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Pièce Aa.

(Tome 1, page 179).

LETTRE

Du prince de Polignac à M, le baron Pasquier, président de la Chambre des Pairs.

Saint-Lô, 17 août 1830.

Monsieur le baron,

Arrêté à Granville au moment où, fuyant les tristes et déplorables événements qui viennent d'avoir lieu, je

cherchais à passer à l'île de Jersey, je me suis constitué prisonnier entre les mains de la Commission provisoire de la préfecture de la Manche; le procureur du roi de l'arrondissement de Saint-Lô, ni le juge d'instruction, n'ayant pu, d'après les termes de la Charte, décerner un mandat contre moi, dans le cas, ce que j'ignore, où le gouvernement ait donné des ordres pour m'arrêter. Ce n'est que de l'autorité de la Chambre des pairs, dit l'article 22 de la Charte actuelle, conforme en cela à l'ancienne Charte, qu'un membre de la Chambre des pairs peut être arrêté. Je ne sais ce que fera la Chambre à ce sujet, et si elle mettra sur mon compte les tristes évé nements de deux jours que je déplore plus que qui que ce soit, qui sont arrivés avec la rapidité de la foudre au sein de la tempête, et qu'aucune force, aucune prudence humaine ne pouvaient arrêter, puisqu'on ne savait, dans ces terribles moments, qui entendre ni à qui s'adresser, et qu'on ne pouvait tout au plus que défendre ses jours.

Mon désir, Monsieur le baron, serait qu'on me permit de me retirer chez moi pour y reprendre les habitudes d'une vie paisible, les seules qui soient conformes à mes goûts, et auxquelles j'ai été arraché malgré moi, comme le savent ceux qui me connaissent. Assez de vicissitudes

ont rempli mes jours, assez de revers ont blanchi ma tête dans le cours de la vie orageuse que j'ai parcourue; au moins ne peut-on me reprocher, dans les moments de ma prospérité, d'avoir jamais conservé aucun souvenir d'aigreur contre ceux qui avaient peut-être abusé de leur force à mon égard dans les temps de mon adversité. Et, en effet, Monsieur le baron, où en serions-nous, tous tant que nous sommes, au milieu de ces changements continuels que présente le siècle où nous vivons, si les opinions politiques de ceux qui sont frappés par la tempête devenaient des délits ou des crimes aux yeux de ceux qui embrassent des opinions politiques plus heureuses!

Si je ne pouvais obtenir la permission de me retirer tranquillement dans mes foyers, je désirerais qu'il me fût permis de me retirer à l'étranger avec ma femme et mes enfants. Si, enfin, la Chambre des pairs voulait prononcer mon arrestation, je désirerais qu'elle fixât le lieu où je serais retenu au fort de Ham, en Picardie, où j'ai long-temps été détenu dans la longue captivité que j'ai éprouvée dans ma jeunesse, ou dans quelque citadelle commode et spacieuse à la fois. Ce lieu (Ham) conviendrait mieux que tout autre à l'état de ma santé affaiblie depuis quelque temps, et altérée surtout depuis les derniers événements qui se sont passés.

Les malheurs de l'honnête homme doivent mériter quelques égards en France; mais, dans tous les cas, Monsieur le baron, il y aurait, j'oserais presque dire, quelque chose de barbare à me faire amener dans la capitale dans un moment où tant de préventions ont été soulevées contre moi, préventions que ma seule voix ne peut apaiser, que le temps seul peut calmer. Depuis long-temps je ne suis que trop accoutumé à voir toutes mes intentions représentées sous le jour le plus odieux.

Je vous ai soumis tous mes désirs, Monsieur le baron; je vous prie, ignorant à qui m'adresser, de vouloir bien les soumettre également à qui de droit, et d'agréer ici l'assurance de ma considération.

Le prince de POLIGNAC.

Pièce Ab.

(Tome 1, page 194).

Proces-verbal d'embarquement de sa majesté Charles X et de la famille royale à Cherbourg, le 16 août 1830.

« Nous, Commissaires délégués auprès du roi Charles X pour le conduire lui et sa famille à Cherbourg, et veiller à leur sûreté, nous étant transportés à bord du navire américain la Grande-Bretagne, avons constaté que le roi Charles X, leurs Altesses Royales Louis-Antoine, dauphin, Madame la Dauphine, Mgr. le duc de Bordeaux, Madame la duchesse de Berri et Mademoiselle, ont été embarqués sur ce navire le 16 du mois d'août 1830

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