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ment, au fond du cœur de ce prince auguste, des regrets de n'avoir pas assez remercié le ciel de sa première restauration.

Il me semble que ce devait être assez d'avoir élevé un pareil blâme jusqu'à la personne du monarque, en oubliant qu'on le justifiait peu après, en faisant connaître ce qu'il avait préparé pour le clergé avec une prudente maturité, en oubliant qu'il avait fait plus encore, puisqu'il avait donné à ses sujets l'exemple de la piété la plus vive.

Du moins il fallait ne pas porter la témérité plus haut, et ne pas atteindre là Divinité. Il fallait ne pas lui prêter des passions, des calculs, des vengeances. Non, Celui qui sauva une ville de sa destruction, parce qu'on y avait donné un verre d'eau en son nom, n'a pas, pour le motif que vous lui supposez, soulevé l'Europe, déchiré la France. Non; ce n'est point ainsi que je me figure le Dieu que j'adore; ses décrets sont impénétrables à mes yeux; je les crois justes parce qu'ils émanent de sa volonté. Assez de motifs ont pu attirer sur nous la colère céleste, mais je n'ose pas en assigner les causes avec les faibles lumières de mon esprit, mais je n'abaisse pas la Divinité jusqu'à l'image de sa créature; je sais que la profondeur de ses vues est incommensurable, comme sa puissance; j'adore, et j'humilie ma raison.

Je rends cependant justice aux motifs de ceux dont j'ai rappelé, pour les combattre, les pensées qui m'ont paru funestes. Mais qu'il me soit permis de le dire, il y a du danger, dans la position où est la France, d'élever souvent le blâme jusqu'au monarque.

Le Français fut toujours distingué par son amour pour ses rois, et ce sentiment auquel il dut tant de gloire et de bonheur, il faut chercher à en embraser tous les cœurs.

Je respecte le monarque parce que je crois que jamais aucun roi ne fit autant de bien avec aussi peu de moyens d'en faire, ne détourna de son peuple autant de mal au milieu de tant de dé

sastres.

Mais je n'hésite pas à le dire, lors même que je serais assez aveuglé pour ne pas reconnaitre la vertu et le talent placés sur le trône, je donnerais encore l'exemple du respect et de l'amour pour l'inspirer aux autres.

Vingt-sept années de malheurs, de troubles, d'agitations, de crimes, ont laissé à nos concitoyens un pénible héritage d'inquiétude, de soupçons, de craintes et de remords.

Tant d'ambitions trompées, tant d'intérêts froissés, tant de personnes déçues, tiennent la nation entière dans l'attente.

Dans cette position elle peut être avide de nouveautés sans doute, il faut les lui refuser; donnons-lui le repos, elle y trouvera le bonheur.

N'enlevons pas au monarque, par une funeste précipitation, le moyen de faire le bien.

Que la commission qui nous a répété ce dont je n'ai jamais douté, que le Roi est depuis longtemps occupé du sort du clergé, ne cherche pas à s'attribuer l'honneur qui doit en revenir à Sa Majesté, lorsque sa sagesse trouvera le moment favorable pour donner une suite à ses hautes pensées.

Qu'en attendant ce jour désiré, ce soit sur les bases présentées par le ministre, qu'on donne au clergé une amélioration momentanée. Le zèle, la piété même a ses erreurs et ses dangers. On voudrait réparer dans un jour les malheurs d'un siècle; la nature du bien s'y oppose. Au moral comme au physique, une élévation rapide pré

révolution dans ses diverses phases nous en donné d'assez mémorables exemples: n'y cher chons pas des règles à suivre, mais des fautes éviter.

Nous laisserons le clergé dans la dépendance d souverain, car le souverain est l'image de la Di vinité sur la terre.

Il sera ainsi dans la plus heureuse position puisqu'elle assure l'impuissance de faire le mal et qu'elle laisse tous les moyens de faire le bien

Alors, la religion dont nous honorerons les mi nistres, en donnant nous-mêmes l'exemple d'e suivre les préceptes, pourra nous prêter son appu tutélaire, et portera l'amour de la paix dans tou les cœurs, et la consolation et l'espérance dan ceux où les bienfaits de Sa Majesté ne pourron atteindre.

