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Correspondance. – Le secrétaire présente au Comité de la part de M. Paul Marchegay les œuvres d'Anna Schurman, ainsi qu'une notice sur les poésies de Mesdemoiselles de Rohan, et le tombeau de Catherine de Rohan, duchesse de Deux-Ponts, recueil très-rare de poésies sur la mort de cette princesse aussi distinguée par l'esprit que par le caractère.

Il a reçu pour le Bulletin une savante étude de M. E. Gaullieur sur l'Eglise réformée de Monbazillac; de M. le pasteur Stapfer de Josnes quelques souvenirs du château de Talcy; de M. le pasteur Eschenauer une lettre sur un procès important de la fin du siècle dernier; enfin de M. Louis de Richemond une notice sur l'institution du Mérite militaire.

France protestante. - M. Bordier, répondant à une question faite par M. Frossard à ce sujet, annonce au Comité que les travaux préparatoires pour la nouvelle édition projetée de cet ouvrage ne se sont point ralentis, et qu'il espère offrir dans peu de temps les premières pages de l'impression définitive.

NECROLOGIE

M. HENRY DE TRIQUETI

La Société de l'Histoire du Protestantisme français, déjà éprouvée par tant de deuils, a perdu, le 11 mai dernier, un de ses membres les plus éminents et les plus vénérés, M. le baron Henry de Triqueti, mort

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à l'âge de soixante et dix ans, après une vie de purs et religieux labeurs. Nous aimons à reproduire un fragment de l'hommage qui lui a été si bien rendu par notre collègue, M. le pasteur Ch. Frossard, dans la funèbre cérémonie du 13 mai, au temple du Saint-Esprit ;

« Il m'eût été doux de passer cette heure dans le silence et le recueillement, car mon âme est absorbée par une profonde douleur : vingt-six ans de respectueuse amitié m'ont uni à Henry de Triqueti par un sentiment inaltéré et inaltérable, et pour parler en ce moment, il faut que l'amour soit plus fort que la mort.

« Celui que nous venons pleurer ici a été doué d'une nature d'élite.

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En lui se trouvaient harmonieusement unies des facultés diverses réglées par un goût exquis, toujours dirigées vers un but élevé et se manifestant avec une abondance qui semblait inépuisable, par des œuvres pleines de sentiment, de science, de grâce et de distinction.

« H. de Triqueti était de la lignée des grands artistes de la Renaissance, des Michel-Ange, des Léonard de Vinci, des Benvenuto Cellini, des Jean Cousin. Comme eux, il ne s'est pas contenté d'un seul art pour manifester sa pensée; il a employé le pinceau, le ciseau et la plume, et sa vie tout entière a été vouée au service de ce qui est à la fois beau et bọn. Il a cherché et exprimé la splendeur du vrai. Son savoir, en matière d'art et d'archéologie, était à la fois varié et profond. Son dévouement à la foi évangélique, qu'il avait librement embrassée, était absoļu; il est demeuré jusqu'à la fin fidèle à ses convictions; il l'a été aussi, malgré les malheurs des temps, à ses opinions et amis politiques.

« Si nous jetons un coup d'œil sur ses œuvres artistiques, nous le voyons débuter avec succès par la peinture d'histoire, puis se livrer à la statuaire avec un grand éclat. Dans ses travaux de la chapelle SaintFerdinand, souvenir d'un grand deuil national, nous trouvons un sentiment intime et profondément religieux; dans les portes de bronze de la Madeleine, le style puissant, la grandeur et la majesté; dans la chapelle de Windsor, qu'il a décorée de vastes mosaïques d'un genre nouveau, de bas-reliefs et de statues nombreuses, une invention facile et savante, pleine de grâce et de délicatesse, qui, par l'abondance des détails et la richesse dans l'unité, réalise toute une épopée biblique.

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Que d'œuvres, dans nos monuments publics ou dans des galeries particulières, nous pourrions rappeler à votre admiration! Dans son atelier désert, il reste deux statues d'anges qui sont destinées à couronner son œuvre; elles attendaient de lui le dernier coup de ciseau, avant de partir pour le royal mausolée du prince Albert... Il ne le donnera pas, ce dernier trait du maître! Dieu a permis qu'il menât son travaîl jusqu'au terme, mais sans en jouir ici-bas.

