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publier à son de trompe que chacung eût à soy retirer en son logis. Et tost après, accompagnés des archers et arcbalestriers, lors assemblés au dit Hostel de Ville, aurions faict le guet dans la dite Ville, et allé par les rues d'icelle, et continué toute la nuit pour obvier à tumulte. En quoy faisant, nous aurions aucun trouvé dans les rues, ni oy bruit dans la ville pendant la nuit. A cause de quoy nous serions retirés au poinct du jour dans nos logis.

« Et le lendemain mardy, 8ème jour du dit mois, nous serions entre 5 et 6h. du matin derechef assemblés au dit Hostel de Ville.

Et à l'instant aurions été mandés par le dit Ser Rév dissime pour aller vers luy en son hostel épiscopal, ce que aurions fait. Et en luy référant ce que dessus, et la diligence par nous faicte, seroient venues en la chambre du dit Sgr Révdissime aucunes personnes qui auroient dit que on voulloit mettre le feu en l'hostel du dit Fourré. Quoy oyant par le dit Sgr Révdissime nous auroit dit que eussions à nous transporter au dit lieu, pour faire cesser et empescher que le feu ne fut mys en la dite maison; et aussi pour faire cesser le dit peuple, qui se voulloit esmouvoir contre iceluy qu'ils disaient mal sentir de la foy. Nous aurait le dit Ser donné charge d'emprisonner les dites personnes, des quelles le peuple aurait maulvoise opinion, pour obvier au danger de leurs personnes.

« Et pour ce exécuter, accompagnés des dits archers et archalestriers, avec aucuns regents du dit Ser Révdissime nous serions transportés au devant de l'hostel du dit Fourré, au quel lieu n'y avait aucunes personnes assemblées. Aurions faict venir les voisins du dit Fourré, aux quels aurions faict commandement pour empescher que aucuns efforts fussent faicts dans l'hostel du dit Fourré, et que si aucunes personnes se assembloient, ils eussent incontinant à nous advertir pour y remédier.

«Et, en ce faisant, nous auroit été dict que aulcuns ruoient pierres contre la maison Jehan Lescuyer, ayant une jambe de bois, au coing de la rue des Cuyrets, disant que le dit Lescuyer était noté et mal sentant de la foy. Et pour faire cesser tel faict, nous serions transportés au dit lieu accompagnés comme dessus; et n'aurions trouvé aucunes personnes assemblées. Et nous auroit été dict par la vefve Jacques Soufflier, que ceux qui s'estoient assemblés au dit lieu s'estoient retirés; et que le dit Lescuyer était en sa maison, et que le voulissions prendre pour mettre en lieu seur. Et de faict, iceluy Lescuyer, estant en l'hostel d'icelle vefve, seroit venu vers nous, le quel aurions prins et mené ès prison, pour seurté de sa personne. Donnant charge, en ce faisant, à Mtre Nicole Aux Cousteaux, procureur de la dite ville, et à Mtre Jehan Boullet, greffier du prévost d'icelle, de faire publier par les carfours d'icelle ville : que toutes personnes eussent à eux retirer, sans eux assembler par les rues. et aultres lieux...

« Les Maire et pairs de la Ville, accompagnés de Mtre Nicole Tristan, lieutenant gral au baillage du dit Beauvais, arrestent de mesme Jehan

du Bout, locatif de Jacques Gorré (rue des Jacobins), et Jehan d'Amiens, painctre (en la rue dite); Pierre Trenchant (rue Cul de Fer) qui s'estoit réfugié au presbytère de St Gilles; et Anthoine Pillon, qu'on ramène ensanglanté à l'Hostel de Ville; tous menés ès prisons du Chappître pour seureté de leurs personnes...

« Ce faict, nous serions, accompagnés comme dessus, transportés au dit faubourg de St Jacques, estant auquel, oultre l'Eglise de la dite ville et sur le chemin de Paris, aurions été advertis qu'un nomme Loïs de Baillon estoit homicidé, et que son corps estoit en son hostel. Nous informant des voisins d'icelle, qui aurait faict le dit homicide, auroient répondu qu'ils n'en sçavoient aucune chose.