Jetons ainsi les semences du bien que le temp seul peut faire prospérer.

Ah! si nous parvenions à éteindre les haine politiques, si nous pouvions communiquer à tou cet esprit de concorde et de paix dont nous somme animés, ceux que les passions égarent reconnaî traient que la Providence seule a pu diriger votr sagesse à opérer un si grand résultat, et bientô la reconnaissance les ramènerait au pied des autels l'édifice alors s'établirait sur sa base; 1 clergé obtiendrait sans effort la puissance moral qui lui est nécessaire pour opérer le bien et l'aisance qui lui est due et dont il saurait faire un noble usage; et, s'il était possible que la suite des siècles fit perdre à nos enfants le souvenir d'un si grand bienfait, les ministres de Dieu n'auraient qu'à rappeler nos fautes et leurs suites. pour que le spectacle de nos malheurs retint dans le devoir la postérité la plus reculée.

J'ai différé jusqu'à présent de vous parler de ces hommes qui ont donné à l'univers le malheureux exemple d'une abnégation publique, d'un divorce scandaleux avec l'Eglise

Il m'est si pénible de rappeler l'histoire de nos malheurs !

Mais, je l'avoue, il me paraît utile, nécessaire de jeter sur tant de crimes, sur tant de fautes ur voile impénétrable: il me paraît utile, il me paraît nécessaire de laisser quelque chose à faire at repentir.

Mais il est juste et indispensable qu'un législa teur prenne des règles pour l'avenir daus l passé qu'il reconnaisse, en même temps, que celui-ci est pour jamais hors de sa puissance, e qu'il sache même faire céder les sentiments le plus nobles aux règles immuables de la justice

Je vote pour que la Chambre reconnaisse tou ces principes, en adoptant la première partie d la proposition de M. Blangy, et passant à l'ordr du jour sur le projet de la commission. La séance est levée.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.
PRÉSIDENCE DE M. LAINÉ.

Comité secret du 8 février 1816.

Le procès-verbal du comité secret du 7 févrie est lu et adopté.

L'ordre du jour appelle la suite de la discussio sur la proposition de M. le comte de Blangy, ten dant à améliorer le sort du clergé et à supprime les pensions dont jouissent les prêtres marie (M. Roux de Laborie, rapporteur).

M. le comte de La Pasture. Messieurs, l'e

posée par M. de Blangy, exprime un vœu partagé depuis longtemps par tous les amis de la religion et de la justice, celui d'améliorer dès à présent la triste situation où se trouve le clergé catholique en France. Ce projet de loi qui nous a tous si vivement intéressés, peut se considérer comme un supplément aux autres propositions faites à la Chambre sur ce même objet, car celles-ci pouvaient difficilement s'occuper du présent; par leur nature elles n'offraient qu'un remède lent et applicable seulement à l'avenir. Mais une espérance éloignée est illusoire pour des hommes parmi lesquels les sexagénaires sont au rang des plus jeunes, accablés par l'âge, par les malheurs, par les privations. Ne nous séparons pas, Messieurs, sans soulager une misère honorable pour ceux qui la supportent avec tant de résignation; mais honteuse pour la nation qui n'y remédie pas.

Le projet de votre commission, s'il est exécuté, porterait quelque adoucissement à un abandon qui dure depuis trop longtemps; mais tel est le sentiment pénible que m'inspire le dénuement de nos malheureux desservants, le respect que je porte à leur caractère, à la sainteté de leurs fonctions, l'utilité même de leur ministère dans l'ordre social, que je dois céder au besoin d'appeler plus particulièrement votre attention, d'augmenter, s'il est possible, votre intérêt en faveur de ces hommes estimables autant qu'infortunés.

Le reste du clergé en fonctions, dans une situation sans doute trop pénible, trop peu fortunée, jouit au moins de quelques ressources pour exister et ne sollicitera pas des secours extraordinaires dans un instant où la patrie réclame de si grands sacrifices. Leur seul regret, dans la médiocrité de leur sort, sera, n'en doutons pas, de ne pouvoir secourir l'Etat par ces dons généreux que l'ancien clergé de France s'empressait d'offrir dans des circonstances moins désastreuses que celles où nous nous trouvons.