« La littérature fut aussi un don que H. de Triqueti fit valoir avec distinction, à la poursuite du but le plus élevé. D'une immense lecture, surtout dans les classiques et les auteurs du XVIe et du XVIIe siècle, il écrivait avec facilité, d'un style correct et plein de sentiment, de couleur et d'originalité. Nous lui devons un petit écrit : les Premiers jours du Protestantisme en France, publié à l'occasion du jubilé tri-séculaire de la constitution de l'Eglise réformée en France que nous célébrions

en 1859; le Manuel de la charité dans l'Eglise réformée de Paris, conseils adressés aux protestants riches et pauvres; l'Exposé des œuvres de la charité protestante en France, pour la composition duquel il ne se borna pas à s'entourer de documents exacts, mais il entreprit des voyages afin d'avoir vu de ses yeux ces institutions charitables qui sont les joyaux de notre Eglise. Dans cet ordre de travaux, son œuvre maîtresse est la collection de biographies et d'exhortations adressées aux apprentis sous le titre si aimé parmi nous, que vous savez tous : les Ouvriers selon Dieu. Lui-même était un de ces ouvriers.

« Sa tâche a été interrompue tout à coup. Nous avons sous les yeux un dernier entretien sur la colonie de Mettray, qu'il écrivait en se préparant à la douloureuse opération qui n'a pu sauver ses jours. Dieu a rappelé son ouvrier, sa journée était finie, et il devait entrer dans le repos de son Maître. Nulle parole ne résume mieux sa vie que celle de saint Paul, gravée par lui sur le sarcophage du prince Albert : « J'ai combattu le bon combat, j'ai achevé la course, j'ai gardé la foi. »

DISTINCTION ACADÉMIQUE.

Nous sommes heureux d'annoncer que, dans une de ses dernières séances, sur la proposition d'une commission qui comptait dans son sein MM. Guizot et Mignet, l'Académie française a couronné un jeune écrivain dont notre Société avait encouragé les brillants débuts. Le prix Thérouanne a été partagé entre l'Antoine Court de M. Edmond Hugues et l'Histoire des Chevaliers romains de M. Belot.

Par une erreur que nous ne saurions trop regretter, les noms de deux Eglises donatrices à l'occasion de la fête de la Réformation, 1873, ont été omis au bas du Rapport du Président, page 151. Ce sont les Eglises de Montmeyran, dont l'envoi avait été mentionné à la séance du 25 novembre, et de Nîmes, qui ne manque jamais de nous donner des preuves de sa chrétienne libéralité.

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Il peut sembler étrange de mettre au rang des colléges protestants celui qui fut fondé à Nîmes par François Ier, vingt ans avant l'Académie de Genève, et qui porta le nom de Collége et Université des arts. Le nom, la date, l'origine de l'établissement nîmois se rapportent à un autre ordre de choses que celui qui intéresse cette feuille, et rappellent une autre réformation que celle de l'Eglise, je veux dire la Renaissance des lettres, œuvre de prédilection du monarque qui avait pris à tâche d'abaisser la barrière des Alpes entre la France et l'Italie.

Mais il est bon de remarquer que la Réforme ne se mit pas d'abord en état d'insurrection contre le passé et n'adopta pas à son égard les procédés qui furent plus tard à l'usage de la

(1) Voir le Bulletin de 1873, p. 269 et 413.

XXIII. 19

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révolution française. Elle voulut être un progrès, une évolution, et se greffer aux idées et aux institutions reconnues les plus vraies ou les plus utiles. Dans la question scolaire notamment, elle se rattacha sans hésiter à l'enseignement universitaire du moyen âge, modifié par la Renaissance, et elle adopta le programme original et rationnel que venait de tracer sur les bords du Rhin un ordre religieux célèbre. C'est donc se placer, sinon sur le terrain, au moins sur le grand chemin de la Réforme, que d'assister à la transformation des écoles au XVIe siècle, et de voir de près comment la rénovation des études amena celle du christianisme. Spectacle instructif qu'on peut se donner à Nîmes, sans perdre Genève de vue.

Nîmes était une ville consulaire que de vieilles libertés municipales ouvraient au souffle de tous les progrès. Des citoyens éminents, joignant la pratique des affaires au génie prompt et facile dont la nature méridionale est si prodigue, administraient ses intérêts matériels, sans perdre de vue ceux des études et de l'esprit. Ils se transmettaient comme un héritage le noble souci des écoles. Au XIVe siècle, ils avaient ouvert, à côté de la psalette et d'une école de grammaire, un haut enseignement de droit canon et civil, et comme il était difficile d'en assurer la durée, ils avaient encouragé le projet d'un de leurs évêques, de fonder à l'université de Toulouse un Collégé de Nîmes, pour ceux de leurs jeunes gens qui se destinaient à cette étude. Un siècle plus tard, le consulat céda à l'Ecole de grammaire et de logique l'hôpital Saint-Marc, situé au bout de la rue du Greffe, entre la porte de la Coúronne et le Château royal, où s'élève aujourd'hui le GrandTemple. Dans ce beau et vaste local, qui n'est autre que celui du lycée actuel, naturellement bien des fois transförmé, les écoles se développèrent d'une façon merveilleuse, et, au commencement du XVI° siècle, devinrent un collége important. Un recteur de mérite, Imbert Pacolet (1534-1539), présida à cette transformation avec le concours de savants collègues :

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