Et, pour ce que plusieurs personnes, estant au dit fauxbourg, disaient que un nommé Jehan Medart dit du Bout estoit aussy homme mal sentant de la foy; et que le peuple illec voulloient rompre et entrer en la maison du dit Du Bout nous serions transportés au dit lieu et faict retirer le peuple. En quoy faisant, seroient venues aulcunes personnes, qui nous auroient dit que le dit Ser Réy dissime leur avoit chargé nous dire, que eussions à aller vers luy; ce que aurions faict et récité ce que dessus dit que le peuple estoit retiré. L'advis du quel Ser Rév dissime fut faict itérative publication à son de trompe et commandement à toutes personnes, d'eux serrer en leur logis, avec deffense d'eux assembler aux rues.

Et le dit jour, 1b. de relevée, estant assemblés en l'Hostel de la dite Ville, le dit Sgr Rév dissime nous auroit mandé que le corps du dit de Baillon avoit été jetté par les fenestres et qu'on le bruslait au dit fauxbourg. Et que eussions à aller illec promptement pour faire estaindre le feu. Ce que aurions faict, et, estant au dit lieu de St Jacques, aurions trouvé le dit corps quasi entièrement bruslé, restant seulement partie des os du dit corps; et aurions faict estaindre le dit feu. Et pour sçavoir qui avait jetté le dit Baillon dans la rue bruslé, nous serions informés des voisins du dit Lois de Baillon, mesme de son beau-père, qui nous auroient dit et affirmé n'en sçavoir aucune chose; comme semblablement auroient faict plusieurs personnes illec estant.

« Ce faict, et le tumulte et esmotion cessés, nous serions retirés en l'Hostel de la dite Ville, pour nous informer comme seroient procédés tels faicts. En quoy faisant nous auroit été dict, que ce seroit premièrement venu de la maison du dit Fourré, en la paroisse Ste Marguerite. Et pour en estre plus certains et connoître la vérité du dit faict, aurions mandé Maître Eustace Pastour, curé de Ste Marguerite, lequel seroit venu au dit Hostel de Ville, nous disant que les choses susdites sont venues par le dit Mtre Adrien Fourré, au moïen qu'il estoit homme de maulvoise vie, mal sentant de la foy, contemnant les Sacrements de l'Eglise, comme estoit le bruit commun, et que le lundy 7ème jour du dit mois, 4 heures de relevée, après avoir esté à procession par le dit Curé, clergé et habitants de la dite paroisse Sto Marguerite à l'Hostel

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Dieu de Beauvais; et qu'en passant par le dit Pastour curé par devant le logis du dit Fourré, dedans lequel estoient quelques personnes qu'il assembloit souvent fois, aucunes gens scandalisés.

Le dit Pastour entra en l'allée de la dite maison, estant en la quelle le dit Fourré, accompagné de Pierre Fourré son nepveu, se seroit efforcé tirer le dit Pastour dans la dite maison, des mains desquels il s'est échappé et sorti de la dite maison. Disant par le dit Pastour que, estant en la rue, le dit Fourré seroit monté à son grenier, jettant plusieurs pierres et cailloux, un nommé Guillaume Hémet, peigneur de laine fut blessé. Ce voyant plusieurs personnes, illec estant, dont là présent il n'a connaissance, auroient jetté des pierres contre la dite maison. De la quelle et par derrière, seroient sortis les dits Mtre Adrien, Pierre Fourré, Jean de Bury, Nicolas Lyon, et aultres qui furent poursuivis par plusieurs personnes à tous incognues; des quelles depuis il auroit entendu que le dit Fourré estoit homicidé, et le dit Bury blessé. Nous disant par le dit Pastour que pour vérification des choses de susdites ensemble, du contemnement que foisoit le dit Fourré de la messe et des saincts, que Jacques Malingre, Nicolas Millet, Loïs de Linière, Jehan Mareschal, etc., en sçauroient parler. Ce faict se seroit le dict Pastour retiré du dit Hostel de Ville.