Mais, Messieurs, existe-t-il parmi les fonctionnaires publics salariés par l'Etat, une classe d'hommes plus malheureuse, plus rigoureusement traitée que les desservants des églises de campagne? Le Concordat, qui fixait le sort des curés, ne s'expliquait pas sur les desservants, parce que cette dénomination était alors inconnue; et on peut présumer que la religion du chef de l'Eglise fut encore surprise par cette promesse illusoire sur les traitements des curés, et qu'il crut que les ministres, replacés dans les anciennes cures, auraient les mêmes émoluments, trop peu élevés d'ailleurs pour laisser croire qu'ils fussent susceptibles de réduction. Cependant, grâce à la distinction entre un curé et un desservant, vous savez que ces derniers n'ont reçu, depuis un si grand nombre d'années, qu'un traitement de 500 francs, dont la pension ecclésiastique forme la plus forte partie par an, et le casuel est à peu près nul. Or, je vous le demande, Messieurs, trouverez-vous cette médiocrité de revenu dans aucune profession publique ? Quel est même l'artisan, l'ouvrier le plus inepte, le domestique le moins gagé dont l'emploi ne lui rapporte au delà de cette somme! Et voilà cependant le salaire que reçoivent ceux qui donnèrent un si courageux exemple de leur fidélité aux principes et de la plus touchante résignation dans l'adversité; ceux qui, seuls, inculquant aux enfants des pauvres ces idées morales sans lesquelles ils deviendraient imbéciles où brigands; ceux qui consolent l'indigent et l'être souffrant; ceux, enfin, qui apprennent à aimer Dieu, le Roi et la patrie? Mais

nous savons tous que ce n'est pas assez d'une vie sainte et des exhortations de la sagesse; il faut auprès de l'habitant des campagnes y joindre des dons, de la générosité, et loin d'avoir cette ressource si efficace, le desservant est lui-même réduit à solliciter des secours de celui que jadis il soulageait; condition bien triste sans doute, humiliante, avilissante même, si jamais la vertu pouvait être humiliée ou avilie.

Quelle vocation ne faudrait-il pas à présent pour suivre pendant toute sa jeunesse les études nécessaires à l'état ecclésiastique et n'avoir d'autre encouragement que la misérable existence qui lui est réservée? Aussi déjà peut-on calculer le moment où le culte ne pourra plus se célébrer que dans les paroisses de canton. L'éducation de cette foule d'enfants qui sont l'espoir de la patrie restera confiée à ceux dont le moindre défaut est l'indifférence, et qui trop souvent ne leur donnent que de pernicieux exemples ou ne les châtient que pour cause de maladresse en commettant les premiers délits. Et cependant, dans tout Etat polícé on crée des forces imposantes pour la recherche des criminels, on institue des magistrats pour les juger, la société fait de grands sacrifices à tant d'institutions destinées à punir les crimes commis, et nous négligerions le plus puissant moyen de diminuer tout cet appareil redoutable et dispendieux, celui qui, préparant les hommes à la vertu, diminue le nombre des coupables et prévient les attentats contre l'ordre social!

Mais déjà une partie de ce salutaire effet a cessé par suite des nombreuses réunions qui ont eu lieu dans les campagnes. L'éloignement et la mauvaise saison privent beaucoup de communes réunies de l'exercice du culte, elles ne s'habituent que trop facilement à s'en passer. Les enfants n'ont qu'une instruction rare et interrompue, l'impression en est bientôt effacée, et, moins surveillés par les pasteurs, ils contractent sans gène les habitudes les plus pernicieuses. La race qui s'est élevée pendant l'absence de la religion prouve que rien ne saurait remplacer son influence. Longtemps nous aurons à gémir sur cette lacune déplorable, et nous n'éprouvons que trop souvent la vérité de ces tristes observations; il ne fallait supprimer qu'un très-petit nombre d'églises rurales l'action de cette police paternelle est absolument nécessaire à la société. Les prètres dans les campagnes sont, si j'ose m'exprimer ainsi, les sentinelles avancées des mœurs, de la bonne foi, de l'obéissance aux lois; et il a fallu une affreuse impiété dans le gouvernement pour se priver d'un si puissant auxiliaire. Les réunions, l'avilissement des fonctions, le défaut de fixité dans les établissements, tout fut aussi impolitique qu'immoral.

