faites pour le Lévrier doivent rester à sa charge comme avaries particulières;

Attendu cependant que, les frais faits pour le déchargement et le rechargement des marchandises ayant eu lieu dans l'in

térêt plus particulier de celles-ci, il est juste qu'ils soient à leur charge;

Attendu que le sieur Boiscourt-Ricquebourg, qui n'a d'autre qualité que celle d'un chargeur dont les marchandises ont été vendues pour les besoins du navire, n'a de privilége que sur le navire auquel le produit de la vente a été appliqué; que la cargaison n'eût pu lui être affectée que par mise en gage du contrat à la grosse, et que c'est ce qui n'a pas eu lieu;

Attendu que le mode d'après lequel les chargeurs doivent le paiement du contrat à la grosse est l'objet d'une autre instance, et qu'il n'y a pas lieu de statuer à cet égard;

LE TRIBUNAL déclare avaries particulières au navire, et devant être supportées par lui seul, les frais quelconques des relâches et opérations faites par le Lévrier, à l'exception de ceux de déchargement et de rechargement des marchandises, si aucuns ont eu lieu, lesquels sont déclarés avaries particulières aux marchandises et seront supportés par elles; déclare le sieur Boiscourt-Ricquebourg privilégié, sur le navire seulement, pour les marchandises lui appartenant qui ont été vendues pour les besoins du navire;

Déclare n'y avoir lieu de statuer sur le surplus des conclusions des autres chargeurs; condamne le capitaine du Lévrier, au nom qu'il agit, aux dépens des consignataires, sauf ceux du sieur Boiscourt-Ricquebourg qui restent à la charge de celui-ci pour les deux tiers, l'autre tiers à la charge du capitaine du Lévrier (1).

Du 21 mai 1834.-Tribunal de première instance de Saint-Denis, île Bourbon, jugeant commercialement.-Prés. M. FILHON. -Plaid. MM. SAINT-GEORGES pour Boiscourt, BERENGER pour les autres consignataires, CONIL pour le capitaine.

Sur l'appel, ce jugement a été confirmé par arrêt de la cour royale de Saint-Denis, du 21 mai 1834.

(1) Sur le forcement de voiles, voy. ci-devant, pag. 67 et, décisions citées, pag. 75, et sur les avaries communęs, tom, xv, 1re part., pag. 263.

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Dans une colonie ou possession française, le droit exclusif d'administrer et de liquider la succession d'un étranger appartient-il, à défaut de parens ou de créanciers présens sur les lieux, au consul ou agent de la nation du décédé? (Rés. aff.)

DÉCISION MINISTÉRIELLE,

Consul des Deux-Siciles contre Mc Bastide, curateur de la succession Sacco.

« Il a toujours été très difficile de bien préciser les attributions des consuls; car leur institution, toute de droit politique, subordonne leur juridiction aux capitulations et traités passés entre le souverain qui députe ses officiers et la puissance qui les admet dans son sein. (Merlin, v Consul, § XII, pag. 610). Cependant, à défaut de traités contraires, l'ordonnance de la marine de 1681 est toujours la règle à suivre, ainsi que l'atteste Pardessus dans son Cours de droit commercial.

« Une décision récente des ministres de la justice et des finances, que nous croyons utile de rapporter et de rendre publique, à cause de la nouveauté de la question qu'elle présente, fournit l'exemple de l'application à faire de cette même ordonnance du mois d'août 1681.

<< Voici dans quelles circonstances cette décision est intervenue et les motifs qui l'ont fait provoquer.

T. XVI.

IIme P.

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« Dans la nuit du 5 au 6 octobre dernier, un horrible massacre a eu lieu, dans une campagne près d'Alger sur la personne du sieur Joseph Sacco, sujet sicilien, et sur sept personnes qui étaient à son

service.

« La justice française se transporta sur les lieux pour suivre les traces du crime.

« Le consul général des Deux-Siciles s'y présenta, afin d'apposer son cachet sur les objets de la succes

sion.

« Il ne fut pas admis et, le lendemain le tribunal de première instance d'Alger nomma Ma Bastide, avocat, défenseur-curateur de ladite succession, pour administrer les biens et représenter les intérêts des héritiers présumés absens.

« Le consul revendiqua la curatelle, commé un droit lui appartenant, en sa qualité de consul. Des réclamations furent adressées par lui, soit au gouverneur général, soit au ministre.

<< L'ordonnance du 10 août 1834 fut invoquée de part et d'autre, et, à la date du 12 janvier dernier, intervint la décision ministérielle suivante, qui fùt concertée entre les ministres de la justice et des finances :

Dans tous les cas où un étranger décède en France, le juge de paix doit, sur réquisitions des parties intéressées, soit d'office, apposer les scellés sur les effets délaissés par le défunt; mais l'agent de la nation à laquelle il appartient a droit d'intervenir, de joindre ses scellés à ceux du juge de paix, pour être, les uns et les autres, levés de concert, et d'assister à l'inventaire. Il ne doit toutefois croiser les scellés qui seraient déjà apposés par le magistrat, qu'après l'avoir préalablement prévenu et appelé,

De son côté, le juge de paix doit requérir l'assistance de l'agent étranger toutes les fois que cet agent est intervenu pour croiser les scellés, et, lors même que cette intervention spontanée n'aurait pas eu lieu, si le juge de paix, dans le cours de ses opérations, acquiert la preuve qu'elles concernent un étran ger, il ne peut passer outre sans appeler l'agent de la nation à laquelle il appartenait et sans lui donner avis de ses opérations ultérieures.

Lorsqu'il ne se présente aucun sujet français comme créancier de la succession d'un étranger, ou lorsque les créanciers sont désintéressés, l'administration et la liquidation de la succession de cet étranger appartiennent exclusivement à l'agent de sa nation.

« Cette décision nous paraît tout-à-fait conforme aux vrais principes. En effet, l'art. 20 du liv. 1, tit. ix de l'ordonnance de la marine, dispose en ces termes:

« Le consul sera tenu de faire l'inventaire des biens << et effets de ceux qui décèderont sans héritiers sur <«<les lieux, ensemble des effets sauvés des naufragés. »

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<< Cet article de l'ordonnance place sur la même ligne et assujétit aux mêmes règles les deux cas de décès et de naufrage.

« Dans l'un comme dans l'autre, c'est non seulement un droit, mais un devoir pour le consul de représenter les héritiers absens du décédé (1).

« VALIN, le plus estimé de nos auteurs en cette matière, s'exprime sur l'article que l'on vient de citer, dans les termes suivants : « C'est au consul ou « à son représentant à veiller à la conservation des

(1) EMERIGON, Traité des assurances, tom. 1er, pag. 112 GERMAIN, Commentaire sur le code de commerce, pag. 110 MERLIN, v Consul, § VII.

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