« Et nous, Maire et pairs dessus nommés (1), serions derechef transportés au dit hostel épiscopal, nous présentant au dit Seigneur Révérendissime pour entendre son voulloir. Par l'advis du quel, aurions encore mandé les archers et arcbalestriers, pour eux trouver au dit Hostel de Ville en armes, eux avec nous faire le guet dans la dite Ville, ce que aurions faict; et ne se seroient aucunes personnes eslevées, ni fait émotion.

« Et tout ce que dessus certifions par nous aussi avoir esté faict et rapporté comme dessus (2). »

(Suite.)

G. BONET-MAURY.

BIBLIOGRAPHIE

L'ENFER. SATIRE, dans le goût de la Confession de Sancy d'Agrippa d'Aubigné, publiée pour la première fois, d'après le manuscrit conservé à la Bibliothèque de l'Arsenal parmi les papiers de Conrart,

(1) Jehan Paumart, maire; Pierre Aubert, Seigneur de Condé; François d'Auvergne, nagnères maire; Mtre Pierre de Nully; Jehan de Cathou; Nicolas Loisel, Jehan Mollet, Eustoce Delacroix et Picard, pairs.

(2) Le dit procès-verbal est signé de la main du greffier des secrets Larchon

neur.

avec une Notice préliminaire, des éclaircissements et des corrections, par M. CHARLES READ. Paris, librairie Jouaust (No XV dụ Cabinet du Bibliophile).

L'opuscule inédit que M. Charles Read vient de mettre en lumière est une actualité de l'an 1609, de omnibus rebus et quibusdam aliis; une satire beaucoup moins cynique heureusement, mais très-spirituelle et très-amusante des hommes et des choses du moment, pour la dernière année du règne de Henri IV. « La date est mémorable,» ainsi que le remarque l'éditeur.

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« Qui pouvait, ajoute-t-il, connaître comme d'Aubigné tous les sujets divers dont parle, en gentilhomme lettré, l'auteur de l'Enfer, particulièrement ces choses de la Cour et de l'Etat, ces affaires des grands et du peuple, de la Huguenotterie et du Jésuitisme? Qui pouvait, hors lui, écrire de ce ton et de ce style? pasquiller avec cet esprit les personnages marquants qu'il ne portait point en son cœur?...

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Entre autres scènes caractéristiques, citons celle du duel qui, suivant la mode du temps, a lieu (en enfer) entre M. de Bauves, fils de Du Plessis-Mornay, et le comte de Laval, ce fils de d'Andelot, ce neveu de Coligny, que les jésuites avaient circonvenu et fait abjurer (p. 12) (1) : Il faisoit assez pasle en ce pays-là; car le Soleil y est toujours comme ecclipsé, de sorte qu'à peine j'apperçus à deux cents pas de moy, deux jeunes hommes qui se battoient fort oppiniastrement avec espées de l'autre monde qui sont plus longues que les nostres, mais d'une trampe toute autre, n'estant employées qu'à fendre le vent. J'accours en ce lieu et y parvins à grosse haleine, pour séparer ceste folle jeunesse, que je jugeay bien du premier coup estre françoise, seulement par ceste animosité tant badine, et pour le plus souvent affectée. Et de faict, je cogneus à l'approche que c'estoit le jeune comte de Laval qui se battoit contre le fils de M. du Plessis. Je redouble incontinant ma course, tant pour leur baiser les mains, que pour les séparer, me doubtant assez que leur querelle estoit causée par la diversité de Religion, et m'estoit bien advis qu'ils avoient assez faict de mourir chacun une fois pour son party. — « Qu'est-ce, dis-je, Messieurs, ne vous lasserez-vous jamais d'espandre le sang français? Ne voyez-vous pas le dommage que porte ceste damnée coutume qui flétrit tant de belles espérances, et ne donne pas loisir à nostre jeune noblesse de laisser mûrir les fruictz qu'elle doibt à Dieu et à son roi? » Je les vis un peu esbranlez, tant de ma venüe, que de ma parole; ils me cognoissoient grand homme de bien, et n'espéroient rien moins de moy qu'une bien aspre réprimande; me servant donc sagement de leur crainte, je taschay, devant que les embrasser, de leur faire appréhender les jugemens de Dieu, avec une bonne ré