;

C'est donc non-seulement par respect pour la religion et la justice, mais encore dans des vues politiques que je viens appuyer l'ensemble du rappor de votre commission. Et qui pourrait contester les principes qu'il renferme ? Je m'appuie sur une autorité qui ne peut être suspectée de partialité et de générosité en faveur du clergé, c'est celle de l'Assemblée constituante; nous sommes cependant assez malheureux pour ne pouvoir encore l'égaler. En effet, Messieurs, dans cette spoliation aussi folle qu'injuste des immenses biens du clergé, on laissa au moins de smoyens d'existence à ceux qu'on dépouillait, et la loi des mois d'août et 24 juillet 1790 qui fixe les pensions à accorder, porte à 1,200 francs le minimum des traitements ecclésiastiques; la Charte, en garantissant les ventes de biens nationaux, nous laisse la tâche honorable de consoler, d'indemni

ser les victimes de la Révolution. Sachons la remplir dignement, car la prétendue philanthropie du siècle ne les a que trop négligées, en ne se négligeant pas elle-même.

Je ne demande cependant pas que nous rélablissions l'intégrité des pensions et traitements ecclésiastiques décrétés par l'Assemblée constituante, nos finances ne nous le permettent pas; je ne prétends pas davantage en consacrer le principe; des vues plus grandes, moins onéreuses pour l'Etat, entrent sans doute dans les méditations de Sa Majesté. Aussi le rapporteur de la commission ne réclame-t-il que des secours provisoires, et on ne peut qu'approuver la modération de ses demandes en faveur de la partie souffrante du clergé. Un moyen facile d'y satisfaire existe; ce moyen vous a hier été indiqué par M. Piet, dont nous avons tous admiré la pureté de principes et l'éloquence entraînante. Nous reconnaissons qu'il faut améliorer le sort du clergé, et pourquoi ? C'est qu'on lui a tout pris et qu'on ne lui restitue rien. Rendons-lui donc ce qui existe encore, et, sans qu'il nous en coûte davantage, nous remplirons deux devoirs sacrés en même temps; et si la Charte abolit la confiscation, même envers des factieux, des scélérats, comment osons-nous retenir ce qui est consigné à l'honneur, à la vertu, pour la cause de Dieu et du Roi? Soyons donc conséquents avec nous-mêmes et fideles interprètes de la Constitution. Je dirai avec M. Piet, «qu'un mur d'airain s'élève entre le passé et le « présent, entre ce qui fut consommé et ce qui existe; mais revenons franchement aux priacipes, c'est le plus sur moyen d'assurer le crédit public; alors, mais alors seulement le cercle révolutionnaire sera fermé pour notre malheureuse patrie. J'appuie donc la proposition de notre honorable collègue.

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Mais comme tout, dans ce moment, doit être en harmonie et se combiner avec l'état de nos finances, je demande que cette proposition et les articles 2, 3, 4 et 5 du rapport de votre commission soient renvoyés aux commissions du budget et de la loi proposée par le ministre de l'inté

rieur.

Permettez-moi seulement, Messieurs, de fixer un instant votre attention sur cet article 5 du rapport, en raison de l'importance que j'attache à son exécution.

Je ne puis mieux appuyer mon opinion qu'en citant les paroles mêmes de l'estimable auteur du rapport: Treize mille paroisses sans presbytère ! Elles ne s'élèvent plus dans chaque village, ces « habitations dont le luxe modeste consolait les « regards de la charité, en l'assurant que les habi«tants des chaumières qui les environnaient ne << seraient jamais sans secours, et que le pauvre même privé d'une chaumière ne serait jamais « sans asile!.... » Je craindrais d'affaiblir une si touchante expression en ajoutant un seul mot, et vous sentirez comme moi, Messieurs, combien il est urgent que cet article soit exécuté. Il me semble qu'il serait à désirer, pour faciliter encore cette exécution, que le petit nombre d'églises conservées reçussent une fixité qu'elles ont pour ainsi dire perdue en devenant succursales; et le meilleur moyen pour y parvenir, serait tout simplement qu'elles redevinssent ce qu'elles furent pendant tant de siècles, des paroisses, et les desservants des curés.

Ceci me ramène au sujet principal qui m'occupe plus spécialement, c'est-à-dire la prompte amelioration du sort des desservants. Leurs péni

premiers secours qui seront accordés en faveur du clergé. Je pense que nous ne pouvons moins faire pour eux, que de les assimiler aux curés des paroisses de canton de 2 classe, c'est-à-dire leur assurer un traitement de 1,000 francs, dont ils jouiront aussitôt que nos finances le permettront; et, pour le présent, leur accorder pour 1817 le supplémeut de 250 francs proposé par votre commission.

Ce modique revenu serait-il donc jugé trop considérable, appliqué à des soins si importants, si utiles? Ils ne sont pas moins multipliés, moins onéreux dans les campagnes que dans les villes, car les nombreuses réunions qui se sont faites force actuellement le desservant à des marches longues et pénibles, seul, à pied, obligé de les faire à toute heure et dans toutes les saisons de l'année. Les pauvres qui sont à sa charge ont augmenté avec l'accroissement de ses paroissiens, tandis que le casuel seul reste dans sa nullité première par défaut de moyens ou de piété; et combien souvent n'est-il pas même obligé de faire l'abandon du léger droit fixé pour les cérémonies de l'Eglise? Et tel se dispenserait de faire baptiser son enfant ou se contenterait du mariage civil, si le prêtre ne s'empressait de l'exempter de toute rétribution. Tous ici, nous avons été témoins du zèle, des travaux et de la pénible existence des desservants; je ne craindrai pas d'ajouter que telle est la misère qui les accable, que beaucoup d'entre eux n'ont pu encore se procurer l'espèce de vêtements exigés pour l'état et les fonctions saintes du sacerdoce: c'est ainsi qu'on a voulu avilir les ministres de la religion pour assurer la ruine prochaine de la religion elle-même. Hâtonsnous donc de consoler, de conserver ces vénérables restes de l'Eglise de France, et afin qu'il s'élève des successeurs dignes d'eux. Ne marchandons pas la vertu, l'impiété nous a coûté trop cher. Ayons, s'il le faut, quelques régiments de moins, mais recréons nos institutions morales, car notre plus grand ennemi c'est l'immoralité. Faisons enfin, sous le gouvernement religieux et légitime des fils de saint Louis et malgré le désordre de pos finances, ce que n'a pas voulu faire le pouvoir impie et usurpateur au milieu d'un luxe scandaleux, et avec toutes les ressources que lui fournissaient les trésors de la France et les dépouilles des peuples vaincus.

Reprenant la proposition primitive de M. de Blangy, je propose de renvoyer tout ce qui lui est étranger aux commissions du budget et à celle chargée d'un rapport sur la loi proposée par le ministre de l'intérieur, et alors je reproduis cette première proposition en la rédigeant ainsi qu'il suit:

Art. 1er. Le sort des ecclésiastiques doit être amélioré. Les desservants des paroisses rurales jouiront au plus tard, à commencer au 1er janvier 1820, d'un traitement égal à celui qui est affecté en ce moment aux curés de canton de seconde classe, et ils recevront, à compter du 1er janvier 1817, à titre de secours provisoire, un supplément de traitement de 250 francs par an.

Art. 2. Les pensions ecclésiastiques, dont jouissent des prètres ou mariés, ou qui ont renoncé à leur état en embrassant une profession incompatible avec le sacerdoce, seront supprimées, et Sa Majesté daignera ordonner à ses ministres de faire rechercher les individus de cette classe qui, ne jouissant d'aucunes places ni d'aucuns traitements du gouvernement, ont besoin pour subsister que leurs pensions leur soient continuées à titre de

[Chambre des Députés.]

M. Benoist, député de Maine-et-Loire, dans un discours improvisé, s'est attaché à réfuter les objections des adversaires du projet.

On avait dit que ces propositions étaient étrangères à celles que la commission avait été chargée d'examiner.

M. Benoist observe, d'une part, qu'elles n'en sont que le développement; de l'autre, que l'usage de la Chambre a autorisé cette marche.