(1) Il trouva, l'année suivante (30 décembre 1605), une mort glorieuse en Hongrie. Il était à peine âgé de vingt ans. En luí s'éteignit la branche d'Andelot.

solution de vivre en gens de bien après leur mort. « C'est à vous, Messieurs, dis-je, de faire la leçon aux autres, ayant hanté depuis naguères en ces lieux tant de braves capitaines qui ont tenu leur honneur aussi cher pour le moins que vostre noblesse française. N'avez-vous pas vu icy un Marius, un Sylla, un César, un Pompée, un Philippe, un Agésilaüs, un Darius, un Alexandre? Se sont-ils battus en duel pour faire preuve de leur vaillance? Qui a jamais reproché à Auguste d'avoir refusé le cartel d'Antoine, luy mandant que s'il estoit saoul de vivre, il allast cercher d'autre bourreau pour le faire mourir? D'où vient ceste coustume, pensez-vous, sinon des nations barbares qui n'auoient pour loy fondamentale que la rapine et violence, lesquelles venant du Septentrion, et ayant comme par soudains orages brouillé le serein de nos ayeulx, ont empiété les Gaules, et faict distiller à la longue quelques mauuaises humeurs sur les plus propres à receuoir l'impression du cautère, dont la principale marque est le düel qui imite au plus près la façon de faire des bestes les plus farouches? Ces démons homicides qui n'estanchent jamais leur soif que par un continuel espanchement de sang, sont les Legislateurs de ce bel Edict. du poinct d'honneur; car ayans veu la coustume antienne descriée de se deffaire soi-mesme pour sortir des afflictions, et, comme dit le poëte, de se tuer soy mesme de peur de mourir, ils ont finement substitué à la furie des Anciens, cette rage moderne du düel pour ne rien perdre de leur curée. Et quelle manie plus digne d'estre enferrée que de faire juge de vos différents, ou un soleil qui vous esblouïra la vue, ou une pierre qui se rencontrera à vostre desmarche, ou deux poulces que l'espée de vostre ennemi aura davantage par dessus la vostre, ou la disposition en laquelle vous vous trouuerez ce jour-là, et mille autres hazards auxquels un homme sage ne fieroit pas un sol? Et vous y osez coucher de vostre vie! Encores seriez-vous suportables si tousjours le plus juste ou le plus vaillant l'emportoit, et que quelque raison voulût conduire une si enragée folie; demandez-en des nouvelles au pauvre Nantouillet. Je m'asseure qu'il voudrait torcher les bottes du Comte de Saulx trois fois le mois, et n'avoir jamais eu en teste une si funeste et abominable manie..... » La parole me croissoit en la bouche sur un si abondant sujet; mais j'apperçus que ces messieurs estaient en eau, et y avoit danger de pleurésie s'ils ne changeoient de chemise, cela me fist couper plus court je m'approche, je les embrasse, puis leur demande des nouuelles, où ils estoient logés : « Pour moi, je loge en ce Collége des Jesuittes, me dit le Comte, montrant du menton une maison assez proche. » « Et moy, dit Monsieur de Bauves, à l'enseigne de l'Escu de Genève, joignant le quartier de Monsieur de Bèze. » Nous prismes tous trois la route du Collége des Jésuittes, car c'estoit aussy le chemin de Monsieur de Bauves. Et cependant Monsieur de Laval me disoit qu'à la vérité il recognoissoit l'énormité du duel, mais que ceux qui le permettoient en debuoient porter le blasme, et non ceulx qui, par un debuoir quasi nécessaire,

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