On avait remarqué que si, dès l'abord, il eût été question de 19 millions, on eût tout autrement accueilli la proposition de M. de Blangy, sur laquelle a été créée la commission.

Il fait voir que ces 19 millions ne sont que l'addition de quelques centaines de francs ajoutés aux faibles traitements de quarante mille ecclésiastiques.

On a objecté qu'il était impossible de faire tout le bien à la fois.

Il a pensé que ce n'était pas une raison pour n'en point faire du tout.

On objectait que, dans des provinces entières écrasées par la guerre, les habitants dispersés réclamaient les secours de la charité.

Il a plaint ces grandes infortunes, en ajoutant que si quelques consolations descendaient au milieu de ces malheureux, elles venaient sans doute de quelques pauvres prêtres, qui leur faisaient voir au delà des misères humaines les récompenses éternelles, et probablement partageaient avec eux le pain de douleur qu'on leur donne à euxmêmes avec tant de parcimonie.

On avait paru craindre l'indépendance du clergé. Il lui a paru que cette indépendance ne résulterait probablement pas d'une opulence de 500 francs de traitement; mais il a pris de là occasion d'examiner pourquoi nos ancêtres avaient cru si nécessaire d'établir cette indépendance des ministres de la religion. Il a cru en trouver les motifs dans les fonctions propres aux ecclésiastiques, dans l'obligation que leur fait la religion de rappeler à tous les chrétiens leurs devoirs, de leur reprocher leurs fautes; triste ministère, qui ne pouvait être utilement rempli par des hommes dépendant de ceux qu'ils étaient chargés d'avertir ou de reprendre.

« Je n'ignore point, a continué l'orateur, que des inconvénients ont suivi cette indépendance. J'ai lu, comme un autre, dans notre histoire les querelles du sacerdoce et de la puissance civile; mais je conçois que des abus ne prouvent pas tout contre des principes; et, s'il faut le dire, je ne sais si, dans ces jours malencontreux où périt si misérablement le dernier rejeton du grand Condé, je n'eusse pas mieux aimé voir quelque ecclésiastique assez fort par son caractère, assez indépendant par sa position, pour, nouveau saint Ambroise, arrêter à la porte du temple le meurtrier couvert de sang, et lui en interdire l'entrée jusqu'à ce qu'il eût expié son crime par les rigueurs de la pénitence, que de voir le clergé de France tenir de son gouvernement son catéchisme, sa foi, sa doctrine, et tendre la main au peuple pour en recevoir sa subsistance. »

Un orateur avait remarqué que le clergé, à l'époque de la Révolution, était riche, puissant et considéré, et que l'impiété n'en avait pas moins pénétré toutes les classes de la société.

Cette objection, a dit M. Benoist, prouvait plus sans doute que ne l'avait prétendu celui qui l'avait présentée, et il ne voudrait probablement pas l'appliquer à toutes les institutions, qui alors nepurent se défendre du torrent des nouveautés.

« Ces nouveautés, a-t-on dit, étaient l'esprit du

siècle; expression vulgaire, avec laquelle, dans
tous les temps, on a prétendu justifier les nou-
velles erreurs; expression qu'on répète encore
pour étayer les idées, les principes, les systèmes,
que vingt-cinq ans de révolution nous ont appris
à juger.

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M. Benoist, après avoir parlé pendant une heure, a conclu à ce que les propositions de M. Laborie fussent renvoyées à la commission chargée de l'examen du projet de loi présenté par le ministère sur les pensions ecclésiastiques, laquelle se concerterait avec la commission du budget pour, d'accord avec celle-ci, présenter les moyens les plus convenables d'assurer le service du culte et d'améliorer le sort de ses ministres.

Le membre auteur de la proposition (M. le comte de Blangy) qui a donné lieu au rapport, expose les motifs qui l'ont déterminé. Dans la première partie de sa proposition il s'est borné à indiquer le mal, en invoquant la sagesse et la piété du Roi pour y remédier.

Il ne discute point les moyens présentés par la commission, parce qu'il pense qu'ils doivent être coordonnés avec les questions analogues qui occupent deux autres commissions. Il exprime la même opinion au sujet de la restitution des biens non vendus, proposée par un de ses collègues (M. Piet).

Quant à la suppression des pensions ecclésiastiques, son but, en la demandant, n'a pas été une sordide et faible économie. Il a voulu proclamer un principe utile à la religion et à la morale; et, après avoir satisfait à la justice, tendre la main à la misère et au repentir. En conséquence, il vote pour l'article 6 du projet de la commission, et pour le renvoi des autres articles aux commissions saisies du budget et du projet présenté (le 2 janvier) par le ministre de l'intérieur.

M. Voysin de Gartempe. Messieurs, tous chrétiens, nous reconnaissons l'importance de la religion.

Désolés des plaies sans nombre faites à l'Eglise de France, nous voulons tous les cicatriser. Nous désirons tous parvenir aux moyens de doter suffisamment le culte de nos pères.

Est-il besoin, pour remplir ce devoir, de retracer à nos esprits des maux qu'il serait heureux de pouvoir effacer des pages de l'histoire?

Craint-on que l'étranger, qui eut tant de reproches à nous faire (aujourd'hui qu'il occupe une portion de notre territoire), oublie nos torts, qu'il ne se souvienne plus de nos erreurs, et qu'il n'accuse pas aussi notre impiété, nos sacrileg et tous les crimes du délire révolutionnaire ? Faut-il lui fournir nous-mêmes l'acte d'accusation, et lui livrer le factum de notre propre turpitude?

éges,

Vos généreuses voix, Messieurs, en s'élevant sans cesse, sans mesure, contre les attentats de la Révolution, ne craignent donc pas de porter le dernier coup à l'honneur national.

Proclamer ici, en présence de l'Europe, que l'athéisme l'immoralité règnent toujours au milieu de nous, c'est une indiscrète confession qu'on ne nous demandait pas, qu'aucun peuple ne s'est jamais permise; elle peut avoir les suites les plus déplorables sur notre avenir et sur le sort de nos enfants.

Sondons courageusement nos plaies! efforçonsnous de les guérir!

Laissons là le passé qui n'est plus à nous! Unissons-nous franchement pour arranger le présent et préparer les destinées futures de notre triste patrie.

Voilà nos vrais devoirs. Gardons-nous bien de combattre l'esprit révolutionnaire avec ses propres armes.

Elles sont périlleuses à manier.

Fabriquées à double tranchant, elles blessèrent constamment ceux qui s'en servirent et ceux contre lesquels on les einploya.

Il est de leur nature de devoir tuer, l'un après l'autre, vaincus et vainqueurs.

On avait proposé, Messieurs, d'invoquer la sollicitude du Roi pour l'amélioration du sort du clergé et de manifester le vœu de la suppression des pensions dont jouissent les prêtres mariés.

Ces questions, les seules renvoyées dans vos bureaux, semblaient devoir être les seules à offrir à votre délibération.

Elles ont cependant amené le tableau fortement dessiné des persécutions, des avanies faites aux ecclésiastiques, et qu'on a bien voulu ne pas trop rembrunir par tant d'autres détails non moins touchants que ceux mis sous nos yeux, et tous déjà retracés depuis longtemps par plus d'un éloquent écrivain, alors qu'il y avait courage et point de profit à les publier.

Votre commission, suivant une route plus large que celle indiquée dans la proposition de M. de Blangy, vous propose de vous occuper de suite de la dotation du clergé de France, ainsi que de la suppression des pensions des ecclésiastiques mariés, ou qui ont renoncé à leur état.

Dans la discussion, un orateur est venu plaider la cause du clergé sous un autre rapport, et, procédant à priori: « A quoi bon, s'est-il écrié, s'oc«cuper de la dotation du clergé? pourquoi de«mander au peuple de nouveaux impôts? qu'est-il « besoin de prendre sur les sueurs du pauvre, pour l'entretien du culte et la nourriture des « prêtres? >>

Rendez, rendez au clergé les biens non vendus, qui restent entre les mains du domaine de l'Etat ! « C'est de restitution dont il s'agit (a dit l'ora« teur), et non de libéralité : l'on ne vous demande plus d'être généreux, l'on exige que vous soyez « justes. »

«

Ainsi vous l'avez entendu, Messieurs, le clergé de France, que vous voulez faire propriétaire, dont la formation en corps civil faisait encore la matière d'un problème, dans les discussions sur la faculté de donner aux églises; le clergé existe et demande des biens que retient le domaine de P'Etat.

C'est cette réclamation que je pense devoir examiner d'abord; car, si elle était susceptible d'adoption, la proposition principale de la commission, deviendrait inutile.

Messieurs, toute question politique, de même que toute cause, entre les hommes, est toujours susceptible d'offrir des arguments différents sur la controverse.

Ceux qui ne cherchent que des raisons de discuter ou de douter s'habituent de bonne foi à prendre leurs propres raisonnements pour des motifs de décision irréfragables.

Mais lorsqu'il faut statuer et prononcer avec science, justice et raison, l'esprit apprend à recomposer les idées générales d'un tout que l'argumentation a divisé, pour se mettre plus à l'aise et tâcher de triompher de l'inattention de ceux qui l'écoutent.

Essayons à notre tour de prouver que la proposition de M. Piet est inadmissible, et que le clergé actuel de France n'a aucun droit sur les biens invendus des anciens établissements ecclé

Lorqu'en 1790, on supprima les monastères, les établissements ecclésiastiques, leurs biens furent réunis au domaine de l'Etat.

Les établissements n'existaient et ne formaient des corps politiques, civils et moraux, que par la bénévolence de la puissance publique.

Leur fin frappait leurs biens de déshérence; l'Etat y succédait.

Prenez garde, Messieurs, que je n'entends ici ni discuter ni justifier le mérite ou l'opportunité de ces suppressions.

Les biens n'étaient pas le domaine du clergé proprement dit.

Ils appartenaient privativement à tels monastères, à tels chapitres, à telles abbayes, à tels bénéfices.

Tous étaient des personnes morales ou politiques dans l'Etat, ayant si bien des intérêts particuliers, que chacun des bénéfices, chacun des établissements plaidaient, contestaient, demandaient, défendaient les uns contre les autres.

Le clergé n'était point propriétaire comme corps politique.

Chacun de ces établissements, chacun des titulaires de bénéfices faisaient partie de l'ordre du clergé, de même que chaque noble faisait partie de l'ordre de la noblesse.

Les nobles étaient propriétaires : l'ordre de la noblesse avait des droits politiques, mais ne possédait rien en corps.

Le clergé était aussi un corps, un ordre politique, mais il ne possédait pas davantage què l'ordre de la noblesse.

Ses assemblées périodiques, ses agents généraux, toujours existants, ne pouvaient et n'avaient d'autre but que le maintien des droits politiques qu'avait conservé l'ordre du clergé.

Il s'imposait lui-même, et ses assemblées avaient pour objet la concession du don gratuit, et sa répartition.

Une espèce d'administration résultait des emprunts faits par le clergé au profit de l'Etat et de la création des rentes à sa charge. Les agents généraux étaient les chefs de cette administration.

Il en eût été de même de l'ordre de la noblesse, s'il eût conservé le droit de s'assembler.

C'était de même qu'il en était pour les autres ordres dans le pays d'Etats.

Les Etats de Bretagne et de Languedoc étaient composés de propriétaires des trois ordres; mais ces Etats n'étaient propriétaires de rien, comme corps d'Etat, comme être politique et moral.

Maintenant, où sont les établissements, les monastères, les abbayes, les bénéfices à qui appartenaient les biens restés au domaine (il ne peut y en avoir d'autres que les forêts)? Ils ne sont plus, ces êtres ecclésiastiques, ils vivaient (politiquement parlant), ils sont morts de même.

Le clergé actuel est-il donc le successeur de ces anciens établissements? Représente-t-il l'antique clergé de France? Mais j'ai prouvé, ce me semble, que l'ordre du clergé, le corps ecclésiastique, avant la Révolution, se composait des ecclésiastiques réguliers et séculiers, des monastères, des ordres religieux, des abbés commendataires, comme des évêques et des pasteurs.

Nos prêtres actuels, sans doute, sont les successeurs de ces évêques de ces pasteurs, comme ceux-ci l'étaient des apôtres; mais, dans quel sens? Dans l'ordre de la mission divine et perpétuelle qu'a donnée à son Eglise le Sauveur

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